PARIS: Yassine Abaaoud, le frère cadet du coordinateur présumé des attentats jihadistes du 13 novembre 2015 en France, Abdelhamid Abaaoud, a témoigné jeudi devant la cour d'assises spéciale de Paris en se contentant de réponses vagues, loin des attentes de la cour et des parties civiles.
Onze hommes - essentiellement des complices présumés, et un membre du commando jihadistes - comparaissent depuis plusieurs mois dans le procès des attentats dits du 13 novembre, survenus en 2015 à Paris et au Stade de France (au nord de la capitale), et ayant tué 130 personnes.
Ces attentats avaient été revendiques par le groupe Etat islamique (EI).
"Pour ce qui est des faits, je ne suis pas capable de vous donner des informations. Dès lors, je ne sais pas si je vais pouvoir être d'une grande utilité dans ce procès", affirme d'emblée Yassine Abaaoud, frère cadet d'Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attaques.
"Par rapport à mon frère, je ne sais rien", insiste le jeune homme de 26 ans, vêtu d'un sweat blanc à capuche, le bas du visage couvert d'un masque noir, qui témoigne depuis le siège du parquet fédéral belge à Bruxelles.
Le jeune homme consent tout juste à exprimer un peu de compassion. "Je suis désolé pour toutes les victimes (des attentats), les personnes innocentes tuées dans les quatre coins du monde".
Le président prend acte mais aimerait savoir s'il connaissait quelques-uns des accusés.
«Je ne sais pas»
"Non", répond Yassine Abaaoud. "Ça veut dire quoi connaître? C'est la génération de mon frère".
Tout au long de son témoignage, le jeune homme va rester allusif.
Le radicalisme de son frère? "Mon grand frère a quitté le domicile familial à 16 ans. Je ne connaissais pas ses activités, ses fréquentations", dit-il, la tête baissée.
A la question "Que faisait votre frère en Syrie? Du tourisme?", il répond laconiquement: "Je ne sais pas".
Son grand frère, Yassine Abaaoud le décrit comme "un sacré personnage". "Il a fait ses choix, il a pris ses décisions et puis il les a assumées".
"Ça veut dire quoi être +un sacré personnage+"?", s'étonne la première assesseure. "Euh, il avait du caractère, il était autoritaire", se rattrape le jeune homme.
"Est-ce que mon frère a vraiment fait ça?", ne peut s'empêcher de se demander plusieurs fois Yassine Abaaoud devant la cour. "Sur le fait que c'est votre frère qui a fait ça, il n'y a pas de doute. C'est malheureusement établi", tranche le président.
Un avocat des parties civiles enfonce le clou. "Le soir du 13 novembre avez-vous pensé que votre frère pouvait être derrière tout ça?". Yassine Abaaoud hésite un moment et souffle: "Ce soir-là, dans un coin de ma tête, peut-être que oui".
«Apologie du terrorisme»
Il affirme n'avoir plus eu de contact avec son frère depuis janvier 2015.
A l'époque, se souvient le jeune homme, il se trouvait en prison en Belgique pour une affaire de droit commun. Abdelhamid Abaaoud l'a appelé pour lui parler des attentats visant l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.
"Il m'a dit que ce n'était que le début", raconte Yassine.
"Et vous avez dit quoi?", demande le président.
"J'ai raccroché"
"Vous étiez d'accord avec ce qu'il vous disait?", insiste le président
"Bien sûr que non!".
Yassine Abaaoud n'est pas tout à fait étranger au milieu jihadiste. Interpellé au Maroc en septembre 2015, il a écopé d'une peine de deux ans de prison en mai 2016 de la part de la justice marocaine pour "apologie du terrorisme" et "non-dénonciation de crimes terroristes". Il était sorti de prison en septembre 2018.
Le président et ses assesseurs reviennent sur ses déclarations faites aux enquêteurs marocains. Yassine Abaaoud conteste les propos qui lui sont attribués. "J'ai signé une déclaration en arabe, une langue que je ne connais pas", dit-il. "Tout est faux", affirme-t-il.
L'émotion perce enfin quand la cour évoque le sort de Younes, le dernier de la fratrie, enlevé par Abdelhamid Abaaoud en 2014 alors qu'il était à peine âgé de 13 ans pour l'enrôler dans les rangs de l'EI. Younes est probablement mort en zone irako-syrienne.
"On espère encore le retour de mon petit frère. Sa disparition nous a brisé le coeur. Il n'était pas responsable, il ne savait pas où il allait", dit-il dans un sanglot.