PARIS : Les propositions de la Convention citoyenne sur le climat visant à encadrer la publicité pour les produits polluants et mauvais pour la santé inquiètent tout un secteur, des annonceurs aux médias, mais leur transposition dans la loi reste encore floue.
Que propose la Convention ?
Dans son rapport, la Convention citoyenne sur le climat considère la publicité comme "l'un des principaux leviers à actionner pour faire évoluer les comportements du consommateur de manière durable."
Les 150 citoyens tirés au sort proposent une réglementation "générale" de la publicité pour limiter la surconsommation, mais surtout l'interdiction "dès 2023" de la promotion des produits les plus polluants sur "tous les supports publicitaires".
La Convention veut aussi interdire la publicité pour les produits mauvais pour la santé (boissons sucrées, aliments gras, sucrés, salés et ultra-transformés) mais prévoit une dérogation si l'annonceur finance des actions de prévention.
Le rapport ne dresse pas de liste des produits polluants mais évoque un seuil lié au "CO2-score" (un score carbone qui fait l'objet d'une autre proposition).
Il donne l'exemple des "véhicules consommant plus de 4 litres aux 100 kilomètres", soit "60 à 70% des véhicules commercialisés en France en 2019", selon une première étude d'impact produite par l'administration.
Qu'en pensent les professionnels de la publicité ?
Selon Antoine Ganne, délégué général du Syndicat de la publicité TV (SNPTV), ces mesures si elles étaient appliquées entraîneraient une chute des revenus de 20 à 30% selon le média, une perte volumétrique de 20% des écrans publicitaires à la TV et ainsi une "pression déflationniste sur le prix" des publicités.
Le syndicat professionnel estime les pertes pour les régies TV à un milliard d'euros.
"Tant qu'on n’a pas le projet précis, je ne vois pas comment on peut se risquer à sortir un chiffre", estime Xavier Guillon, directeur général de France Pub.
Mais "une mesure trop brutale qui impliquerait la totalité des produits évoqués aurait des conséquences extrêmement graves sur certains médias", déjà touchés par la contraction des investissements publicitaires pendant la crise sanitaire.
"Les intentions exprimées sont louables d'un certain point de vue, mais on ne peut pas non plus ignorer le risque de dommages collatéraux", a déclaré mardi à des journalistes Alain Liberty, directeur général du groupe 1981 (Latina, Oüi FM…) et président du Syndicat des radios indépendantes.
"Sans la publicité, les radios du groupe 1981 (une dizaine de radios locales et thématiques, qui emploient plus de 100 personnes, ndlr) n'existeraient pas", a-t-il ajouté.
Où en sont les travaux législatifs ?
Le ministère de la Transition écologique élabore un projet de loi qui contiendra un peu plus du tiers des propositions de la Convention et sera déposé "a priori mi-décembre" au Conseil des ministres, a indiqué vendredi la ministre Barbara Pompili, interrogée sur RMC et BFMTV.
Mme Pompili s'est déclarée "favorable à un encadrement" de la publicité et a souligné que la publicité "incite à consommer un certain nombre de produits", alors qu'il y a des produits "dangereux pour l'environnement".
"On est en concertation", a insisté la ministre qui "ne veut pas préempter une décision qui n’est pas prise".
S'agissant des SUV, elle a rappelé qu'elle avait demandé qu'ils puissent faire l'objet d'un malus. "Donc, évidemment que (c'est) un type de véhicule dont on ne doit pas encourager la consommation", a-t-elle ajouté.
Le groupe parlementaire Écologie, démocratie, solidarité (EDS) doit également présenter le 8 octobre à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à orienter la publicité dans un sens "pro-écologie" qui prévoit une "régulation progressive de la publicité sur les services et produits les plus polluants".