KO dans l'aérien: en une journée, Airbus a asséné deux uppercuts massifs à son éternel concurrent Boeing, en lui ravissant des clients de longue date pour quelque 300 avions cumulés, ce qui lui permet de renforcer encore son ascendant sur le stratégique segment des monocouloirs.
Premier round dans la nuit de mercredi à jeudi, quand la compagnie aérienne australienne Qantas révèle qu'elle va remplacer ses Boeing 717 et 737 des lignes intérieures par des A220 et A320neo de l'avionneur européen, pour un total de 134 appareils potentiels.
Devant être finalisé "d'ici la fin 2022" pour des livraisons prévues à partir de 2024, le contrat sera "le plus important jamais passé dans l'histoire de l'aviation australienne", affirme Qantas.
Au-delà de l'aspect financier, cette annonce est symbolique, intervenant trois mois après un coup de froid diplomatique entre l'Australie et la France, lorsque Canberra, Washington et Londres ont torpillé la vente de 12 sous-marins français - qualifiée de "contrat du siècle" - à la Marine australienne.
Deuxième round, moins de 24 heures plus tard: Air France-KLM annonce une commande ferme de 100 appareils de la famille A320neo, qui eux aussi auront vocation à remplacer des moyen-courriers Boeing, au sein des compagnies néerlandaise KLM et "low-cost" Transavia.
Aucun montant n'a été divulgué jeudi, mais chaque A320neo coûte près de 110 millions de dollars au prix catalogue théorique, selon le dernier tarif publié par Airbus en 2018.
Il s'agit d'un effort très important pour le groupe franco-néerlandais qui a subi plus de 10 milliards d'euros de pertes cumulées depuis le début du Covid-19, mais qui a dit vouloir continuer à investir pour préserver sa future compétitivité, en rationalisant ses flottes mais aussi en réduisant ses émissions de CO2.
Cerise sur le gâteau pour Airbus, cette commande historique est assortie de droits d'acquisition pour 60 A320neo supplémentaires et d'une lettre d'intention pour quatre long-courriers A350F Cargo, ainsi que de droits d'acquisition pour quatre autres de ce dernier-né d'Airbus, qui vient lui aussi marcher sur les plate-bandes de Boeing.
"Nous respectons la décision du groupe Air France-KLM, un client majeur de Boeing, et nous continuerons à collaborer étroitement avec les compagnies du Groupe afin de répondre à leurs besoins en matière de flotte et de services", a indiqué la société américaine dans un communiqué.
Mercredi déjà, Singapore Airlines avait annoncé vouloir acquérir sept A350F pour remplacer ses Boeing 747, une commande potentielle de plus de deux milliards de dollars au prix catalogue.
Les accords sur les monocouloirs, en Australie comme en Europe, marquent des bascules d'un constructeur à l'autre par des compagnies de premier plan, des décisions qui peuvent les engager sur plusieurs décennies. En août déjà, la "low-cost" britannique Jet2.com avait révélé avoir commandé 36 A321neo, alors qu'elle ne faisait voler jusqu'ici quasiment que des 737.
Les Airbus ont été notamment préférés par Qantas et Air France-KLM au 737 MAX, dernière version en date du moyen-courrier vedette de la firme de Seattle, mais qui a été clouée au sol en mars 2019 à la suite de deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts, avant de reprendre graduellement du service.
La commande de Qantas vient confirmer des "tendances lourdes", avait indiqué Bertrand Mouly-Aigrot, directeur général du cabinet spécialisé Archery Strategy Consulting, avant l'annonce d'Air France-KLM: "la famille 737 de Boeing est très affaiblie face à la famille A320 d'Airbus, et pas seulement à cause des problèmes de sécurité".
En effet, "l'offre moyen-courrier de Boeing est prise en étau, en bas, par l'Airbus A220, plus petit et très performant, et en haut par l'A321XLR, très polyvalent grâce à sa grande autonomie", deux appareils qui "n'ont pas d'équivalent" chez l'Américain, a déclaré cet expert à l'AFP.
Avec cette commande, les A220 (anciennement CSeries de Bombardier) et surtout A320neo s'affirment davantage comme les best-sellers d'Airbus face au 737 MAX, et viennent encore illustrer le redémarrage vigoureux d'Airbus, après le trou d'air de 2020 dû au Covid-19.
Airbus décomptait fin novembre plus de 6.250 appareils monocouloirs (familles A320 et A220) à livrer, tandis que Boeing comptabilisait un peu moins de 3.400 737 dans son carnet de commandes.