En «souffrance», la justice dans la rue pour réclamer des moyens «dignes»

Cette mobilisation sans précédent intervient trois semaines après une tribune qui proclamait: «Nous ne voulons plus d'une justice qui n'écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout».  (Photo, AFP)
Cette mobilisation sans précédent intervient trois semaines après une tribune qui proclamait: «Nous ne voulons plus d'une justice qui n'écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout».  (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 15 décembre 2021

En «souffrance», la justice dans la rue pour réclamer des moyens «dignes»

  • Cette «mobilisation générale pour la justice», à l'appel de 17 organisations, s'annonce massivement suivie, tant l'expression d'un malaise semble avoir gagné tous les acteurs judiciaires
  • Des rassemblements sont prévus à la mi-journée devant la plupart des cours d'appel et devant certains tribunaux

PARIS : Après avoir crié leur souffrance dans une tribune qui a fait l'effet d'une déflagration, magistrats et greffiers appellent à la grève mercredi et à se rassembler partout en France aux côtés des avocats pour réclamer des moyens "dignes" pour la justice. 

Cette "mobilisation générale pour la justice", à l'appel de 17 organisations, s'annonce massivement suivie, tant l'expression d'un malaise semble avoir gagné tous les acteurs judiciaires. 

Les deux principaux syndicats de magistrats ont déposé des préavis de grève - "une première" pour l'USM, majoritaire - et appellent avec les représentants des greffiers et des avocats à des "renvois massifs" des audiences. 

Des rassemblements sont prévus à la mi-journée devant la plupart des cours d'appel et devant certains tribunaux. 

A Paris, l'intersyndicale a choisi de converger vers Bercy et demande à être reçue par le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire pour obtenir un budget "bien plus ambitieux pour la justice". 

Le procès des attentats du 13 novembre 2015, qui se tient à la cour d'appel de Paris, "commencera exceptionnellement à 14H00 pour permettre à tout le monde de participer à la mobilisation", a indiqué mardi le président de la cour d'assises spéciale, Jean-Louis Périès. 

Cette mobilisation sans précédent intervient trois semaines après une tribune qui proclamait: "Nous ne voulons plus d'une justice qui n'écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout". 

Ecrit par neuf jeunes magistrats après le suicide fin août d'une de leurs collègues, Charlotte, ce cri d'alarme dénonce souffrance au travail et perte de sens. 

 

Quand des tribunaux veulent en finir avec les audiences nocturnes

Des audiences souvent tardives, se terminant parfois au coeur de la nuit: en plein cri d'alarme des magistrats et des greffiers sur leur souffrance au travail, des tribunaux ont décidé de limiter les journées à une durée "raisonnable".

Depuis des années, il n'est pas rare que l'on juge au-delà de minuit. C'est notamment le cas des comparutions immédiates, ces procédures rapides qui permettent au procureur de faire juger une personne juste après sa garde à vue.

Sur les réseaux sociaux, des messages affleurent depuis plusieurs semaines sous le mot-clé #justicemalade pour témoigner de ces audiences se terminant au petit matin, parfois à 04H00 ou 05H30, ou de procès d'assises finissant à 02H00 du matin quand l'audience a débuté la veille à 09H00.

Ces audiences nocturnes figurent en bonne place dans le malaise des magistrats et des greffiers qui s'est exprimé avec force dans une tribune au succès fulgurant (plus de 7.550 signataires), dénonçant des conditions "indignes" de travail et une perte de sens.

Au tribunal judiciaire de Nantes, les magistrats ont tout bonnement décidé d'arrêter ces audiences tardives, lors d'un vote en assemblée générale le 6 décembre.

Cette décision a été immédiatement mise en pratique: dans la semaine, des affaires qui n'avaient pas pu être examinées ou jugées avant 21H00 ont été renvoyées à une date ultérieure.

Pour cause d'arrêt des audiences nocturnes, l'un des dossiers de l'avocate nantaise Inès Rivalin a ainsi été reporté au mois de février. "Toutes les victimes s'étaient déplacées, c'est compliqué à entendre pour elles", remarque Me Rivalin.

"Bien sûr, c'est contraignant et ça allonge les délais. Mais on ne peut que comprendre que les magistrats veuillent rendre justice dans de bonnes conditions. On comprend leur ras-le-bol", affirme-t-elle.

Point de rupture

Le texte a eu un succès aussi fulgurant qu'inédit: en trois semaines, la tribune avait été signée par 7 550 professionnels, dont 5 476 magistrats (sur 9 000) et 1 583 fonctionnaires de greffe. 

Un grand nombre de juridictions s'y sont associées, en votant à l'issue de leurs assemblées générales obligatoires de décembre des motions réclamant des moyens supplémentaires, certaines annonçant par ailleurs l'arrêt des audiences au-delà de 21h. 

La contestation a même gagné la Cour de cassation: les magistrats de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire ont, dans une rare prise de position, dénoncé lundi "une justice exsangue, qui n'est plus en mesure d'exercer pleinement sa mission dans l'intérêt des justiciables".

Le constat dressé dans la tribune est également partagé par la hiérarchie judiciaire: dans un communiqué commun, les présidents des quatre "conférences", qui représentent les chefs des cours d'appel (premiers présidents et procureurs généraux) et des tribunaux judiciaires (présidents et procureurs), alertent sur une "situation devenue intenable". 

"Cela fait des années qu'on dénonce la souffrance au travail, la justice rendue en mode dégradé. Nous sommes arrivés à un point de rupture", fait valoir Natacha Aubeneau, secrétaire nationale de l'USM.   

"On sent une unanimité assez inédite. Tout un corps qui partage le même constat, cela fait extrêmement longtemps qu'on n'a pas vu ça", renchérit Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui avait heurté de nombreux magistrats et greffiers en affirmant que la justice avait été "réparée" grâce à un budget "historique", a tenté lundi de calmer la fronde, venue percuter les Etats généraux de la justice lancés mi-octobre par le gouvernement. 

Lors d'une conférence de presse à la Chancellerie, le ministre a défendu son bilan, le mettant en perspective, chiffres à l'appui, avec les "abandons des décennies passées", et a promis de maintenir "les efforts". 

Il a notamment annoncé l'augmentation du nombre de places au concours de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) pour permettre l'arrivée de 380 auditeurs de justice dans les juridictions dès 2023, ainsi que la pérennisation de quelque 1.400 postes créés dans le cadre de la justice de proximité. 

Dans un message adressé mardi à l'ensemble des magistrats et des agents judiciaires, et consulté par l'AFP, le ministre a assuré avoir "entendu le mal-être" et les "attentes légitimes" exprimées, assurant qu'il était "déterminé à améliorer durablement (les) conditions de travail et le fonctionnement de la justice". 

Mercredi, au coup d'envoi de cette journée de mobilisation, le garde des Sceaux a réaffirmé sur France Inter avoir "réparé l'urgence". "J'espère qu'il n'y a pas d'instrumentalisation mais je ne peux l'exclure", a glissé Eric Dupond-Moretti. 

 

«Limiter la durée des audiences à six heures»

La justice "est dans un tel état de délabrement qu'au bout d'un moment on se voit contraint de revenir à des exigences et à des standards raisonnables, et celui-là en est un", justifie Pierre-François Martinot, juge d'application des peines à Nantes et membre du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).

Avec l'arrêt des audiences nocturnes, il revendique "une démarche qualitative" et y voit "une manière de renvoyer chacun à ses responsabilités". "Nous avons estimé que nous n'étions plus en mesure de faire correctement notre mission, d'analyser, d'arbitrer et de prendre des décisions éclairées sur les situations humaines compliquées, des décisions lourdes de conséquences", explique M. Martinot.

A Lille, magistrats et greffiers ont décrété une "impossibilité de faire", par refus de "cautionner plus longtemps les dysfonctionnements causés par le manque de moyens humains et financiers".

A l'image de l'Administration pénitentiaire qui s'oppose à des extractions de détenus faute d'effectifs suffisants, ils ont décidé, lors d'un vote vendredi en assemblée générale, de limiter la durée des audiences à six heures, "hors cas d'urgence".

Cette démarche pourrait être suivie par d'autres tribunaux: dans un message adressé le 2 décembre aux dix juridictions du ressort de la cour d'appel de Douai (dont Lille), le premier président et le procureur général demandaient "de limiter à six heures la durée des audiences pénales sans créer de nouvelles audiences".

Dans leur motion, les magistrats de Nantes s'appuyaient sur une circulaire de 2001, appelée "circulaire Lebranchu". Celle-ci prévoyait qu'une audience correctionnelle ne pouvait excéder une durée de six heures sur une demi-journée et huit heures sur une journée, délibéré compris.

Dans la pratique, les magistrats, par souci de ne pas renvoyer les affaires à plusieurs mois, ont peu appliqué cette circulaire, "du reste tombée en désuétude en l'absence de publication permettant de la rendre opposable", soulignent les deux principaux syndicats de magistrats.

Samedi, l'USM et le SM ont demandé par courrier au garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti qu'il prenne une nouvelle circulaire fixant à 21H00 l'horaire maximum de fin des audiences.

Le ministre leur a répondu lundi. Il a dit souhaiter "objectiver ce sujet" avant de prendre d'éventuelles décisions.

Les situations n'étant pas "égales" d'une juridiction à une autre, "le directeur des services judiciaires va se rapprocher des chefs de cour pour avoir des éléments précis sur lesquels s'appuyer", a indiqué le ministre.


Première mission du porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle aux Philippines

Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
Short Url
  • L'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.
  • La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

SUBIC BAY FREEPORT ZONE PHILIPPINES : Le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle a effectué sa première mission aux Philippines, où l'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.

« Compte tenu de la montée des tensions, il est d’autant plus important de défendre le droit international et la liberté de navigation, que ce soit en mer ou dans les airs », a déclaré l'ambassadrice Marie Fontanel sur le pont du porte-avions, dans la baie de Subic, au nord de Manille.

Le groupe aéronaval a rejoint la marine des Philippines vendredi pour ces exercices.

Constitué de quelque 3 000 marins, il avait quitté le port de Brest en novembre pour une mission de plusieurs mois en mer Rouge, dans l'océan Indien et dans le Pacifique, durant laquelle il doit intégrer régulièrement des frégates ou des sous-marins de pays étrangers.

La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

Les Philippines cherchent pour leur part à renforcer leurs relations avec leurs alliés face aux confrontations régulières entre Manille et Pékin concernant la mer de Chine méridionale. Pékin y revendique en effet la majeure partie de cette voie navigable stratégique.

En novembre, Manille avait annoncé l'achat à la France de 40 vedettes rapides de patrouille dans le cadre d'un accord de 440 millions de dollars (environ 420 millions d'euros).


L'écrivain Boualem Sansal a entamé une grève de la faim, a déclaré son avocat

Short Url
  • « Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.
  • Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

PARIS : L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, a entamé lundi une grève de la faim, a indiqué son avocat dimanche à l'AFP, précisant tenir cette information d'une source judiciaire.

« Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.

Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

« Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix », a martelé l'avocat.

Ce dernier a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, d'après des informations de presse.

Boualem Sansal est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui sanctionne comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions.

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été amputé sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Son incarcération a provoqué les protestations de nombreux intellectuels et écrivains, qui estiment les poursuites sans aucun fondement.

Boualem Sansal a longtemps affirmé être né en 1949, ce qui lui donnerait aujourd'hui 75 ans. En décembre, son éditeur Antoine Gallimard avait pour sa part indiqué qu'il était en vérité né en 1944 et avait donc 80 ans.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Short Url
  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté.