Interview : Jacques Bourgeois ou la fascination de l’Arabie

Jacques Bourgeois, délégué Général d’Airbus Group et directeur des activités de Thales en Arabie saoudite (Fournie)
Jacques Bourgeois, délégué Général d’Airbus Group et directeur des activités de Thales en Arabie saoudite (Fournie)
Short Url
Publié le Mercredi 23 septembre 2020

Interview : Jacques Bourgeois ou la fascination de l’Arabie

  • A la suite de cette vague d’attentats provoquée par Al-Qaïda pour déstabiliser le Royaume, le Roi Abdallah a réagi au plan politique, en prônant une tolérance accrue face à la diversité religieuse afin de contrer les mouvements extrémistes
  • Je pense que le fief saoudien, doté d’une population jeune, en recherche d’oxygène, guidée par un trentenaire, est bien en train de se moderniser et de se libéraliser

Délégué Général d’Airbus Group et directeur des activités de Thales en Arabie saoudite, président de la section Arabie saoudite des Conseillers du Commerce Extérieur de la France, Jacques Bourgeois porte sur le Royaume le regard d’un connaisseur éclairé. Il est co-auteur, avec son épouse Jocelyn et son ami saoudien « M.Paul » d’Arabie saoudite : l’incontournable, aboutissement de plusieurs années de recherches et d’analyses, paru aux éditions Riveneuve en 2016 et signé Jacques-Jocelyn Paul

Qu’est-ce qui vous a conduit en Arabie saoudite ?

Le travail et la curiosité.

Le travail tout d’abord, parce qu’après avoir exploré les arcanes de la prévision économique, de la banque, de la haute finance, des cabinets ministériels, et j’en passe… j’ai voulu consacrer la deuxième partie de ma vie professionnelle à la défense des intérêts des entreprises françaises à l’étranger. La curiosité, car après avoir sillonné en long et en large le Vietnam, l’Europe Centrale, la Russie, le Xinjiang, la Mongolie, l’Argentine, le Brésil… et vécu en famille en Chine, je manquais de repères sur le Moyen-Orient et son poumon historique et religieux, l’Arabie. Il s’agissait de joindre l’utile à l’agréable en y résidant avec mon épouse Jocelyn dès l’an 2000.

L’Arabie, pensez-donc ! Un territoire de sable et de rocailles grand comme quatre fois la France au cœur de nos fascinations, de nos contradictions et de nos fantasmes... Une Péninsule heureuse, déserte pour certains, le lieu de tous les rigorismes et excès pour d’autres, située au confluent du pèlerinage, du marché de l’énergie, des innombrables conflits moyen-orientaux et du djihad mondialisé...

Une « terra incognita » pour des français, une lacune à combler.

Qu’est-ce qui vous a rendu heureux lors de votre séjour dans ce pays ?

L’amitié et la découverte.

L’amitié d’un homme, un Saoudien, alias Monsieur Paul, sans lequel il nous aurait été impossible d’embrasser la très longue histoire de l’Arabie, d’en distinguer les visages cachés, d’acquérir les outils indispensables à l’analyse de la stratégie saoudienne dans la géopolitique régionale et mondiale. Grâce à lui nous avons rédigé un vade-mecum d’analyses historiques, religieuses, sociologiques et politiques, un document permettant de distinguer les jihadistes, les salafistes et les frères musulmans, les bédouins et les autres, les princes royaux et ceux de second rang, les affairistes et les humbles... de mieux comprendre les mœurs locales.  Avec lui nous avons rassemblé les résultats de dix-huit ans de travail, de réflexion, d’enquêtes de terrain durant les "six mille sept cent quarante-quatre nuits qui ont suivi le 11 septembre 2001".

La découverte d’un système de valeurs parfois mal connu, souvent méconnu.

Il en va d’abord des hommes. « Moi contre mon frère, moi et mon frère contre mon cousin, moi, mon frère et mon cousin contre l’étranger ! » est un aphorisme qui souligne combien les réflexes locaux ont été modelés par la double nécessité de survivre dans le désert et de magnifier les liens du sang. Dès lors comment imaginer que les notions occidentales de droit du sol, de citoyenneté et de démocratie élective puissent être aisément adoptées dans la Péninsule ?

Il en va aussi des conflits en cours. Un second aphorisme, intemporel, « Les Arabes naissent au Yémen et meurent en Irak », décrit les flux démographiques ancestraux, rappelle la continuité du peuplement nomade sur l’ensemble du Moyen-Orient et renvoie aux liens intimes qui unissent le Yémen et l’Arabie, notamment en Asir, une sorte d’Alsace-Lorraine sud-arabique. Les ressorts de l’interminable conflit qui oppose ces deux pays frères sont dès lors plus complexes qu’on ne le dit, car ils ne résultent ni d’une simple guerre par procuration contre l’Iran, ni de foucades de dirigeants, les houthis n’étant ni des chiites duodécimains ni des Perses, mais des voisins... ceux auxquels faisait allusion le premier aphorisme.

Qu’est ce qui aurait pu vous y rendre malheureux ?

Le maintien durable de tensions terroristes dans le pays. De fait, à partir de 2003, une vague d’attentats a déferlé sur l’Arabie : assassinats d’Occidentaux, destruction du compound d’Al-Hamra, de deux autres sites de la capitale, du compound Al-Moayed, explosion d’un édifice de la sécurité intérieure à Riyad... Un de mes collaborateurs, auquel je pense souvent, a même trouvé une mort tragique à Djeddah.

A la suite de cette vague d’attentats provoquée par Al-Qaïda pour déstabiliser le Royaume, le Roi Abdallah a réagi au plan politique, en prônant une tolérance accrue face à la diversité religieuse afin de contrer les mouvements extrémistes. Il a notamment ravivé un processus de « Dialogue National » impliquant des leaders religieux parmi lesquels un théologien chiite et des oulémas sunnites ayant prôné la tolérance vis-a-vis des chiites. Mais de nouveau, en 2004, des attaques sanglantes ont frappé les villes de Yanbu et d’Al-Khobar, le Ministère de l’Intérieur à Riyad.

La réponse de l’administration d’Abdallah fut dès lors plus ferme à partir de 2005. Les raids policiers, les arrestations, les emprisonnements et les négociations avec les tribus se multiplièrent, si bien que le pouvoir saoudien parvint à endiguer l’essentiel des tentatives terroristes. Pour nous tous, Saoudiens et expatriés, il était temps.

Y êtes-vous revenu ? Quels changements avez-vous constaté ?

Les changements sont considérables. La politique conduite par le tandem au pouvoir depuis 2015, le Roi Salman et son fils Mohammed – le premier dans une posture quasi-présidentielle, le second comme premier ministre – a remis au pas les intégristes, strictement encadré les religieux, emprisonné certains corrupteurs et considérablement amélioré la condition féminine.

Le 24 octobre 2017 a Riyad, le Régent a déclaré : « nous retournons à ce que nous étions auparavant, un pays d’islam modéré ouvert à toutes les religions et au monde ». Il s’est engagé a lutter contre « l’extrémisme » et a affirmé vouloir mettre fin a l’influence notable que les milieux religieux conservateurs exercent sur la société saoudienne depuis des décennies, en déclarant : « Nous ne ferons que retourner à un islam modéré, tolérant et ouvert sur le monde et toutes les autres religions », tout en ajoutant : « Nous n’allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d’idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant ». Pourquoi ne pas le croire, même s’il est évident que le nouveau pouvoir ne veut pas supprimer la place des religieux, mais seulement les replacer sous la tutelle du politique. Les actes ont en tout cas suivi les déclarations, ce qui n’est pas toujours le cas dans mon pays :

– Une femme a été nommée Ambassadeur d’Arabie Saoudite aux États-Unis,

– Les Saoudiennes, autorisées à conduire dès 2017, peuvent aussi créer et gérer leur propre entreprise sans l’autorisation d’un tuteur masculin et, dès l’âge de 21 ans, obtenir un passeport, voyager à l’étranger sans la permission d’un « gardien » mâle,

– Les femmes peuvent intégrer l’armée de terre, de l’air, les forces navales, de défense aérienne, les missiles stratégiques et les services médicaux,

– Les restaurants n’ont plus d’entrées distinctes pour les femmes et pour les hommes,

– Des cinémas (jusqu’alors non présents en Arabie) sont ouverts, des concours de belote auxquels participent certains oulémas sont transmis à la TV,

– Les étrangères ont le droit de se promener sans porter l’abaya, obligatoire en public pour les Saoudiennes, à condition toutefois de porter des vêtements pudiques »,

– Les couples étrangers non mariés peuvent louer une chambre d’hôtel ensemble

- En avril la Cour suprême de Justice a annoncé la suppression de la flagellation parmi les peines que peuvent décider les juges saoudiens et la Commission des Droits Humains a supprimé la peine de mort pour les mineurs (moins de 18 ans), la peine substitutive ne devant pas dépasser 10 ans de prison, etc.

A votre avis, les projets d’ouverture tiendront-ils la route ou bien la tendance conservatrice finira-t-elle par l’emporter ?

Je pense que le fief saoudien, doté d’une population jeune, en recherche d’oxygène, guidée par un trentenaire, est bien en train de se moderniser et de se libéraliser. Pourtant cette vision d’un régime qui aurait commencé à s’exonérer de la pression de ses imams contraste beaucoup avec l’image que d’autres analystes occidentaux ont gardée sur l’Arabie : le foyer permanent d’un wahhabisme conquérant ayant déjà engendré le Jihad, Al-Qaïda, Daech…  Un débat à suivre, qui ne sera tranché que par l’Histoire, bien que son cours ait été souvent bouleversé par de nombreuses ruptures, délibérément voulues ou accompagnées par les al-Saoud.

Parmi ces retournements a certes figuré le grand tournant de 1979, marqué par quatre événements : l’attaque meurtrière de la grande mosquée de La Mecque par Juhayman ; la destitution du Shah avec l’avènement de la République Islamique d’Iran ; l’intervention soviétique en Afghanistan ; le traité de paix entre Israël et l’Égypte. C’est ce contexte tumultueux qui, à l’époque, avait conduit les dirigeants de l’Arabie à accepter une escalade fondamentaliste pour canaliser les impatiences théologiques des imams, répondre aux pulsions d’une population acquise aux valeurs des Frères Musulmans et affronter l’imam chiite Khomeini.

Mais que l’Iran duodécimain, la Turquie hanafite d’Erdogan, le Qatar hanbalite des al-Thani et d’al-Jazeera, et une grande partie de l’Égypte chaféite militent encore pour des projets sociétaux bâtis sur des valeurs religieuses contraignantes – théocratie des mollahs dans le premier cas, intégrisme militant des Frères Musulmans dans les autres – les a fait réagir. Ils ont mis le Qatar dans leur collimateur aux côtés des Frères Musulmans, que l’Arabie, les Émirats, le Soudan, l’Égypte, la Syrie, Bahreïn… et la Russie, traitent maintenant comme une organisation terroriste. Ni l’Europe, ni la France, le champ de manœuvre de Tariq Ramadan, ne les ont suivis. Si bien que l’Arabie d’aujourd’hui me semble mieux armée que d’autres pays - dont le mien - pour résister aux menées intégristes.

Que pensez-vous du projet vision 2030 de MBS, répond-t-il aux aspirations de la jeunesse saoudienne ? Est-il réaliste ? Est-il dans l’ADN du peuple saoudien qu’on a tendance à voir comme conservateur et réticent au changement ?

Le nouveau souffle impulsé par le Roi et par son fils ne peut que séduire des jeunes garçons, des filles et des épouses trop longtemps marginalisés et réduits à l’ennui. Dans ce pays où il n’y a pas de trottoirs, la rue ne menace pas de gronder à court terme sous l’effet de tous ces bouleversements, d’autant que très nombreux sont ceux qui dans le peuple et parmi les jeunes princes apprécient le discours et la pratique musclée du pouvoir contre la corruption. Le scénario d’un « Printemps Arabe » saisissant la société saoudienne sous la poussée revendicatrice d’une population extrêmement jeune et désœuvrée semble peu probable, malgré la raréfaction des marges de manœuvres budgétaires liée a la récente baisse du prix du pétrole et en dépit de la future réduction du surplus exportable du pays. La famille royale, a l’instar du Roi Abdallah en 2011, aurait d’ailleurs assez de ressources financières pour éteindre à temps tout début d’embrasement.

« Très nombreux sont ceux qui dans le peuple et parmi les jeunes princes apprécient le discours et la pratique musclée du pouvoir contre la corruption »

Sous le regard attentif du grand Salman ben Abdelaziz et dans les pas du Voltaire de 1736, il serait donc dangereux prédire la fin prochaine du règne des al-Saoud : « Le temps de l’Arabie est enfin venu. Ce peuple généreux, trop longtemps inconnu, laissait dans le désert ensevelie la gloire… Vois du Nord au Midi l’univers désolé, la Perse encore sanglante et son trône ébranlé, L’Inde exclue et timide et l’Égypte abaissée… Sur ces débris du Monde élevons l’Arabie. » (Mahomet, Voltaire en 1736).

Que représente pour vous le site d’Al-Ula ?

Un site impressionnant et l’un des berceaux de la langue arabe.

C’est d’abord un lieu de mémoire exceptionnel, l’ancienne Hégra des Nabatéens, la moderne Madâin Sâlih, la Pétra d’Arabie. Inscrit depuis 2008 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, ce site naturel du Hedjaz égrène ses tombeaux rupestres le long de massifs de grès dispersés dans une vaste plaine alluviale sise au milieu du désert. Les Nabatéens se sont installés là au milieu du Ier siècle avant J.-C. quand, désireux de conserver leur rôle de premier plan dans le commerce caravanier de l’encens et des aromates dont les routes traversaient l’Arabie, ils sont descendus vers le sud depuis Pétra, leur capitale, en Jordanie. À Hégra, ils ont construit une vaste cité entourée d’un rempart au-delà duquel s’étendent les nécropoles où ils enterraient leurs morts et le quartier réservé à leurs confréries religieuses. Dans l’oasis, ils ont cultivé des céréales, toutes sortes d’arbres fruitiers, et même du coton.

C’est aussi l’un des berceaux de la langue arabe. Jusqu’à une date récente, les quelques textes arabes préislamiques connus, tous du VIe siècle, se trouvaient en Syrie, ce qui fit croire qu’il fallait y chercher le berceau de l’écriture arabe. Mais depuis une dizaine d’années des prospections de chercheurs saoudiens et de l’équipe des fouilles franco-saoudiennes de Hégra ont mis au jour des inscriptions nabatéo-arabes datées des IVe et Ve siècles, entre Madain Saleh et le Golfe d’Aqaba. Et, en 2014, l’équipe archéologique saoudo-française de Najran, pres du Yémen, a découvert 1 000 kilomètres plus au sud, aux alentours d’Hima, une inscription en nabatéo-arabe datée de l’an 469-470 apres J.-C., confirmant ainsi que l’évolution de l’écriture nabatéenne vers l’écriture arabe s’est faite dans la péninsule Arabique et non en Syrie. Les travaux de l’archéologue franco-libanaise Laila Nehmé, qui s’est brillamment illustrée par ses recherches sur les inscriptions nabatéennes, sur l’écriture nabatéenne et sa mutation en arabe, l’ont clairement montré.

Quelle sera à votre avis la place de Neom dans la géographie du futur ? Un Monte Carlo ou un Las Vegas du désert ?

Que je sache, dans ce pays rigoriste, les jeux de hasard restent interdits. Tout au plus pourrait-on envisager la belote qui grâce à une fatwa publiée en mars 2005 a été rendue licite pour que les Saoudiens cessent de vivre dans le péché. Car nombreux sont les nomades et les citadins qui y jouent régulièrement dans le désert ou dans les majlis. La plupart pensent que ce jeu est une invention arabe, en tout cas locale, mais il serait plutôt né en Alsace, inventé par un certain Belot ou venant de la déformation de « bel atout ». Peu importe ! Il y a là, à portée de main, une nouvelle possibilité de rapprochement entre la France et l’Arabie.

Je ne crois donc pas aux options de stupre touristique que vous évoquez, qui plus est sur la terre du Prophète. Il reste que le nom Neom est une association de neo (nouveau en grec) et M pour Mostaqbal (futur en arabe) et que, en plein cœur du désert, ce projet pharaonique annoncé par le prince Mohammed ben Salman pourrait avoir une superficie de 26 000 km2, soit la surface de la Bretagne ou « 250 fois la taille de Paris », et qu’il coûterait plus de 500 milliards de dollars. On y fournirait de l’internet haut débit sans fil et gratuit et un modèle complet d’e-gouvernement pour assurer la vie administrative et sociale de la ville, cette dernière devant en théorie engendrer le plus fort PIB par habitant au monde d’ici à 2030. L’hypothèse de la création d’une ville phare, vitrine mondiale de la technologie serait donc plus plausible que celle du lancement en fanfare d’un nouveau Monte Carlo, sous réserve que ce projet gigantesque demeure finançable...

Biographie de Jacques Bourgeois

Diplômé de l'École des hautes études commerciales et de l'Institut d'études politiques de Paris, Jacques Bourgeois commence sa carrière en 1977 au sein du Bureau d'information et de prévisions économiques (Bipe). Il rejoint ensuite le cabinet du ministre de la Défense en 1989 en qualité de conseiller économique. Entre 1991 et 1997, il est successivement directeur de région du groupe Thomson-CSF pour l'Europe centrale et l’ex-URSS puis délégué en Chine du même groupe. A son retour de Pékin, il est nommé conseiller économique au cabinet du ministre de l'Intérieur. En 2001, il est nommé directeur des activités de Thales en Arabie saoudite où il enchaîne les missions jusqu’en 2018, notamment en tant que directeur général de Thomson CSF, délégué général d’Airbus et président des Conseillers du Commerce extérieur de la France. En 2019, Jacques Bourgeois fonde Dauphin Consultants, société de conseil en développement dont il est le PDG.


Nucléaire: le chef de la diplomatie iranienne à Oman pour de nouvelles discussions avec Washington

Short Url
  • L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate
  • M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère

TEHERAN: Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas  est arrivé vendredi à Oman pour une troisième session de discussions sur le nucléaire avec les Etats-Unis prévue samedi, Téhéran augurant de "possibles progrès" si Washington fait preuve de "bonne volonté, sérieux et réalisme".

L'agence de presse iranienne Mehr a diffusé une courte vidéo montrant M. Araghchi descendre d'un appareil officiel iranien à l'aéroport de Mascate.

M. Araghchi se rendra à Mascate "à la tête d'une délégation composée de diplomates et d'experts techniques" pour mener ces discussions indirectes avec les Etats-Unis, avait auparavant indiqué le porte-parole de son ministère, Esmaïl Baghaï.

Le département d'Etat américain a annoncé que l'émissaire du président Donald Trump, Steve Witkoff, participerait bien à ces pourparlers, dans la foulée des deux précédents rendez-vous à Mascate le 12 avril et Rome le 19, salués comme de bonnes discussions par Téhéran et Washington.

Ce troisième cycle prévoit une session de pourparlers techniques entre experts sur le programme nucléaire iranien, en complément de la négociation diplomatique principale.

Michael Anton, qui occupe le poste de responsable de la planification politique au sein du département d'Etat américain, dirigera les travaux techniques du côté américain.

L'agence de presse iranienne Tasnim a de son côté rapporté que les discussions techniques seront menées côté iranien par les vice-ministres des Affaires étrangères Kazem Gharibabadi et Majid Takht-Ravanchi.

Vendredi, M. Baghaï a déclaré que "pour que les négociations progressent, il faut une démonstration de bonne volonté, de sérieux et de réalisme de la part de l'autre partie".

Dans une interview jeudi, le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que Téhéran "aborderait les négociations de samedi avec sérieux, et que si l'autre partie fait également preuve de sérieux, des progrès sont possibles".

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a relancé sa politique dite de "pression maximale" contre l'Iran, avec qui les Etats-Unis n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980. Il a initié des négociations avec Téhéran, tout en menaçant de bombarder l'Iran en cas d'échec.


Soudan: deux années de guerre et toujours pas d’issue

Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
Les personnes qui ont fui le camp de déplacés de Zamzam après qu'il soit tombé sous le contrôle du RSF, se reposent dans un campement de fortune dans un champ près de la ville de Tawila dans la région du Darfour occidental déchirée par la guerre au Soudan, le 13 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit
  • Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées

PARIS: Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est en proie à des affrontements meurtriers entre l’armée soudanaise et les Forces de Soutien Rapide « FSR ».

Le bilan de ces affrontements est très lourd, et s’élève, selon les Nations unies, à plus de 20 mille morts et 14 millions de déplacés.

La reprise, le mois dernier, du contrôle de la capitale Khartoum a donné lieu à une petite lueur laissant espérer une issue au conflit.

Elle a vite été balayée par l’intransigeance des deux parties concernées.

L’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fatah Al-Burhan, a exigé que les « FSR » déposent leurs armes comme condition préalable à toute négociation.

Malgré leur défaite, les « FSR », menées par le général Mohamed Dagalo, dit Hemedti, n’ont prêté aucune attention à cette proposition.

Elles se sont repliées dans leur province d’origine, le Darfour, située à l’ouest du Soudan, et semblent se préparer à une guerre d’usure.

Selon les informations en provenance du Soudan, elles encerclent la ville d’El-Fasher, capitale de la province.

Si cette ville leur tombe entre les mains, elles contrôleront alors toute la région, ce qui fait dire à certains observateurs que Hemedti pourra, à partir de là, annoncer la formation de son propre gouvernement.

Après avoir été amputé du Sud-Soudan, le pays serait en voie de subir une nouvelle mutilation, puisqu’en février dernier les « FSR » et 24 organisations soudanaises ont signé une charte jetant les bases d’un gouvernement « de paix et d’unité ».

Ce n’est pas l’avis du directeur du Centre d’étude du monde arabe et méditerranéen « EMAM » à Tours, Marc Lavergne, qui doute de cette hypothèse.

Selon lui, « On ne voit pas très bien quel est l’élément qui peut souder ce mouvement », car chacun des groupes qui le constituent « lutte d’abord pour ses objectifs propres ».

Pas de lumière au bout du tunnel

Cette coalition, qui s’est regroupée autour des « FSR », a réussi à agréger beaucoup d’éléments de la société civile, ceux qui ont mené la révolution pacifique depuis avril 2019.

Mais cette coalition est des plus hétéroclites, indique Lavergne, puisqu’il y a en son sein « toutes sortes de formations, de partis politiques ou de groupes qui sont eux-mêmes divisés ».

D’autre part, il souligne l’incapacité des « FSR » à gérer une région, et affirme « que le problème de ces forces, c’est qu’elles sont incapables de gérer ce qu’elles gagnent ».

« Elles l’ont montré dans le désert. Elles l’ont montré dans l’est du Soudan », ajoute-t-il, à « force de tuer, de violer et puis de vivre sur l’habitant parce qu’ils n’ont pas de casernes, ils n’ont pas où loger ».

Pour Lavergne, « elles ne peuvent pas gagner, mais elles peuvent résister », et peuvent, par conséquent, « servir d’idiots utiles aux forces démocratiques. C’est un peu ce que j’imagine ».

Paradoxalement, du côté de l’armée, « il y a quand même cette solidité et cette discipline, qui lui ont permis de gagner du terrain très progressivement », mais « c’est une armée qui possède un pays et non pas un pays qui possède une armée ».

Ce modèle, indique Lavergne, est rejeté par « les démocrates, les intellectuels, et par toutes les forces non armées, qui n’ont pas d’armes, violemment réprimées » pendant « le printemps soudanais ».

La chute de Khartoum, estime-t-il, « c’est aussi la chute de toutes ces catégories de Soudanais modernes, si l’on veut, enfin tournés vers l’Occident, vers les idées de démocratie et de liberté », qui ont fait le choix de se regrouper autour des rebelles du Darfour.

Ce qui surprend ce fin connaisseur du Soudan, « c’est l’incapacité des Soudanais à s’entendre », et c’est pour ça que l’armée prend le pouvoir à chaque fois.

Pour conclure, Lavergne concède à regret qu’il n’y a pas de lumière au bout du tunnel pour l’instant, mais que le Soudan, pays riche en ressources naturelles et minières, pouvait s’éviter de nombreux malheurs.

Il fallait ouvrir des routes, créer des institutions, former les jeunes, développer des industries locales, « des choses à faire qui n’ont pas été faites mais qui ne sont pas compliquées à faire. Mais je pense que c’est un peu tard ».


1985 – Un prince saoudien dans l’espace: une première historique

Short Url
  • La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté»
  • Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute

RIYAD: Le 17 juin 1985, l’Arabie saoudite a marqué l’histoire lorsque la navette spatiale Discovery de la Nasa a décollé de Cap Canaveral, en Floride, pour sa cinquième mission. À son bord se trouvait le premier astronaute arabe, musulman et membre d’une famille royale – un événement symbolisant l’aube d’une nouvelle ère pour l’exploration spatiale dans le monde arabe.

Le prince Sultan ben Salmane, pilote de l'armée de l'air royale saoudienne âgé de 28 ans, a passé sept jours à mener des expériences dans l'espace au sein d'un équipage international composé de sept personnes.

Pendant le voyage de Discovery, le prince, deuxième fils du roi Salmane d'Arabie saoudite, a également surveillé le déploiement d'Arabsat-1B, le deuxième satellite lancé par l'Organisation arabe de communication par satellite, conçu pour stimuler les communications téléphoniques et télévisuelles entre les nations arabes.

Le leadership de l'Arabie saoudite dans le secteur de l'exploration spatiale régionale a commencé à ce moment-là, préparant le terrain pour les progrès remarquables qui ont suivi et qui ont façonné sa vision.

La confiance dans la capacité du Royaume à mener le voyage du monde arabe dans l'espace a été évidente lorsque les États membres de la Ligue arabe ont désigné le prince Sultan comme spécialiste de charge utile pour voyager à bord de la navette spatiale.

Le Royaume a joué un rôle essentiel dans la création par la Ligue arabe de la société de communication par satellite Arabsat. Son premier satellite, Arabsat-1A, a été lancé dans l'espace par une fusée française en février 1985.

Comment nous l'avons écrit

--
La une d’Arab News a retracé le parcours du prince Sultan, célébrant ce moment historique que le monde arabe a qualifié de «jour de fierté».

Au cours de dix semaines d'entraînement intensif en Arabie saoudite et à la Nasa aux États-Unis, le prince Sultan est passé du statut de pilote de la Royal Saudi Air Force à celui d'astronaute, prêt pour une mission au cours de laquelle il serait le plus jeune membre de l'équipage.

Il a été accueilli en héros, tant en Arabie saoudite que dans l’ensemble du monde arabe, lorsque la navette spatiale a atterri sans encombre sur la base aérienne d’Edwards, en Californie, à 6 h 11, heure locale, le 24 juin 1985. Cet événement marquant a inspiré une génération d’Arabes à tourner leur regard vers les étoiles.

Sa propre mission dans le secteur spatial était cependant loin d'être terminée. À son retour, le prince a été promu au rang de major de l'armée de l'air royale saoudienne et, lorsque l'Arabie saoudite a décidé d'accélérer ses efforts d'exploration spatiale dans le cadre de Vision 2030, il n'y avait pas de meilleur choix pour présider la Commission spatiale saoudienne lors de sa création en 2018.

Les efforts du prince Sultan pour former une nouvelle génération d'astronautes saoudiens ont rapidement commencé à porter leurs fruits. Et le 21 mai 2023, le Royaume a célébré une nouvelle étape dans son voyage dans l'espace lorsque la première femme astronaute saoudienne et arabe a pris son envol.

Rayyanah Barnawi a été rejointe par Ali Alqarni, le deuxième Saoudien dans l'espace après le prince Sultan, lors de la première mission du programme de vols spatiaux habités de la Commission spatiale saoudienne. Au cours de leur mission de 10 jours à bord de la Station spatiale internationale dans le cadre de la mission Axiom 2, les deux astronautes saoudiens ont mené 11 expériences de recherche en microgravité.

Un mois plus tard, la commission a été rebaptisée Agence spatiale saoudienne par une résolution du Cabinet. Ses objectifs sont de développer les technologies spatiales, de stimuler la diversification économique, de soutenir la recherche et le développement dans le secteur et de former les futures générations d'astronautes saoudiens.

«Ce pays a été construit pour tant de générations, et chaque génération ouvre la voie à la suivante, et crée la plateforme qui lui permettra de passer au niveau supérieur», a déclaré le prince Sultan lors d'un entretien accordé à Arab News en 2019.

En 2020, l'Arabie saoudite a annoncé l'allocation de 2,1 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro) à son programme spatial dans le cadre des efforts de diversification décrits dans le cadre stratégique Vision 2030 pour le développement national. Deux ans plus tard, le secteur spatial saoudien a généré 400 millions de dollars de revenus, et ce chiffre devrait atteindre 2,2 milliards de dollars d'ici à 2030.

Au-delà de l'Arabie saoudite, le voyage pionnier du prince Sultan dans l'espace a également inspiré d'autres Arabes de la région. Deux ans plus tard, en juillet 1987, le Syrien Mohammed Faris était cosmonaute de recherche pour une mission de huit jours et de trois personnes à bord d'un vaisseau spatial soviétique à destination de la station spatiale Mir. Accompagné de deux cosmonautes soviétiques, il a mené plusieurs expériences de recherche dans les domaines de la médecine spatiale et du traitement des matériaux.

Hazza al-Mansouri, le troisième Arabe dans l'espace, qui est devenu en septembre 2019 le premier astronaute émirati et le premier Arabe à poser le pied sur la Station spatiale internationale, s'est également inspiré du prince Sultan.

«La passion de Hazza al-Mansouri pour l'espace et son désir d'ouvrir la voie aux générations futures pour l'explorer ont été inspirés par la mission du prince Sultan en 1985», a écrit Mohammed Nasser al-Ahbabi, ancien directeur général de l'Agence spatiale des Émirats arabes unis, dans un article publié en 2020 à l'occasion du 45e anniversaire d'Arab News.  

«En tant que jeune élève, le futur astronaute a découvert, dans son manuel solaire, une photo du prince Sultan, premier Arabe dans l’espace – un moment charnière qui allait transformer sa vie.»

En 1988, le président des Émirats arabes unis de l'époque, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, a rencontré le prince Sultan et l'a interrogé sur tous les détails de son voyage dans l'espace.

--
De retour dans son pays, le prince Sultan Salman al-Saoud a été accueilli en héros et nommé major de l'armée de l'air royale saoudienne. (Nasa)

«L'expérience du prince Sultan a eu un impact considérable sur les Émirats arabes unis en particulier, un pays qui a fait preuve d'un engagement fort envers l'espace depuis l'époque de son fondateur et premier président, le cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane», a écrit M. Al-Ahbabi.  

«La vision du cheikh Zayed et l'étape historique franchie par le prince Sultan ont servi de tremplin à l'enthousiasme des Émirats arabes unis et de la région pour l'exploration spatiale.»

L'agence spatiale des Émirats arabes unis a signé un accord avec l'Agence spatiale saoudienne en 2020 afin de renforcer la coopération dans les activités spatiales à des fins pacifiques, de renforcer les capacités techniques et scientifiques et d'échanger des connaissances et de l'expertise.

Alors que la région arabe continue de développer ses projets et ses investissements dans le secteur spatial, on se souviendra toujours du rôle joué par le prince saoudien pour rappeler aux jeunes générations qu'il faut viser les étoiles.

Lorsqu'elles verront la Terre depuis l'espace, elles constateront, comme l'a déclaré le prince Sultan à Arab News en 2019, que «votre intérêt et votre passion pour les choses deviennent plus globaux, plus universels».

Sherouk Zakaria est une journaliste d'Arab News basée aux Émirats arabes unis, avec plus d'une décennie d'expérience dans les médias et la communication stratégique.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com