DUBAÏ : La France et l'Europe peuvent apprendre beaucoup de l’approche adoptée par l'Arabie saoudite dans la lutte contre le financement du terrorisme, a déclaré à Arab News une éminente femme politique française très versée dans les affaires étrangères.
Nathalie Goulet, membre du Sénat français et de la Commission des affaires étrangères et de la défense, a déclaré: «L'Arabie saoudite a fait ses preuves en termes de lutte contre le financement du terrorisme, et elle le fait très sérieusement. Cela répond aux standards internationaux en la matière.»
Goulet, qui est récemment rentrée d'une visite au Royaume dans le cadre de laquelle elle a rencontré de hauts responsables politiques au sujet de la campagne visant à mettre fin au financement du terrorisme, a mis en relief les initiatives saoudiennes avec Etidal, le centre de lutte contre l'idéologie extrémiste, ainsi que les actions de la Banque centrale saoudienne et des services du renseignement financier.
«En Europe et particulièrement en France, il y a eu quelques fois une sorte de mauvaise tendance qui consiste à lier l'Arabie saoudite au financement du terrorisme, et il faut rompre avec cette idée qui n'a rien à voir avec la réalité», ajoute-t-elle.
Goulet, s'exprimant juste avant la visite du président français Emmanuel Macron au Royaume, a donné son point de vue sur «Frankly Speaking», la série d'entretiens en vidéo avec d'éminents responsables politiques et hommes d’affaires régionaux et internationaux.
Dans une interview aux sujets diversifiés, elle a également évoqué la menace croissante des Frères musulmans et leur rôle dans le financement du terrorisme, les relations instables entre la France et l'Algérie ainsi que les réformes en Arabie saoudite dans le cadre de la stratégie de la Vision 2030.
Concernant le financement du terrorisme, elle a mis en contraste les pratiques de la communauté musulmane en France, où les dons de zakat sont effectués en espèces – ce qui les rend plus difficiles à contrôler –, avec la situation dans le Royaume.
«L'Arabie saoudite a mis en place un système pour empêcher tout encaissement de la zakat en espèces. Tout se fait par virements bancaires en faveur d’une ONG spéciale, et cela est très utile, très astucieux et très sûr.»
«En ce qui concerne la collecte de la zakat, l'Arabie saoudite constitue un modèle pour nous, car nous sommes absolument incapables de pister l'argent, sachant qu’en même temps, la plus grande partie de la zakat est constituée d’argent utilisé à de bonnes fins. Mais parfois ce n'est pas le cas. Nous essayons d'interdire l'argent en espèces autant que possible. L'Arabie saoudite nous donne là un excellent exemple», précise-t-elle.
Elle affirme que les Frères musulmans jouent toujours un rôle important dans le financement du terrorisme en Europe et souligne l'influence de cette organisation au sein de la communauté islamique et des organisations humanitaires.
«D'abord, ils accomplissent beaucoup d'actions humanitaires, mais ils utilisent ensuite le même argent pour parrainer le terrorisme dans toute l'Europe. Nous devons faut bannir ces gens-là définitivement. L'Autriche a déjà banni les Frères musulmans en Autriche et l'Allemagne a suivi son exemple. La France pas encore, mais je pousse beaucoup dans ce sens», poursuit-elle.
Goulet dénonce spécifiquement le rôle de l'organisation Islamic Relief qui, selon elle, avait aidé au financement du terrorisme et soutenu l'organisation terroriste Hamas en Palestine. Elle affirme que ses dirigeants sont responsables de la diffusion de messages antisémites sur les réseaux sociaux.
«Par conséquent, ce que nous devons faire, c'est pister l'argent et essayer ensuite d'interdire tout financement en faveur de ces personnes. Nous devons mener des enquêtes approfondies sur la façon dont elles collectent de l'argent et ce qu'elles font de cet argent, et nous devons absolument mettre un terme à tout financement du terrorisme», déclare-t-elle.
La détermination du Royaume à lutter contre le financement du terrorisme est un exemple des changements positifs intervenus dans le pays dans le cadre du plan de réforme de la Vision 2030 qui a eu de profondes répercussions sur la vie en Arabie saoudite.
«Quand vous voyez la différence dans la rue, comment les jeunes sont heureux dans le pays, et quand vous voyez l’évolution actuelle, il est clair que quelque chose s'est produit. C'est la Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane qui a rendu ce changement possible et qui apportera beaucoup d'espoir pour le pays», ajoute Goulet.
Pour ce qui est de la politique étrangère française vis-à-vis des pays musulmans, Mme Goulet estime que la question est compliquée en raison de l'histoire coloniale de la France. «C'est toujours très émotionnel», indique-t-elle.
Concernant l'Algérie, ancienne colonie française, avec laquelle les relations sont tendues à cause des propos tenus par Emmanuel Macron ainsi que de certains problèmes de visas, Goulet s'attend à une amélioration de la situation, ajoutant que «les liens avec l'Algérie sont très forts».
Quant au Liban, un pays où Macron s'est rendu à plusieurs reprises pour tenter de l'aider à traverser sa crise qui va en s'amplifiant, elle affirme que le peuple libanais devrait se tourner vers une nouvelle génération politique pour rapatrier les produits de la corruption conservés dans des paradis fiscaux à l’étranger plutôt que de chercher des sauvetages financiers de la part de pays comme la France.
Cependant, elle se prononce contre la politique française au Liban à l'égard du Hezbollah. «Au cours des quinze dernières années, le gouvernement a traité le Hezbollah d'une manière très étrange – comme s'il y avait un Hezbollah politique et un Hezbollah militaire, et que pour discuter avec le Hezbollah politique, il faut bannir le Hezbollah militaire. Mais en réalité il n'y a qu'un seul Hezbollah. Tout comme il y a un seul Hamas, il y a un seul Hezbollah. Il n'y a pas un Hezbollah militaire et un Hezbollah politique. C'est un même groupe terroriste», déclare-t-elle.
Déclaration d' Islamic Relief Worldwide (IRW)
Islamic Relief Worldwide (IRW) conteste catégoriquement tout financement du terrorisme, ainsi que tout soutien au Hamas. En tant qu'organisme caritatif agréé et réglementé par la Charity Commission of England and Wales, IRW est audité plusieurs fois par an de manière indépendante au nom des gouvernements, des organismes des Nations unies et d'autres donateurs institutionnels importants. Entre 2009 et 2019, l'institution a effectué plus de 500 audits internes et externes, qui ont montré que ses fonds ont été utilisés exclusivement pour sauver des vies et contribuer au programme humanitaire mondial, conformément aux importants principes humanitaires de neutralité, d'impartialité et d'indépendance.
Nous avons mis en place des contrôles stricts pour nous assurer que nos fonds sont alloués pour aider les personnes les plus vulnérables. Nous contrôlons régulièrement tous les administrateurs, les cadres supérieurs, le personnel, les bénévoles, les partenaires et les entrepreneurs, pour vérifier qu'ils n'ont aucun lien avec des groupes ou des entités interdits.
IRW rejette et condamne le terrorisme et estime que toutes les formes de discrimination – dont l'antisémitisme – sont inacceptables. Malheureusement, nous avons déploré des incidents par le passé avec certains employés qui n’ont pas respecté nos valeurs, mais ces cas ont été traités avec fermeté et rapidité, et les personnes impliquées ne font plus partie de l'institution. À la suite de ces événements, la Charity Commission a mené une enquête au sein de notre organisation et a conclu que nous avions agi de manière approfondie et appropriée. En outre, un examen indépendant a été mené par l'ancien procureur général du Royaume-Uni, Dominic Grieve QC, qui a conclu que l'organisation n'était pas institutionnellement antisémite.
Goulet critique également l’attitude des Français envers les Arabes et les musulmans en France. Un récent sondage d'Arab News avec YouGov a révélé que 64% des Français ont une image négative des groupes minoritaires.
«Je pense que c'est malheureusement un fait, et c’est dû aux principaux dirigeants politiques qui surfent en ce moment sur la vague du populisme. Cela les aidera à recueillir des voix», ajoute-t-elle, faisant référence aux élections présidentielles en France l'année prochaine.
«Nous avons aussi le mouvement des Gilets jaunes et l'agitation dans les rues, avec les théories du complot, et tout bout dans la même casserole pour produire quelque chose qui sent très mauvais.»
Goulet, qui est membre de la formation politique Union centriste au Sénat français, dénigre les perspectives présidentielles d’Éric Zemmour, un populiste de droite qui a récemment gagné du terrain dans les sondages d'opinion.
Elle explique: «Je pense que ces choses vont bientôt disparaître. C'était comme un petit feu. Sa campagne va échouer. Ce n'est pas la France, je veux dire que cela ne peut pas être la France. Ce type est un pur populiste. Il n'a pas d'équipe et j'espère qu'il sera bientôt à court d'argent et qu'il ira ensuite à la poubelle, parce qu'il ne mérite rien d'autre que la poubelle.»
La sénatrice espère que les relations entre la France et la Grande-Bretagne – de plus en plus tendues depuis le Brexit et l'arrivée du gouvernement de Boris Johnson – s'amélioreront, mais fait remarquer que les «malentendus» dans les affaires anglo-françaises remontent au chef militaire français Napoléon Bonaparte.
En ce qui concerne le dernier point critique – la migration des réfugiés et leur traversée de la Manche –, Goulet affirme que la situation est «intolérable» et souligne le fait que des niveaux plus élevés de prestations sociales sont disponibles pour les réfugiés au Royaume-Uni, comparativement à la France et à d'autres pays de l'Union européenne.
«Je sais pour sûr que la Grande-Bretagne attire les émigrants parce qu'il est plus facile pour eux d'y vivre et d'obtenir des subventions et de l'aide. Par conséquent, peut-être que l'une des solutions est que la Grande-Bretagne soit plus restrictive en ce qui concerne les migrants, afin que cela n'ait pas l'air si attrayant – peut-être.