DJEDDAH: Le tout premier Grand Prix d'Arabie saoudite est imminent, et le plus grand pilote de Formule 1 de tous les temps ne pourrait pas être plus détendu, compte tenu de l'enjeu.
Un huitième titre record est de nouveau à portée de main. Et alors que les yeux du monde sont rivés sur le nouveau circuit de la corniche de Djeddah, la F1 n'a jamais été aussi populaire.
Certains de ses nouveaux fans sont des plus inattendus. «Je pense que cela change la donne», déclare Lewis Hamilton.
Un grand éloge en effet. Pas pour une nouvelle voiture, ou une innovation technique révolutionnaire. Lewis Hamilton fait référence à l'émission Netflix Formula 1: Drive to Survive et à la façon dont elle a fait découvrir ce sport à un tout nouveau public mondial.
«Je pense que personne ne savait exactement quel impact cela aurait pour le sport. Je pensais que ce serait certainement positif, mais cela a changé le sport pour de bon, me semble-t-il», ajoute le champion du monde en titre.
«J’estime que c'est une très bonne chose parce que notre sport est souvent assez difficile à comprendre pour les gens. Si vous allumez votre télévision, vous n'avez aucune idée de ce qui se passe. C’est très complexe, et il y a tellement d’éléments mobiles.»
Le sport le plus exclusif au monde semble soudainement un peu plus inclusif ces jours-ci.
Le conducteur Mercedes, de 36 ans, déclare: «La plupart des gens jouent au football à l'école, ils jouent au tennis ou ils essaient d’autres sports. Ils n'ont pas la chance de piloter des voitures, c'est donc formidable que cette émission puisse montrer l’enthousiasme que ce sport suscite et les vraies personnalités qui y adhèrent plutôt que simplement ce que vous voyez à la télévision.»
«Et désormais, il y a ce tourbillon de nouveaux fans, et oui, le championnat serré le rend encore plus excitant.»
Non pas que le profil de Hamilton ait besoin d'être rehaussé.
Sept fois champion du monde, détenteur du plus grand nombre de pole positions (cent deux) et de victoires en course (cent deux), et désormais en quête d'un huitième titre de champion du monde avec Mercedes, Lewis Hamilton vient de remporter une victoire sensationnelle lors du tout premier Grand Prix du Qatar, ce qui a réduit l'avance de Max Verstappen en tête du classement à huit points.
«La piste était géniale. Mais quand nous avons commencé à conduire, juste avec la direction du vent et le niveau d'adhérence, la vitesse dans tous les virages était moyenne et élevée, j'étais sûr que la course n'allait pas être extraordinaire là-bas. Mais en réalité, ce ne fut pas le cas.»
«Un tour de qualification, un seul tour, c'était déjà incroyable et nous avons eu une bonne préparation», ajoute Lewis Hamilton.
Après avoir gagné le week-end précédent au Brésil, Lewis Hamilton et Mercedes ont d'abord lutté à Doha.
«Le vendredi a été une journée difficile pour moi, je n'étais nulle part, j'ai juste étudié dur et j'ai eu la chance, je pense, de renverser la situation et d'avoir un excellent samedi et dimanche.»
«Je ne savais certainement pas qu'à ce stade, je serais aussi proche de Max Verstappen au classement et que j'aurais ces performances avec la voiture. Je suis très reconnaissant», souligne-t-il.
La prochaine étape pour ses rivaux est le premier Grand Prix d'Arabie saoudite de ce week-end, et une autre nouvelle piste sur le circuit de la corniche de Djeddah.
«Je pense que tous les pilotes ont testé le simulateur; c'est incroyablement rapide. Cela rappelle un peu Montréal avec de longues lignes droites, mais il y a de nombreux virages sur cette piste, et il n’existe pas non plus beaucoup de zones de dégagement, donc c'est vraiment un circuit urbain.»
«Pour être honnête, cela a l'air assez épique, mais nous ne le saurons pas vraiment tant que nous n'aurons pas ressenti les montagnes russes de la véritable force G et de la vitesse, une fois que nous y serons», ajoute le champion.
Le pilote britannique espère mener le championnat jusqu'à la dernière course à Abu Dhabi, où le circuit de Yas Marina a été reconfiguré pour la première fois depuis son achèvement en 2009.
Il déclare: «C'est évidemment un circuit incroyable avec toute la construction que cela a supposé, je pense qu'ils ont dépensé plus sur ce circuit que sur n'importe quel autre circuit; ce sera donc un grand spectacle, une belle dernière course de la saison. Mais le tracé a toujours été très difficile à suivre et les dépassements sont assez complexes.»
«C'est intéressant qu'ils aient fait ces changements et je pense vraiment que ça va libérer le potentiel de ce circuit parce qu'il est si difficile pour nous de nous suivre, quand ils font ce genre de petits changements, il n’est pas toujours aisé de les suivre.»
«D'après la conduite sur simulateur que j'ai faite, il semble que cela va être très difficile à tenir avec ces changements en permanence. Nous verrons quand nous y serons», ajoute-t-il.
Sur les sept titres de Lewis Hamilton, six ont été remportés avec Mercedes au cours des sept dernières années; sa domination était telle qu’on aurait souvent dit qu'il se battait contre lui-même et contre l’Histoire.
La concurrence de cette saison avec Max Verstappen et Red Bull est quelque chose que Lewis Hamilton chérit.
«J’aime vraiment cela parce que chaque année, vous êtes confronté à des scénarios différents. Je ne dirais pas que cela a été un choix pour moi. Je n'ai jamais eu la tâche facile, dans ma jeunesse, j'ai commencé avec un vieux kart, je devais toujours partir de derrière.»
«Et particulièrement en karting, les courses sont toujours serrées jusqu'au dernier tour, il fallait être très tactique pour être sûr de gagner. Cela me manque en course, au fur et à mesure que vous avancez, vous avez de moins en moins cet aspect, il s'agit davantage de positionnement et du maintien de cette position.»
Red Bull a certes fait monter les enchères cette saison, mais Lewis Hamilton et Mercedes ont relevé le défi ces dernières semaines; l'écart avec Max Verstappen n'est plus que de huit points au championnat des pilotes, tandis que l'équipe devance désormais Red Bull de cinq points.
Lewis Hamilton déclare: «Oui, bien sûr, nous avons toutes ces disparités entre les voitures chaque année, une équipe s'en sort bien et l'autre pas. Cela s’est bien passé pendant plusieurs années, c'est incroyable d'avoir à nouveau cette bataille serrée parce que cela me rappelle mes jours de karting en termes de proximité.»
«Mais cela signifie également que nous devons tous élever et perfectionner encore plus notre art. C'est ça le sport, non? C'est pourquoi c’est très excitant. C’est un défi pour mes ingénieurs, pour les mécaniciens, d’exploiter davantage leur potentiel. C’est une montagne russe d'émotions, mais c’est quelque chose que j’apprécie vraiment.»
Si Lewis Hamilton remporte le titre à Abu Dhabi, ce sera une victoire très populaire pour les citoyens du pays. Les organisateurs de la course sur le circuit de Yas Marina parlent toujours avec fierté de la façon dont Lewis Hamilton – qui court avec le numéro 44 – a participé aux célébrations de la quarante-quatrième Fête nationale des Émirats arabes unis (EAU) en 2015.
Après avoir passé une grande partie de sa vie à faire des courses autour du monde, Lewis Hamilton a pu voir de ses propres yeux comment la F1 s'est développée au Moyen-Orient.
«Chaque fois que nous allons à Bahreïn, la foule semble de plus en plus grande. Abu Dhabi devient de plus en plus important à chaque fois que nous y allons et bien sûr, nous sommes de plus en plus présents désormais, en particulier avec le Qatar et l'Arabie saoudite», ajoute-t-il.
De plus en plus de jeunes se lancent dans les sports mécaniques dans cette partie du monde, en particulier dans le karting.
«Je viens de parler à quelqu'un d'Arabie saoudite, je ne connais pas beaucoup de gens en Arabie, mais ils me racontent qu'il y a beaucoup de filles et de garçons, dont le premier choix n'est pas le football, mais la course», précise le champion.
«C'est une excellente nouvelle de constater qu'il y a une nouvelle génération au Moyen-Orient qui est folle de voitures et qui veut s’engager dans les courses. Alors, qui sait, peut-être qu'à l'avenir, nous aurons un pilote de Formule 1 du Moyen-Orient, je pense que ce serait plutôt cool. Ce serait encore mieux si c'était une femme.»
Lewis Hamilton est connu pour ses intérêts et soutiens de nombreuses causes, en dehors des courses.
«Être athlète, être sportif, c’est ce qui vous occupe et pour moi, il était important de trouver d'autres débouchés, d'autres domaines, car si vous vous concentrez sur une seule chose, ça ne mène pas toujours au bonheur.»
«Vous devez être capable d'explorer votre potentiel, d'autres domaines dans lesquels vous pourriez être bon. C'est toujours formidable de pouvoir détourner son esprit de la course et de se concentrer sur autre chose, qui vous permet d’être créatif», ajoute-t-il.
Contrairement à la plupart des autres pilotes ou athlètes, Lewis Hamilton s'est lancé dans la musique et la mode. Il a également noué au cours des dernières années des relations étroites avec la manufacture horlogère suisse IWC Schaffhausen – dont il est ambassadeur – en l'aidant à concevoir son propre garde-temps, la «Big Pilot's Watch Perpetual Calendar Edition Lewis Hamilton».
«J'ai vraiment apprécié l’ensemble du processus, depuis le moment où j'étais assis dans la voiture à Hockenheim avec Christopher (Grainger-Herr, PDG d'IWC Schaffhausen), jusqu’à l'aéroport, où nous avons parlé d'une collaboration potentielle, des subtilités d'une montre, et que j’ai indiqué que je voulais ma propre montre un jour, jusqu’à l’avoir désormais.»
«C'était vraiment difficile pour moi d'être assis là à travailler avec eux parce que j'apprécie beaucoup le travail et l'expertise de la marque, mais je voulais aussi ajouter ma propre touche. J'avais des questions telles que: “Que pouvons-nous changer sur le cadran? Le tourbillon, je veux mettre le tourbillon dans une de mes pièces parce que c'est l'un de mes mouvements préférés, si ce n’est mon mouvement préféré”», précise-t-il.
Ces dernières années, Lewis Hamilton est devenu un véritable activiste en dehors de la F1. Un ardent défenseur de l'égalité sociale, de la diversité dans le sport et de la durabilité environnementale, sa propre équipe X44 participant à la toute première série de rallyes SUV électriques, Extreme E, cette année.
Le champion souligne qu’il est vital pour lui de travailler avec des personnes qui partagent ses valeurs.
«Avec mes partenaires d'IWC Schaffhausen j’ai évoqué la diversité. Quelle est la diversité au sein de votre entreprise, quels sont vos objectifs, comment allez-vous être plus inclusif à l'avenir? Et ils sont entièrement d'accord avec ça.»
«C'est incroyable pour moi de constater que les gens sont conscients de la durabilité, les marques sont conscientes de l'impact que nous avons sur la planète. Je n'aime vraiment m'engager qu'avec des personnes qui partagent les mêmes idées, plutôt que simplement dotés de l'esprit d'entreprise», ajoute-t-il.
Loin d'être des distractions, ses intérêts en dehors de la course l'ont aidé à garder une perspective presque zen dans sa carrière, comme le prouve sa dextérité continue sur la piste.
Il déclare: «Diversifier ses intérêts aide à soulager la pression de ce monde fou et intense dans lequel j’évolue. Parce que j'ai deux mille personnes qui travaillent d'arrache-pied, et comptent sur moi pour réussir.»
«Les partenaires, mes propres attentes peuvent être particulièrement écrasantes; ces autres centres d’intérêt m'aident à diluer cette pression et à alimenter cette énergie avec quelque chose de positif.»
Pourtant, lorsqu'il atterrira à Djeddah pour le Grand Prix d'Arabie saoudite ce week-end, attendez-vous à ce que Lewis Hamilton n’ait qu’une chose en tête.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com