Malgré une puissance de feu supposée supérieure et de vastes campagnes de recrutement, l'armée fédérale éthiopienne est engagée dans un féroce combat pour tenter de contenir la progression des rebelles tigréens vers la capitale Addis Abeba.
Depuis l'arrivée la semaine dernière du Premier ministre Abiy Ahmed dans la zone de combats, le gouvernement a revendiqué avoir repris plusieurs villes aux rebelles, dont le célèbre site de Lalibela, classé au patrimoine mondial de l'Unesco.
Voici quelques données sur l'armée éthiopienne, qui a connu des fortunes diverses dans le conflit qui ravage le nord de l'Ethiopie depuis plus d'un an.
Comment les combats ont-ils commencé ?
Les combats ont éclaté après qu'Abiy Ahmed a annoncé le 4 novembre 2020 l'envoi de troupes dans la région septentrionale du Tigré pour y destituer les autorités locales issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui défiaient son autorité depuis des mois et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires.
Réputée comme l'une des plus grandes armées permanentes d'Afrique, forte d'environ 140.000 hommes, la Force de défense nationale éthiopienne (ENDF) s'est emparée de la capitale régionale Mekele le 28 novembre. Abiy Ahmed a proclamé la victoire.
Mais sept mois plus tard, les rebelles ont renversé la situation, repris la majeure partie du Tigré, dont Mekele le 28 juin, puis avancé dans les régions voisines de l'Afar et de l'Amhara.
Pourquoi la situation s'est-elle inversée ?
Malgré un armement de meilleure qualité, l'armée déploie d'intenses efforts pour contenir les rebelles du TPLF, qui ont une longue histoire de lutte face à des armées régulières.
Ses combattants ont renversé le régime autocratique du Derg en 1991 après plus de 15 ans d'insurrection, puis participé à la guerre frontalière entre l'Ethiopie et l'Erythrée de 1998 à 2000.
Le TPLF disposait d'une importante force paramilitaire et d'une milice locale bien entraînée, estimées à 250.000 hommes par l'International Crisis Group (ICG).
Selon plusieurs experts, l'armée fédérale n'était ni préparée, ni équipée pour affronter une insurrection de ce type.
"L'armée éthiopienne a été conçue pour combattre l'armée érythréenne, pas une rébellion. Alors, elle l'a fait épouvantablement", explique un analyste, sous couvert d'anonymat.
Par ailleurs, des réformes au sein de l'armée ont entraîné la mise à la retraite de nombreux hauts gradés avant le conflit, la privant d'une direction expérimentée. Après le début des combats, une purge des officiers tigréens l'a encore affaiblie.
"A la veille de la guerre, 18% de l'armée était composée de Tigréens, qui occupaient souvent les postes les plus techniques et les plus pointus, et environ la moitié des officiers étaient tigréens. Avec leur départ, l'ENDF a perdu sa colonne vertébrale", résume l'historien René Lefort.
Les soutiens de l'armée sont-ils efficaces ?
Dans son combat contre le TPLF, l'armée fédérale a reçu l'appui de milices locales, en particulier celles de la région de l'Amhara.
L'armée a aussi enrolé -et continue d'enrôler- massivement des civils dans le cadre de campagnes de recrutement. Mais cela se retourne parfois contre elle.
"Ils ont envoyé des recrues à peine entraînées au combat, aux côtés des milices locales. Cela a conduit à des problèmes de commandement et de contrôle, et à une approche plutôt désordonnée", explique William Davison, analyste principal à l'ICG.
L'aviation et les drones armés, qui ont mené des frappes aériennes au Tigré ces derniers mois, n'ont pour l'instant pas produit de changement majeur.
"Tout ce nouveau matériel et ces nouvelles recrues ne semblent jusqu'à présent pas à la hauteur de la motivation et de la réflexion stratégique des forces tigréennes", estime William Davison.
L'armée peut-elle reprendre l'avantage ?
Malgré de récents revers, un renversement en faveur de l'armée éthiopienne n'est pas à exclure dans ce conflit jalonné de rebondissements.
Elle a jusqu'à présent défendu avec succès Mille, ville de l'Afar située sur une route cruciale tant pour l'acheminement d'aide humanitaire au Tigré que pour l'approvisionnement d'Addis Abeba.
Depuis la semaine dernière, le Premier ministre Abiy Ahmed est présent, selon plusieurs médias d'Etat, dans la zone de combats pour mener en personne la "contre-offensive".
Le gouvernement a depuis revendiqué avoir repris plusieurs localités, notamment Shewa Robit, située à 220 kilomètres au nord d'Addis Abeba, et celle située plus loin de la capitale mais très emblématique de Lalibela, célèbre pour ses églises monolithiques taillées dans la roche.