PARIS: Près de trois ans après une amende record, la cour d'appel de Paris se prononce lundi sur le sort de la banque UBS, soupçonnée d'avoir illégalement démarché des clients en France entre 2004 et 2012 afin qu'ils placent leur fortune à l'abri du fisc en Suisse.
Initialement prévue fin septembre mais reportée, cette décision est lourde d'enjeux pour le numéro un du secteur bancaire helvétique, qui avait immédiatement fait appel de sa condamnation, le 20 février 2019, à une sanction de 3,7 milliards d'euros, la plus importante jamais infligée en France dans un dossier d'évasion fiscale.
Le poids lourd mondial de la gestion de fortune, sa filiale française ainsi que trois de ses anciens cadres avaient en outre été condamnés à verser 800 millions d'euros de dommages et intérêts à l'Etat français, partie civile.
L'arrêt de la cour d'appel, prévu à 12H30 GMT, sera attentivement scruté par les marchés. UBS, qui a toujours soutenu avoir respecté le droit français, suisse et européen en vigueur à l'époque des faits, a versé une caution d'1,1 milliard d'euros dans ce dossier et provisionné 450 millions d'euros.
Dans cette affaire aux montants colossaux, la banque a comparu en appel en mars à Paris pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage bancaire illégal, aux côtés de sa filiale française, poursuivie pour complicité et de six ex-salariés.
UBS est soupçonnée d'avoir envoyé des commerciaux suisses en France pour "chasser" des riches clients de sa filiale française, repérés notamment lors de réceptions, concerts ou tournois de golf, afin de les convaincre d'ouvrir des comptes non-déclarés en Suisse.
Lors du procès en appel, l'accusation a requis une nouvelle condamnation pour une "tranche de l'histoire d'UBS" synonyme d'évasion fiscale massive, estimant que la banque avait "sciemment géré les comptes de fraudeurs fiscaux français".
Le parquet général a néanmoins demandé une amende d'"au moins" deux milliards d'euros, bien en-deçà de la sanction de première instance.
Entre les deux procès, la Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, a en effet rendu plusieurs décisions susceptibles de modifier le calcul de la peine encourue par UBS.
«Epoque révolue»
Le ministère public a en outre requis la confirmation de la sanction de 15 millions d'euros prononcée par le tribunal pour UBS France, ainsi que des peines d'emprisonnement avec sursis et de lourdes amendes pour les six anciens cadres de la maison-mère et de sa filiale.
L'avocat de l'Etat français a sollicité auprès de la cour un milliard d'euros de dommages et intérêts.
La défense d'UBS a réclamé la relaxe en affirmant qu'il n'existait "pas le début d'une preuve" d'un démarchage illégal.
Me Denis Chemla a fustigé la "théorie délirante selon laquelle UBS France (aurait été) un aspirateur de l'épargne des Français au profit d'UBS Suisse", quand Me Hervé Temime a soutenu qu'à "l'époque révolue" des faits reprochés, entre 2004 et 2012, UBS n'a fait que proposer des services liés au secret bancaire, alors "protégé" par un accord conclu entre la Suisse et l'Union européenne.
Depuis 2017, un système d'échange automatique de données a été progressivement mis en place, signant, sur le papier, la fin du secret bancaire suisse. Chaque pays doit désormais signaler l'existence d'un compte au nom d'un ressortissant étranger à son pays d'origine.
Fin 2015, 4 000 clients français d'UBS avaient régularisé leur situation auprès d'une cellule dédiée ouverte au ministère français de l'Economie, pour 3,7 milliards d'avoirs dissimulés. Ces contribuables repentis sont aujourd'hui près de 17 000.
Les investigations avaient été lancées en 2011 et notamment alimentées par d'anciens salariés comme Nicolas Forissier, ex-responsable de l'audit interne d'UBS France.
Mise en cause à la même époque dans l'Hexagone, la filiale suisse de la banque britannique HSBC avait évité un procès en payant au fisc 300 millions d'euros en 2017.
Aux États-Unis, où UBS était notamment accusée d'avoir permis à plus de 17 000 Américains de se soustraire au fisc, la banque avait versé en 2009 une somme de 780 millions de dollars.
La gestion de fortune est l'activité historique d'UBS, avec aujourd'hui plus de 3 000 milliards de dollars d'actifs investis, selon son rapport annuel.