Les passeurs de la Manche ou la forte concurrence des réseaux criminels

La plage de Wimereux, sur la côte nord de la France, point de départ fréquent  des migrants pour traverser la Manche sur des bateaux pneumatiques pour tenter d'atteindre l'Angleterre (Photo, AFP).
La plage de Wimereux, sur la côte nord de la France, point de départ fréquent des migrants pour traverser la Manche sur des bateaux pneumatiques pour tenter d'atteindre l'Angleterre (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 18 décembre 2021

Les passeurs de la Manche ou la forte concurrence des réseaux criminels

  • Les passeurs s'organisent en une « multitude de réseaux criminels » qui se font concurrence, explique Pascal Marconville
  • Généralement, le migrant est en contact avec un réseau dès le départ. Un intermédiaire récupère l'argent de la famille, et donne le top à chaque étape

DOUAI : Pointés du doigt après la traversée tragique qui a coûté la vie à 27 migrants dans la Manche fin novembre, les passeurs s'organisent en une « multitude de réseaux criminels » qui se font concurrence, explique Pascal Marconville, premier avocat général à la Cour d'appel de Douai dans un entretien.

Marconville explique le phénomène migratoire récent en identifiant deux grandes vagues migratoires à partir de 2015: l'une en provenance de Syrie et d'Irak, l'autre de la corne de l'Afrique (Erythrée, Soudan, Somalie ou Ethiopie). Selon lui, parmi les trafiquants ressortent ces populations, principalement les Irako-kurdes, historiquement implantés sur la côte belge et le Dunkerquois, et gagnent du terrain sur toute la côte, jusque dans la Somme.

Plus tôt, en 2001, affirme l’avocat, des filières afghanes sont arrivées et se sont emparées du Calaisis. « Elles sont moins actives aujourd'hui, mais je pense qu'avec le retour des talibans, on les verra réapparaître. Quant aux Africains, populations assez pauvres, tentent la plupart du temps de traverser seuls et se cotisent pour acheter des canots. Mais on voit des filières erythréennes essayer de se faire leur place », indique-t-il.

Ce phénomène migratoire implique selon l’expert une « forte concurrence qui peut donner lieu à des règlements de compte sérieux en France, mais surtout dans les pays d'origine. Souvent, ces règlements de compte se font à l’arme blanche, bastonnade, ou même des armes de poing ».

Recrutement

Le parcours du migrant aujourd'hui, affirme Pascal Marconville « c'est des sauts de puce, surtout à cause des frontières refermées qui poussent les migrants à avoir recours à des sous-structures spécialisées dans le franchissement d'un point donné, comme la Manche, alors qu’il y a une dizaine d'années, des réseaux garantissaient un passage du pays d'origine jusqu'au Royaume-Uni, en payant une seule filière».

L’avocat décrit ainsi le procédé : « Généralement, le migrant est en contact avec un réseau dès le départ. Un intermédiaire récupère l'argent de la famille, et donne le top à chaque étape. La personne franchit les frontières en passant des mains d'un réseau à l'autre, qui sont en lien. Parfois, plus on approche du but, plus ça devient cher. Un passage transmanche dans un canot fragile, mal motorisé, c'est 3.000 ou 4.000 euros. Le passage dit ‘garanti’, peut grimper jusqu'à 10.000 euros, sur un bateau de meilleure qualité, non surchargé. Pour les passeurs, les passagers ne sont que du ‘fret’ ».

Rôle de l’Allemagne

Des enquêtes sur les passeurs et leurs réseaux sont intensivement menées en Europe, et les enquêteurs ont observé, affirme Marconville, « de gros achats de bateaux pneumatiques de très mauvaise qualité à des sociétés chinoises, généralement via des intermédiaires turcs et des personnes vivant en Allemagne. Ces bateaux sont ensuite revendus aux différents réseaux, qui les convoient jusqu'aux plages françaises ».

Pourquoi l’Allemagne ? Selon Me Marconville « les allemands travaillent sur une demande d'entraide, il faut leur démontrer que l'infraction pénale constitue un élément d'une infraction qui les concerne, et jusqu’à présent, leur réponse a toujours été qu'acheter et revendre un bateau n'est pas interdit ». Cette attitude est pour l’avocat un « obstacle à franchir en cours de discussions dans le cadre de réunions internationales impulsées par la cour d’appel pour déterminer des modalités d'action communes ».

(Avec AFP)


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.