NOUMEA: Les Calédoniens ont commencé à voter pour un troisième et dernier référendum d'autodétermination, qui clôt un processus de décolonisation inédit entamé il y a plus de 30 ans sur ce territoire français stratégique, en pleine montée des tensions dans la zone indo-pacifique.
Si l'île est en alerte pré-cyclonique, les bureaux de vote ont ouvert sous un soleil radieux à 7H00 locale (21H00 à Paris, 20H00 GMT) pour ce scrutin marqué par l'appel à la "non-participation" des partis indépendantistes, faute d'en avoir obtenu un report. Un boycott qui favorise le non à l'indépendance.
Dimanche matin, 184 332 personnes étaient inscrites sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC).
A la mairie de Nouméa, place des cocotiers, une cinquantaine de personnes faisaient la queue dès 7H du matin. Deux policiers étaient également présents à côté des bureaux de vote.
Les autorités ont déployé un important dispositif de sécurité, qui se veut "rassurant" et "dissuasif", de 2 000 gendarmes, policiers et militaires dans l'île.
Les indépendantistes ont annoncé qu'ils ne se rendraient pas aux urnes, invoquant l'impossibilité d'organiser "une campagne équitable" alors que l'archipel est touché depuis septembre par l'épidémie de Covid.
Il s'agit pourtant d'une étape cruciale d'un processus ouvert en 1988 par les accords de Matignon, à Paris, scellant la réconciliation entre les Kanak, premiers habitants de Nouvelle-Calédonie, et les Caldoches, descendants des colons blancs, après des années de tensions et de violences.
Le Sénat coutumier, institution qui incarne le pouvoir traditionnel kanak, a d'ailleurs demandé jeudi "aux citoyens kanak et aux progressistes calédoniens d'observer une journée nationale de +deuil kanak+ le 12 décembre 2021 en ne se rendant pas aux bureaux de vote".
Accord de Nouméa
Les Calédoniens sont engagés dans ce processus depuis les années 1980 quand la Nouvelle-Calédonie a connu une période de troubles qui a culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988, au cours desquels 19 militants kanak et six militaires ont été tués.
Moins de deux mois après ce drame, indépendantistes et loyalistes arrivaient à conclure les accords de Matignon, qui revoyaient la répartition des pouvoirs en Nouvelle-Calédonie. Dix ans plus tard, la signature de l'accord de Nouméa instaurait un processus de décolonisation sur vingt ans pour cette collectivité d'outre-mer française.
Cet accord prévoyait une succession de trois référendums pour demander aux habitants s'ils voulaient que l'île "accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante". Les deux précédents scrutins ont été remportés par les pro-France avec 56,7% des suffrages en 2018 puis 53,3% en 2020.
Ce troisième référendum arrive cependant dans un monde qui a beaucoup changé: d'une part l'archipel, qui dispose de quelque 1,5 million de km2 de zone économique exclusive, se trouve dans une zone devenue stratégique avec la montée en puissance de la Chine, d'autre part le nickel et le cobalt qu'elle produit sont devenus des ressources minières indispensables pour le nouveau marché des batteries électriques, garantes de la transition écologique de la planète.
«Une vie ensemble»
Quel que soit le résultat du référendum, "le jour d'après il y aura une vie ensemble" avec la France, notamment "compte tenu de la réalité géopolitique de la région", a ainsi assuré jeudi le président Emmanuel Macron.
En juin à Paris, les acteurs calédoniens avaient décidé avec l'Etat qu'après le 12 décembre s'ouvrirait "une période de stabilité et de convergence" avant un "référendum de projet" d'ici juin 2023, qui, en cas de oui dimanche, porterait sur la constitution d'un nouvel Etat et, en cas de non, sur un nouveau statut dans la République.
Le dialogue ne sera cependant pas si facile : le parti indépendantiste FLNKS et les nationalistes ont déjà prévenu jeudi dans un communiqué qu'ils récusaient toute rencontre avec le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, arrivé vendredi à Nouméa, avant l'élection présidentielle française, en avril 2022.
Une mission du FLNKS, emmenée par Roch Wamytan, signataire de l'accord de Nouméa, figure historique de la lutte kanak et président du Congrès, s'est rendue cette semaine à New York pour informer le C24 (Comité spécial de la décolonisation de l'ONU) sur la situation en Nouvelle-Calédonie et la non-participation au vote du 12 décembre du FLNKS.