Libye: déploiement d'hommes armés à Tripoli, tractations entre candidats

Des miliciens armés se sont déployés mardi à Tripoli faisant craindre une reprise des violences (Photo, AFP).
Des miliciens armés se sont déployés mardi à Tripoli faisant craindre une reprise des violences (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 22 décembre 2021

Libye: déploiement d'hommes armés à Tripoli, tractations entre candidats

  • Les candidats clés à la présidentielle du 24 décembre semblent avoir acté le report de ce scrutin en œuvrant pour de nouvelles alliances
  • L’ONU craint que la mobilisation de «forces affiliées à différents groupes augmente le risque d'affrontements qui pourraient dégénérer en conflit»

TRIPOLI: Des miliciens armés se sont déployés mardi à Tripoli faisant craindre une reprise des violences, au moment où des candidats clés à la présidentielle du 24 décembre semblent avoir acté le report de ce scrutin en œuvrant pour de nouvelles alliances.  

Dans une scène rappelant le conflit qui a fait rage aux portes de Tripoli jusqu'en juin 2020, des véhicules armés de mitrailleuses et un char se sont mobilisés dans une banlieue de la capitale libyenne. Des écoles et l'université ont été forcées de fermer et des rues bloquées par des barrages de sable et surveillées par des hommes armés en uniforme kaki. 

La situation s'est détendue en milieu de journée avec la réouverture de la plupart des rues à la circulation, selon un correspondant de l'AFP sur place, mais la Mission d'appui de l'ONU en Libye (Manul) s'est dite "préoccupée par l'évolution de la situation sécuritaire à Tripoli". 

Car la mobilisation de "forces affiliées à différents groupes crée des tensions et augmente le risque d'affrontements qui pourraient dégénérer en conflit", selon elle. 

«Intérêt national»

Les autorités n'ont fait aucun commentaire sur la mobilisation armée qui intervient à trois jours de la date prévue pour la tenue d'une présidentielle cruciale le 24 décembre.

Mais le report du scrutin ne fait désormais aucun doute, sur fond de désaccords persistants entre camps rivaux et insécurité chronique, même si aucune annonce officielle n'a été encore faite en ce sens. 

Ce déploiement survient aussi quelques jours après le limogeage, contesté par plusieurs groupes armés, d'un haut responsable militaire qui avait alimenté les tensions avec des mouvements armés à Tripoli, où une myriade de milices affiliées aux ministères de la Défense et de l'Intérieur demeurent très influents. 

Sur le terrain politique et à quelque 1.000 kilomètres à l'est de Tripoli, deux candidats à la présidentielle originaires de la ville de Misrata(ouest), ont effectué une visite inédite à Benghazi, la grande ville de la Cyrénaïque habituellement hostile aux figures de la Tripolitaine.

L'influent ex-ministre de l'Intérieur Fathi Bachagha et l'ancien vice-Premier ministre Ahmed Meitig se sont entretenus avec le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle de facto l'est et une partie du sud du pays et entretient une âpre rivalité avec les notables de l'Ouest.

Le maréchal Haftar, lui-même candidat à la présidentielle, a également rencontré des candidats du Sud et de l'Est.

Au nom de "l'intérêt national", ces candidats ont convenu "de poursuivre la coordination et les contacts dans le cadre de cette initiative patriotique, en veillant à l'élargir afin qu’elle englobe tous (...)", a déclaré M. Bachagha lors d'une conférence de presse.

Démonstration de force

Entre avril 2019 et juin 2020, le maréchal septuagénaire avait tenté en vain de conquérir militairement la capitale Tripoli. 

La ville portuaire de Misrata, située à quelque 200 km de Tripoli, avait fourni un grand nombre de combattants ayant aidé à repousser l'offensive des forces de M. Haftar.

Mardi à Misrata, le commandant d'une milice libyenne, Salah Badi, placé en 2018 sur la liste noire des sanctions américaines dans la foulée d'une mesure similaire de l'ONU, a organisé une parade de ses miliciens dans ce qui s'apparente à une démonstration de force et une réponse au déplacement à Benghazi de MM. Meitig et Bachagha.

Autre signe de tensions, des hommes affiliés aux Gardes des installations pétrolières ont forcé lundi la fermeture de quatre champs pétroliers du pays, entraînant des pertes de "plus de 300.000 barils par jour", soit le tiers de la production nationale quotidienne, selon la Compagnie nationale de pétrole.

Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye ne parvient pas à s'extraire d'une décennie de chaos, marqué ces dernières années par l'existence de pouvoirs rivaux dans l'est et l'ouest du pays. 

Un cessez-le-feu a été signé en octobre 2020 et un nouveau gouvernement unifié mis sur pied en début d'année, à l'issue d'un processus laborieux chapeauté par l'ONU, pour gérer la transition d'ici l'hypothétique présidentielle du 24 décembre. La sécurité, elle, reste précaire avec des affrontements sporadiques entre groupes armés.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
Short Url
  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Short Url
  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Short Url
  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.