AGAREB: « Droit à une vie digne, droit à un air pur ». Des milliers de Tunisiens ont manifesté et participé à une grève générale mercredi dans la région de Sfax, au lendemain du décès d'un manifestant lors d'un rassemblement contre la réouverture d'une décharge d'ordures.
L'homme, âgé de 35 ans, est décédé mardi avant l'aube dans la ville d'Agareb (centre-est), lorsque les forces de l'ordre ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants qui cherchaient à empêcher la réouverture de la décharge locale qui dessert un bassin d'un million d'habitants.
Le parquet a ouvert une enquête pour déterminer les raisons de ce décès. Le ministère de l'Intérieur a affirmé qu'il avait succombé à un problème de santé, sans lien avec la dispersion de la manifestation.
Une grève générale, très suivie dans les secteurs privé et public, a été observée mercredi à l'appel de la puissante centrale syndicale UGTT pour dénoncer « l'intervention sauvage des agents de sécurité » contre les manifestants.
Des milliers de personnes ont aussi participé à une marche de 6 km pour protester contre les violences imputées aux forces de l'ordre et exiger la fermeture de la décharge contestée située à Agareb, selon des correspondants sur place.
Un dispositif policier les a empêchées d'atteindre le site de la décharge, faisant de nouveau usage de gaz lacrymogène.
« Nous avons rencontré un grand sentiment de mépris à Agareb. On a vu, ces dernières 24 heures, les forces de sécurité protéger les déchets et écraser les citoyens, écraser les droits des habitants à la vie, leur droit à un environnement sain et à une vie digne », a dénoncé l'un des manifestants, sous le couvert de l'anonymat.
« Droit à un air pur »
« Les gens que vous voyez par milliers ne demandent pas des choses impossibles. Ils demandent un droit à la vie et un air pur c'est tout », a-t-il ajouté.
Un autre manifestant anonyme a réclamé la fermeture de la déchetterie car elle est « la cause de la maladie (..), la cause des odeurs, cela fait au moins 14 ans que l'on se plaint ».
« Fermez la déchetterie et on partira. Vous ne voulez pas fermer la déchetterie. On restera ici une semaine, deux semaines, trois semaines, un mois, deux mois, un an, on se battra jusqu'à ce que la déchetterie ferme », a-t-il ajouté.
La région de Sfax, deuxième ville et important pôle économique de Tunisie, connaît ces dernières semaines des mouvements de protestation contre les déchets envahissant les rues et les trottoirs, et menaçant la santé des habitants.
La décharge d'Agareb, la principale de la région, a été fermée fin septembre, sous la pression de la population qui fait valoir que le site est déjà saturé et proteste aussi contre le déversement de déchets chimiques alors que le site est censé être destiné uniquement aux ordures ménagères.
Les municipalités de l'agglomération ont refusé par la suite de collecter les déchets, estimant que l'Etat n'avait pas trouvé de solutions viables au problème posé par la gestion des ordures.
Les autorités ont rouvert la décharge lundi, provoquant la nouvelle vague de protestations.
Les difficultés liées au traitement des ordures sont récurrentes en Tunisie, pays peu étendu de 12 millions d'habitants.
La majorité des 2,5 millions de tonnes d'ordures collectées chaque année, sont enfouies dans des décharges, sans être traitées ni incinérées, les autres sont stockées à ciel ouvert, et une quantité infime est recyclée, selon des organisations internationales.