PARIS : Recul de l'âge légal, «trois grand régimes» plutôt qu'un «système universel» de retraite: en un mois, Emmanuel Macron a renoncé à l'essence de sa promesse de 2017, pour mieux défendre un nouveau projet en vue de sa probable candidature en 2022.
Il est dur de se dédire. Mais à l'approche de la fin de son mandat, le chef de l'État n'hésite plus à s'inscrire en faux contre son grand dessein inabouti pour les retraites, longtemps érigé en emblème de sa volonté réformatrice.
«Je ne pense pas qu'il faille exactement faire la même réforme que celle qui était envisagée», a-t-il concédé mercredi soir sur TF1 et LCI, avant de revenir sur l'un de ses engagements de campagne: exit le système «universel» censé remplacer la quarantaine de régimes existants.
«Trop anxiogène», reconnaît-il finalement, deux ans après les longues grèves de l'hiver 2019-2020 qui avaient réveillé tous les corporatismes, des cheminots aux avocats en passant par les danseurs de l'Opéra.
S'il n'y avait eu le Covid, la loi passée au forceps du 49-3 juste avant le premier confinement serait pourtant «allée à son terme, c'est évident». Faute d'avoir pu mener à bien ce projet, il est désormais temps d'en changer.
Avec une dialectique identique - «il faut aller vers un système simplifié» - l'objectif est désormais de viser «grosso modo trois grands régimes», pour les salariés du privé, les fonctionnaires et les travailleurs indépendants.
Un scénario élaboré de longue date par des think-tank libéraux comme l'Institut de la protection sociale (IPS) et repris par la CPME (puis le Medef) pour contrer le projet initial de M. Macron.
Finalement rangé à l'avis du patronat, le président de la République reprend aussi à son compte une antienne de l'opposition de droite en souhaitant «une sortie de ce qu'on appelle des régimes spéciaux», expression qui désigne couramment ceux de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières, et par extension les diverses caisses de la fonction publique.
- pertes et profits -
Ce virage à tribord était déjà amorcé début novembre, lors de sa dernière allocution télévisée, marquée par une autre volte-face, sur l'âge légal de départ en retraite.
A rebours de son programme de 2017, qui martelait qu'il «restera(it) à 62 ans», le chef de l'Etat juge aujourd'hui nécessaire de «travailler plus longtemps, en (le) repoussant».
La faute, selon lui, aux prévisions trop optimistes avant son élection, qui lui faisaient affirmer à l'époque que «le problème des retraites (n'était) plus un problème financier».
«Cette situation a changé (...) il y a maintenant un problème de financement», admet-il à présent, omettant de rappeler que les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) s'étaient assombries dès l'été 2017.
Coincé par sa promesse originelle, le chef de l'Etat a louvoyé tout au long du quinquennat, évoquant tour à tour «un système de décote» puis «un accord sur la durée de cotisation» avant de trancher en faveur d'un «âge pivot» assorti d'un bonus-malus.
Des atermoiements maintenant passés par pertes et profits. Reste à savoir jusqu'où repousser l'âge légal. Parmi les principaux candidats déclarés à sa succession, Valérie Pécresse propose de l'augmenter à 65 ans, Eric Zemmour à 64, quand Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon campent sur un retour à 60 ans.
Le président sortant, lui, ne sort pas encore du bois, officiellement pour ne pas «préempter» le «fruit du débat démocratique» à venir. En réalité, pour ajuster le curseur aux besoins budgétaires, qui découleront d'une démographie vieillissante et d'indispensables contreparties sociales.
M. Macron n'a ainsi pas abandonné la cible d'une pension minimale de 1.000 euros «au terme d'une carrière complète». Il est également disposé à «adapter le temps de vie au travail (...) aux difficultés de certaines tâches», par exemple «un conducteur poids lourd», «une auxiliaire de vie» ou «quelqu'un qui travaille à la chaîne».
Un appel du pied aux syndicats, en particulier la CFDT, très sensible au sujet de la pénibilité. Mais dont le soutien est loin d'être acquis.