DUBAI : Les affaires en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis « en plein essor » alors que leurs économies se remettent rapidement des ravages de la pandémie de coronavirus, déclare à Arab News Alain Bejjani, PDG du conglomérat Majid Al Futtaim.
« L'Arabie saoudite a fait preuve d'une grande résilience pendant la pandémie, mais en réalité, les mesures saoudiennes pour arrêter la propagation du virus étaient assez différentes de celles que vous aviez sur les autres marchés. J'y suis allé plus de trois fois au cours des derniers mois et vous pouvez voir que c’est en plein essor. Cela revient », souligne Bejjani.
« Les Émirats arabes unis avaient une résilience remarquable en 2020 et foisonnent maintenant dans tous les domaines. Nous avons connu un excellent second semestre, en particulier le troisième et le quatrième trimestre dans lesquels nous nous trouvons, et en gros, les choses démarrent très bien en 2022. »
Les affaires en Égypte sont également sur la voie de la reprise, dit-il.
Bejjani est à la tête de MAF depuis 2015, consolidant ainsi la position du groupe comme l'un des principaux groupes de vente au détail, d'hôtellerie et de loisirs au Moyen-Orient. MAF est bien connu des consommateurs de toute la région pour ses supermarchés Carrefour, ses gigantesques galeries marchandes et sa chaîne Vox Cinemas.
Il a donné son avis sur les conditions de la reprise après les confinements de l'année dernière sur Frankly Speaking, la série d'entretiens vidéo avec des hommes d'affaires et des décideurs politiques de premier plan au Moyen-Orient et dans le monde.
Au cours d'une longue discussion, il a également parlé de la façon dont la pandémie avait changé MAF, de ses plans pour donner un grand coup de pouce au cinéma au Moyen-Orient et de la durabilité des activités de MAF, qui incluent une piste de ski à Dubaï- et une autre – qui devrait être la plus grande au monde – dans le centre commercial en construction, Mall of Saudi à Riyad.
Commentant la reprise économique post-pandémique, Bejjani explique que MAF pourrait connaître un revers financier cette année, car les modes de consommation sont passés de la vente en ligne à la vente au détail en personne.
« C’est 2021 qui a été l’année difficile, pas 2020. L'année dernière a été une année difficile pour servir les clients au sein de leur foyer, et respecter les contraintes très strictes que nous avions à cause de la pandémie.
« Mais en 2021, lorsque nous avions moins de restrictions ou aucune restriction, les gens pouvaient retourner dans les magasins, la consommation réelle a changé parce que les gens consommaient moins. Ils n'étaient plus à la maison autant qu’avant », précise-t-il.
Il ajoute qu'une reprise complète dans tous les domaines pourrait ne pas se produire avant 2024 : « Nous sommes dans plusieurs secteurs et certains se sont rétablis tandis que d'autres non. Ainsi, lorsque vous vous penchez sur nos résultats globaux, ils sont affectés par ceux qui ne se sont pas encore redressés. »
Bejjani élabore : « Par exemple, le secteur du cinéma et le secteur L&E (loisirs et divertissements) –se remettent plus lentement que d'autres et sont maintenant réellement affectés par des problèmes de chaîne d'approvisionnement ».
« Quand on regarde le business du cinéma, c'est un business qui a été vraiment impacté en 2021 par les jauges, mais aussi par le fait que les films avaient des retards de production et comme le reste de la chaine d’approvisionnement à cause de la pandémie ».
En Arabie saoudite, où MAF a connu une expansion rapide au cours des cinq dernières années, la croissance a été stimulée par la stratégie de réforme du plan Vision 2030 pour diversifier l'économie, selon Bejjani.
« Ce qui s'est passé en Arabie saoudite au cours des cinq dernières années est une bénédiction. Tout le monde rêvait de voir l'Arabie saoudite s’ouvrir, voir l'Arabie saoudite revenir, devenir réellement une économie dynamique et même plus, une économie plus inclusive, réintégrer les femmes sur le marché du travail et aussi dans la société pour réinstaurer le loisir dans le Royaume », dit-il.
Le projet le plus prestigieux de MAF à ce jour dans le Royaume est le Mall of Saudi, un complexe commercial et de loisirs de 4,3 milliards de dollars (3,79 milliards d’euros) en construction dans le nord de Riyad, qui devrait ouvrir ses portes en 2025. Bejjani est convaincu que la « culture du centre commercial » surmontera les défis lancés par la pandémie, mais que les bouclages changeront considérablement la nature de l'entreprise.
« Il s'agit bien sûr pour nous d'un investissement très important, et d'un projet stratégique. Nous le faisons parce que nous croyons vraiment en l'avenir du commerce de détail qui pour nous est à la fois physique et numérique. Il y a maintenant un nouveau mot « phygital", qui circule de plus en plus ».
« Les centres commerciaux ne sont pas seulement des espaces où vous effectuez réellement des transactions, où vous achetez quelque chose. C'est un endroit où les gens se rassemblent. C'est un endroit où les gens se rencontrent. C'est un endroit où les amis et la famille passent du temps et de bons moments ensemble. Bien sûr, ils font du shopping, dînent ou consomment, mais ils créent également des liens. C'est ce que sont les nouveaux rôles des centres commerciaux », poursuit-il.
Le Mall of Saudi abritera la plus grande piste de ski et le plus grand dôme de neige au monde. Certains écologistes ont remis en question la construction de gigantesques sites enneigés couverts au Moyen-Orient, d'autant plus que les inquiétudes augmentent vis-à-vis du changement climatique.
Mais Bejjani est catégorique sur le fait que le nouveau centre de ski de Riyad se conformera aux réglementations environnementales et énergétiques les plus strictes, comme le fait Ski Dubaï aux Émirats arabes unis. « Il y a beaucoup d'idées fausses autour des pistes de ski couvertes », précise-t-il.
« Le centre commercial Ski Dubai du Mall of the Emirates ou celui que vous allez avoir dans notre projet de Riyad, sont en fait des actifs certifiés LEED (Leadership in Energy and Environmental Design).
« En fait, cela s'est beaucoup amélioré. Nous avons investi beaucoup en technologie afin de le rendre aussi durable que possible. Ainsi, lorsque vous regardez la pente réelle, elle se trouve à l'intérieur d'un réfrigérateur qui préserve la chaleur et le froid, minimise ainsi la chaleur sortante et préserve le froid à l'intérieur. Et nous avons beaucoup de technologies pour nous assurer que nous utilisons réellement le moins d'électricité possible et que nous produisons la plus faible empreinte carbone possible. »
La chaîne Vox Cinemas, qui a développé à plein pot de nouveaux sites après la levée de l'interdiction des cinémas en Arabie saoudite en 2018, fait partie des activités affectées par la pandémie vouées à une forte croissance. Bejjani dit qu'il est convaincu que Vox peut reprendre son élan grâce aux services de streaming à domicile comme Netflix qui ont si bien fonctionné pendant les blocages.
« Les gens adorent l'expérience. Le cinéma est un moment que vous partagez avec les autres et il n'y a rien de tel que la magie d'être dans une salle, de rire, et vivre ces émotions ensemble », dit-il.
Les consommateurs avaient afflué en masse sur Netflix pendant le confinement, ajoute-t-il
L'un des défis que MAF prévoit de relever de front est le manque de nouveau contenu, et en particulier de contenu régional, dans l'industrie cinématographique du Moyen-Orient. Les fermetures des studios d'Hollywood et de Bollywood pendant la pandémie ont entraîné une pénurie de nouveautés pour les cinéphiles.
« L'Arabie saoudite est un marché fantastique pour le contenu local, qu'il s'agisse de contenu arabe, de contenu du Golfe ou égyptien, et c'est là nous déployons beaucoup d'efforts pour développer ce contenu local », souligne-t-il.
Vox parraine le prochain Red Sea Film Festival afin de démontrer son engagement à créer un réseau régional de production et de distribution pour élever le niveau du contenu local au cinéma.
« Nous avons un marché énorme avec beaucoup de consommateurs de produits culturels jeunes et moins jeunes qui veulent du contenu local », déclare Bejjani. « C'est ainsi que nous pouvons contribuer à la renaissance de notre civilisation et de la vie culturelle dans notre partie du monde. »
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com