PARIS: « On nous a fait la guerre, nous avons répondu »: l'ancien président de la République François Hollande était entendu mercredi au procès sous haute sécurité des attentats du 13 novembre 2015 qui ont endeuillé Paris, où il a été cité comme témoin.
Depuis le 8 septembre, la France juge 14 hommes accusés, à des degrés divers, d'avoir participé aux attentats du 13 novembre 2015 survenus à Paris et en proche banlieue, et revendiqués par le groupe Etat islamique (EI), qui ont causé la mort de 130 personnes.
Depuis l'ouverture du procès, son nom a résonné à plusieurs reprises dans la salle d'audience, notamment depuis le box, où Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos, a justifié les attaques jihadistes en les présentant comme une riposte à la politique étrangère de la France et de son président d'alors.
Assurant « (mesurer) la souffrance des victimes », François Hollande certifie: « Hélas, nous n'avions pas l'information qui aurait été décisive pour empêcher les attentats ».
Depuis les attentats de janvier 2015 contre le journal irrévérencieux Charlie Hebdo, qui avait publié les caricatures de Mahomet, et le magasin Hypercaher, « chaque jour nous étions sous la menace. Nous savions qu'il y avait des opérations qui se préparaient, des individus qui se mêlaient aux flux de réfugiés, des chefs en Syrie. Nous savions tout cela », développe l'ancien président socialiste (2012-2017).
« Mais nous ne savions pas où, quand et comment ils allaient frapper », insiste-t-il à plusieurs reprises.
Sans un regard vers le box des accusés à sa gauche, l'ancien président de la République répond aux explications du principal accusé, Salah Abdeslam, qui a justifié les attentats comme une riposte à l'intervention militaire française en Syrie.
« On nous a fait la guerre et nous avons répondu », s'est défendu François Hollande. A l'aise devant la cour, il rappelle que les frappes en Syrie n'ont débuté que le « 27 septembre » 2015 - « ce qui veut dire que le commando s'était préparé bien avant », soutient-il.
L'Etat islamique « nous a frappés non pas pour nos modes d'action à l'étranger, mais pour nos modes de vie ici-même », souligne encore François Hollande.
« Essayez de m'écouter »
Poussé par la défense de Salah Abdeslam à s'expliquer plus en profondeur sur l'intervention militaire française contre l'Etat islamique, François Hollande finira pourtant par montrer un certain agacement. « Est-ce que les frappes françaises ont pu causer des victimes collatérales en Syrie et en Irak ? », demande Olivia Ronen. « Quel est le sens de votre question ? », répond M. Hollande.
« Vous voulez établir un lien entre ce que nous faisons et les attaques », insinue le témoin, qui dit ne pas avoir »eu connaissance de victimes collatérales ». Me Ronen le relance : « Donc, il n'y a pas eu de victimes collatérales ? »
L'ex-président perd patience. « Essayez de m'écouter », « je ne peux pas être plus précis (...) nous faisons en sorte qu'il n'y en ait jamais ».
Largement questionné par la défense sur la stratégie de la France au Moyen-Orient, François Hollande grince encore : « En fait, les avocats de la défense sont dans la politique internationale et pas dans la politique pénale ».
Au terme de cinq semaines d'auditions de victimes, le nom de François Hollande avait encore retenti, cette fois dans la bouche des djihadistes du Bataclan - salle de spectacles dans l'est parisien - : un enregistreur laissé dans la salle avait capté toute l'attaque et notamment les revendications des assaillants.
« Vous ne pouvez vous en prendre qu'à votre président François Hollande », entend-on plusieurs fois, entre deux tirs, dans l'extrait de quelques minutes de cet enregistrement audio qu'a diffusé la cour le 28 octobre.
« Un message »
« Avez-vous écouté cette bande audio, comment l'avez-vous vécu ? », demande à l'ex-chef de l'Etat un avocat d'une partie civile.
Pour François Hollande, c'est « un message » pour nous « faire renoncer à nos interventions en Irak et en Syrie » et pour que « s'installe une rupture, une guerre de religion » entre les Français.
Le fait que son nom soit prononcé dans les revendications l'a « fait réfléchir à (sa) propre responsabilité », souligne-t-il.
Mais, affirme-t-il, l'air grave: « Je ferais exactement la même chose » aujourd'hui. « Je le dis devant les parties civiles qui souffrent, ceux qui ont perdu des êtres chers », continue-t-il.
Au terme de près de quatre heures d'audition, le président de la cour Jean-Louis Périès remercie l'ancien président de la République. Dans le box, Salah Abdeslam se lève, mais le magistrat intervient immédiatement : « Non, non M. Abdeslam, si vous avez des questions, vous passez par vos conseils ». Le principal accusé se rassoit. Fin de l'audience, qui reprend mardi avec les auditions de chercheurs et universitaires.