La question de la laïcité divise la gauche française

Jean-Luc Melenchon, chef du parti de gauche français La France Insoumise. (AFP)
Jean-Luc Melenchon, chef du parti de gauche français La France Insoumise. (AFP)
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Publié le Lundi 28 septembre 2020

La question de la laïcité divise la gauche française

  • Les partis de gauche sont divisés sur la question de la laïcité en France
  • Du burkini aux caricatures de Charlie Hebdo, le sujet est devient de plus en plus sensible

Les Verts et le burkini, Jean-Luc Mélenchon face à Charlie Hebdo : plusieurs controverses récentes ont rappelé que la laïcité continuait de diviser à gauche, avec comme principale pierre d'achoppement la place des pratiques de l'islam dans la République.

En plein procès des attentats de Charlie Hebdo, Yannick Jadot, député européen EELV et futur candidat à la candidature pour 2022, a tonné le 16 septembre: « Le burkini n'a rien à faire dans les piscines ».

Colère dans son parti. « Nous nous opposons à tout propos qui divise, stigmatise, au lieu de rassembler », a tweeté la commission Quartiers populaires d'EELV, se faisant le porte-parole d'un malaise largement partagé en interne.

Autre sujet de polémique: l'audition, il y a quelques jours à l'Assemblée nationale, d'une étudiante portant le hijab, Maryam Pougetoux, vice-présidente de l'Unef. En signe de protestation contre cette « provocation » communautariste, plusieurs députés LR et une élue LREM ont quitté la salle.

Ségolène Royal, ex-candidate PS à la présidentielle, les soutient car « l'étudiante fait acte de militantisme politique », affirme-t-elle à l'AFP.

Personne, de gauche à droite, ne remet en question la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Toute la question est de savoir ce qu'on entend par « laïcité ».

Tous « ceux qui la brandissent en étendard la détournent pour d'autres fins. Bien souvent, c'est de l'islamophobie ou des injonctions faites aux femmes », affirme Julien Bayou, secrétaire national d'EELV.   

« Caricature » 

La laïcité est ainsi le symbole d'une discorde sur le rapport de la gauche aux minorités. Pour Jean-Luc Mélenchon, chef des Insoumis, il faut défendre une laïcité inclusive qui respecte notamment les pratiques des musulmans, selon lui injustement pointés du doigt. 

Lors d'un discours sur la République, à la Mutualité le 21 septembre, l'Insoumis a mis en garde « contre les apprentis-sorciers », qui prennent le risque de « rallumer une absurde guerre de religion ».

« Mélenchon regarde surtout où se trouve son électorat pour 2022 », cingle la sénatrice PS Laurence Rossignol, en référence aux habitants des quartiers populaires.

Mi-septembre, il s'est attiré les foudres de Charlie Hebdo et de certains à gauche, notamment le Printemps républicain.

Il avait publié sur sa page Facebook une caricature du site de gauche Regards représentant les tombes des dessinateurs victimes de l'attentat de Charlie Hebdo, d'où émanait un soupir: « C'est dur d'être aimés par des cons », à l'adresse de Manuel Valls ainsi que des journalistes Caroline Fourest et Zineb El Rhazoui.

Le sujet fait tousser, jusque dans les rangs insoumis, les tenants de la tradition anti-cléricale de la gauche: Sacha Mokritzky, conseiller national du Parti de gauche, a récemment dû s'expliquer devant une commission interne pour une tribune marquant son désaccord avec la qualification, par M. Mélenchon, de Marianne et Charlie Hebdo comme « bagagistes » de l'hebdomadaire Valeurs actuelles.

Au PS, le sujet est très sensible, depuis qu'une note du think tank Terra Nova avait lui avait conseillé, pour la présidentielle de 2012, de se tourner vers « la France de la diversité, presque intégralement à gauche », plutôt que vers des « ouvriers » votant « de moins en moins à gauche ».

Le parti veut désormais « clarifier sa position », assure Isabelle This-Saint-Jean, secrétaire nationale aux Etudes. Ces derniers mois, il a mené « une trentaine d'auditions » (politiques, chercheurs, intellectuels, religieux, francs-maçons...). « La laïcité, c'est le pacte républicain, la possibilité d'une République commune ». 

Sur le terrain, ce n'est pas toujours aussi simple. Le nouveau maire PS de Montpellier, Michaël Delafosse, veut que les associations de sa ville signent « une charte de la laïcité », sous peine d'être privées de subventions. Un collectif  (PCF, LDH, Attac, CGT, gilets jaunes) lui demande de « renoncer à ce projet inutile ». 


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.


Crimes contre l'humanité: ouverture du procès de trois hauts responsables du régime syrien aux assises de Paris

Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
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  • Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011"
  • Dans cette affaire, les trois hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens qui vivaient à Damas

PARIS: Le premier procès en France sur les crimes du régime de Bachar Al-Assad s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris: trois hauts responsables syriens soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la mort de deux Franco-Syriens sont jugés jusqu'à vendredi par défaut, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité.

Absents à l'audience, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ex-directeur des services de renseignements de l'armée de l'air, et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, sont aussi accusés de complicité de délit de guerre.

Ils sont visés par des mandats d'arrêt internationaux.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), il s'agit "des plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais les personnes poursuivies étaient de rang inférieur et présentes aux audiences.

Clémence Bectarte, avocate de plusieurs parties civiles, a salué avant le début de l'audience "l'aboutissement d'un long combat judiciaire".

Dans cette affaire, les trois accusés sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens vivant à Damas.

Les deux victimes, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas pour le fils et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas pour le père, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'air syrienne.

«Système de tortures»

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi, comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... Lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus de Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation.

"C'est un dossier qui a été constitué au fil des ans, pendant sept années d'instruction, et qui permet de rassembler des éléments à charge considérables et de démontrer tout le système qui avait été mis en place, qui était un système de torture, un système de mauvais traitements et de traitements inhumains et de disparitions", a souligné avant l'audience Me Patrick Baudouin, qui représente la FIDH avec Me Bectarte.

Après la lecture du rapport qui retrace les grandes lignes du dossier d'instruction, la cour d'assises a commencé à entendre le chercheur Ziad Majed sur le système politique en Syrie, qui a souligné que l'univers carcéral était une véritable "colonne vertébrale du régime".

Interrogé sur les velléités de normalisation des relations diplomatiques avec Bachar al-Assad, Ziad Majed a mis en garde contre le fait que ce faisant, c'était "l'impunité" qu'on encourageait. C'est "ce qui contribue à la poursuite des crimes dans cette région ou ailleurs", a-t-il souligné.