NAYPYIDAW, BIRMANIE : L'ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi devrait connaître mardi le verdict dans son procès pour incitation à la violence, le premier d'une longue série de procédures judiciaires lancées à son encontre par la junte militaire qui l'a renversée.
La lauréate du prix Nobel est assignée à résidence depuis le coup d'Etat de février et risque plusieurs décennies de prison pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
Au matin du 1er, les militaires ont repris le pouvoir dans ce pays d'Asie du Sud-Est, mettant fin à une brève parenthèse démocratique.
Depuis, le régime poursuit une répression sanglante contre ses opposants avec plus de 1.200 civils tués et plus de 10.000 arrêtés, selon une ONG locale, l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), qui rapporte des cas de tortures et d'exécutions extra-judiciaires.
Mardi, Aung San Suu Kyi risque en théorie trois ans de prison mais ce n'est là qu'une des accusations qui, selon les analystes, visent à l'écarter définitivement de l'arène politique.
Mais les plans de la junte concernant Suu Kyi restent inconnus et celle-ci pourrait également retarder le verdict, estiment ces analystes.
Les médias ne sont pas autorisés à assister à son procès devant un tribunal spécial de la capitale Naypyidaw. La junte a également interdit à son équipe juridique de parler à la presse et aux organisations internationales.
Quelques jours après le coup d'État, Suu Kyi a fait l'objet d'accusations obscures pour avoir possédé des talkies-walkies sans autorisation et pour avoir enfreint les règles sanitaires liées au coronavirus lors des élections que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie a remportées haut la main en novembre 2020.
«Une peine sévère presque certaine»
La junte a régulièrement ajouté de nouvelles inculpations, notamment pour corruption et fraude électorale.
"Je pense qu'il est presque certain que Suu Kyi sera condamnée à une peine sévère", a déclaré David Mathieson, un politologue spécialiste de la Birmanie.
"La question est de savoir à quoi ressemblera son incarcération... sera-t-elle traitée comme une détenue lambda dans un bloc de cellules bondées, ou avec des privilèges dans une villa VIP ?"
Depuis presque 10 mois, elle est confinée dans un lieu tenu secret à Naypyidaw avec une petite équipe. Son lien avec l'extérieur se limite à de brèves réunions avec ses avocats, qui l'ont tenue informée de la situation dans le pays et ont relayé des messages à ses partisans.
En juin, à l'occasion de son 76e anniversaire, des sympathisants de tout le pays ont posté sur les réseaux sociaux des selfies avec une fleur dans les cheveux, en hommage à Aung San Suu Kyi.
Mais en octobre, son équipe a été contrainte au silence après avoir relayé le témoignage devant le tribunal de l'ex-président de la République Win Myint, lui aussi jugé depuis juin.
Win Myint avait raconté à la barre avoir dit aux officiers venus l'arrêter le 1er février préférer mourir plutôt que de démissionner.
L'équipe de défense d'Aung San Suu Kyi était l'unique source d'information sur le procès qui se tient à huis-clos.
Entre-temps, plusieurs procès ont condamné à des peines sévères d'autres membres importants de la LND.
Un ancien ministre a été condamné à 75 ans de prison au début du mois, tandis qu'un proche collaborateur de l'ancienne cheffe du gouvernement a écopé d'une peine de 20 ans.
Les généraux pourraient réduire ultérieurement toute peine prononcée à l'encontre d'Aung San Suu Kyi, en raison de son rang, mais "quel est le degré de clémence de Min Aung Hlaing ?", le chef de la junte, s'interroge M. Mathieson.