HONG KONG : La société chinoise d'intelligence artificielle SenseTime a annoncé lundi le report de son introduction à la Bourse de Hong Kong pour un montant de 767 millions de dollars (679 millions d'euros) après sa récente inscription sur la liste noire américaine.
Le Trésor Américain a annoncé vendredi le placement de cette entreprise chinoise sur la liste noire en raison de sa technologie de reconnaissance faciale visant la minorité ouïghoure.
Selon des organisations de défense des droits humains, au moins un million de Ouïghours et d'autres minorités turcophones, principalement musulmanes, sont incarcérés dans des camps au Xinjiang. Outre la stérilisation forcée des femmes, la Chine y est accusée d'imposer le travail forcé.
Cette annonce de Washington a aussitôt fait planer une menace sur cette introduction en Bourse, qui devait avoir lieu le 17 décembre.
Dans un communiqué à la Bourse de Hong Kong, SenseTime a fait état lundi d'un report de sa cotation "afin de préserver les intérêts des investisseurs potentiels", qui doivent évaluer les conséquences de cette inscription sur la liste noire.
La société chinoise a cependant affirmé rester "déterminée" à être prochainement cotée.
L'inscription sur cette liste noire rend pratiquement impossible l'achat de titres par des banques ou des ressortissants américains des sociétés y figurant et cotées à Hong Kong.
Cette entreprise chinoise a, selon le Trésor, "mis en avant sa capacité à identifier les Ouïghours portant une barbe, des lunettes de soleil et un masque" pour servir la surveillance policière au Xinjiang.
«Accusations infondées»
Washington, qui affirme que SenseTime fait partie du "complexe militaro-industriel" chinois, avait déjà placé l'entreprise sur la liste noire du ministère américain du Commerce en 2019, interdisant aux Américains de lui vendre leur technologie.
SenseTime a vivement critiqué cette décision, affirmant dans un communiqué publié ce week-end qu'elle était "prise au milieu de tensions géopolitiques".
"Nous nous opposons fermement à cette inscription et aux accusations dont nous faisons l'objet. Ces accusations sont infondées et reflètent une perception fondamentalement erronée de notre entreprise", a déclaré la société.
Le sort des Ouïghours a contribué à la détérioration des relations diplomatiques entre les puissances occidentales et Pékin.
Le semaine dernière, après plusieurs mois d'enquête, un groupe d'avocats et d'experts des droits humains réunis à Londres a conclu que la façon dont la Chine traite les Ouïghours relève du génocide.
Ces dernières années, Pékin a eu recours aux nouvelles technologies (vidéosurveillance, reconnaissance faciale...) et les entreprises de ce secteur ont fait l'objet d'une surveillance internationale accrue.
Depuis la pandémie de coronavirus, le logiciel de SenseTime a été utilisé pour vérifier la température des voyageurs, déterminer s'ils portaient un masque facial, permettant également d'identifier les personnes même avec leur bouche couverte.
Fondée en 2014 par l'universitaire Tang Xiao'ou à l'Université chinoise de Hong Kong, l'entreprise est devenue en quelques années l'une des start-up les plus importantes de Chine.