PARIS: La justice française a requis lundi en appel cinq ans de prison, dont un an ferme, à l'encontre de l'ancien Premier ministre François Fillon, poursuivi pour des soupçons d'emplois "fictifs ou surévalués" de son épouse.
Hormis cette peine de prison, aménagée en détention à domicile avec bracelet électronique, l'accusation a demandé 375 000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité à l'encontre de l'ex-Premier ministre sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012). A l'encontre de son épouse Penelope, il a été demandé deux ans de prison avec sursis, 100 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité.
L'affaire des soupçons d'emplois fictifs de Penelope Fillon est celle de "personnes (qui) se sont enrichies de manière illicite", a estimé lundi l'accusation au procès en appel de François Fillon, de son épouse et de son ex-suppléant Marc Joulaud.
L'avocat général Yves Micolet a débuté son réquisitoire peu après 13h30 en défendant l'enquête du Parquet national financier (PNF) puis l'instruction menées en pleine campagne présidentielle en 2017 face aux critiques de la défense de l'ancien Premier ministre.
"Faire le procès du PNF est un leurre pour essayer de masquer la gravité des faits par les prévenus", a assené le magistrat. "Il n'y a pas eu d'immixtion illégale de la justice dans l'élection présidentielle (ni) d'atteinte à la séparation des pouvoirs".
Là où la défense a dénoncé une ouverture d'enquête précipitée et téléguidée en janvier 2017 après la parution d'une série d'articles dans Le Canard enchaîné, le parquet général a fait valoir que le PNF était compétent pour se saisir du dossier et qu'"il y avait manifestement la possibilité de réaliser dans (les) trois mois" avant l'élection "des investigations" sur la réalité du travail de Mme Fillon.
Ecartant l'idée d'un "procès hors norme", Yves Micolet a estimé qu'en-dehors du statut d'ancien Premier ministre du principal prévenu et de l'Assemblée nationale et du Sénat comme victimes, il s'agissait d'"un dossier tout à fait classique de nos chambres financières, un dossier dans lequel des personnes se sont enrichies de façon illicite".
"La question" est celle "de l'effectivité du travail" des assistants parlementaires qui sont "payés par les deniers publics", a-t-il rappelé.
Les trois prévenus, condamnés en première instance, sont rejugés depuis le 15 novembre pour détournement de fonds publics, complicité ou recel de cette infraction notamment, concernant trois contrats d'embauche de Penelope Fillon comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013. Rémunération totale: plus de 612 000 euros nets.
A la barre de la cour d'appel, ils ont répété l'un après l'autre que Penelope Fillon avait accompli un réel travail en tant que "collaboratrice de terrain" dans la circonscription de la Sarthe où M. Fillon avait été élu député.
Quelques «erreurs»
Les prévenus ont assuré que la discrète Franco-Galloise entretenait le "lien de confiance" avec les habitants en participant à des manifestations locales, en gérant le courrier qui arrivait chez eux ou en préparant des "mémos".
S'il en reste si peu de traces, c'est qu'il s'agissait d'un travail surtout "oral", ont-ils soutenu.
Très peu de personnes savaient que Penelope Fillon était assistante parlementaire ? Le couple avait décidé de mettre en avant son statut d'épouse, gage de plus de proximité, ont-ils affirmé, ne reconnaissant que quelques "erreurs" d'organisation ou de communication.
Dans ce dossier, les époux Fillon sont aussi mis en cause pour l'emploi de leurs deux aînés comme collaborateurs de leur père sénateur entre 2005 et 2007 (46 000 euros nets) et pour le contrat de "conseillère littéraire" de Penelope Fillon, en 2012 et 2013, à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière (135 000 euros bruts).
Là aussi, ils se défendent d'avoir enfreint la loi.
François Fillon est enfin poursuivi pour avoir omis de déclarer un prêt de 50 000 euros de M. Ladreit de Lacharrière à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - le parquet général a d'ores et déjà annoncé qu'il ne remettrait pas en cause sa relaxe sur ce point en première instance.
Dans son jugement, le 29 juin 2020, le tribunal correctionnel avait presque intégralement suivi le réquisitoire du parquet national financier (PNF).