LA HAYE: La plus haute juridiction de l'ONU a sommé mardi l'Arménie et l'Azerbaïdjan de stopper la haine raciale et d'éviter d'aggraver leur différend après le conflit en 2020 entre ces deux ex-républiques soviétiques dans la région du Nagorny-Karabakh.
Bakou doit en outre protéger les prisonniers arméniens détenus depuis ce conflit et arrêter la profanation du patrimoine culturel arménien, comme les églises, a déclaré la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye (Pays-Bas).
Les deux pays avaient déposé presque simultanément des recours auprès de la CIJ, demandant à la juridiction de prendre des mesures contre des violations présumées d'une convention contre la discrimination raciale.
« Les deux parties doivent s'abstenir de tout acte qui risquerait d'aggraver ou de prolonger le différend devant la Cour ou de le rendre plus difficile à résoudre », a déclaré Joan Donoghue, la juge-présidente de la CIJ.
Les parties qui ont accepté de laisser la CIJ trancher leur différend sont obligées de suivre ses décisions, mais la Cour n'a aucun moyen de les faire respecter.
« L'Azerbaïdjan se conformera aux mesures indiquées par la Cour concernant la prévention de la discrimination raciale », a déclaré dans un communiqué le ministère azéri des Affaires étrangères.
« L'Azerbaïdjan continuera de défendre les droits de tous en vertu du droit international et de demander des comptes à l'Arménie pour ses graves violations, actuelles et dans le passé, des droits de l'homme », a-t-il poursuivi.
« Nous exhortons l'Arménie à se conformer immédiatement à l'ordonnance de la Cour », a-t-il ajouté. Erevan n'avait pas immédiatement réagi après la décision de la CIJ.
Nagorny-Karabakh
La CIJ, crééé en 1946 pour régler les disputes entre les Etats, rendait mardi ses premières mesures dites conservatoires dans l'attente de la décision finale dans l'affaire opposant Bakou et Erevan, qui pourrait prendre des années.
Les deux ex-républiques soviétiques se sont livrées une courte mais sanglante guerre à l'automne 2020 pour le contrôle de la région du Nagorny-Karabakh, qui a fait 6 500 morts.
Défaite, l'Arménie a été contrainte de signer un cessez-le-feu et de céder plusieurs régions azerbaïdjanaises qu'elle contrôlait autour de cette région séparatiste. Depuis, les tensions restent fortes et plusieurs incidents ont fait craindre une reprise des combats.
La CIJ a ordonné mardi à l'Azerbaïdjan de « protéger contre la violence et les sévices corporels » tous les prisonniers arméniens et de veiller à ce qu'ils soient traités conformément à ce qu'exige la législation, après des allégations de mauvais traitements.
L'Azerbaïdjan doit en outre empêcher le « vandalisme et la profanation » du patrimoine culturel arménien, a-t-elle ajouté.
« Haine et discrimination »
L'Arménie et l'Azerbaïdjan s'accusent mutuellement de violer un traité international, la CIEDR (Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale), notamment dans le cadre de leur récent conflit.
La CIJ a sommé les deux pays de « prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'incitation et l'encouragement à la haine raciale et la discrimination » l'un envers l'autre.
La Cour a cependant rejeté une requête de l'Azerbaïdjan demandant à l'Arménie d'arrêter de poser des mines et de fournir une carte localisant ces mines. Ceci n'entre pas dans le cadre de la CIEDR, a expliqué la CIJ.
L'Azerbaïdjan a déclaré samedi avoir libéré dix soldats arméniens capturés le mois dernier lors de nouveaux combats, après des pourparlers sous la médiation de la Russie. L'Arménie en échange a transmis des cartes de champs de mines.
L'échange avait fait suite à une rare rencontre des dirigeants des deux pays en Russie, lors de laquelle le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s'étaient accordés pour apaiser leurs tensions et résoudre leurs différends.