PARIS : Au moment où l'immigration apparait comme un des thèmes centraux de la pré-campagne présidentielle, une note du Conseil d'analyse économique (CAE) plaide pour un accroissement de l'immigration qualifiée, vantant ses avantages économiques sur le long terme.
"Le débat public sur l’immigration est dominé par les questions identitaires et sécuritaires, et quand l’angle économique est abordé, seuls des aspects de court terme en matière d’emploi et de finances publiques sont évoqués", regrettent en introduction les auteurs de cette note, les économistes Emmanuelle Auriol et Hillel Rapoport.
"Les véritables enjeux de l’immigration économique, ceux de la croissance à long terme, ne sont, eux, jamais discutés", ajoutent-ils.
Le premier débat des cinq candidats à l'investiture pour la présidentielle des Républicains lundi soir a confirmé ce diagnostic, où le temps d'échange sur ce sujet s'est focalisé sur le contrôle du nombre d'étrangers qui viennent s'installer en France et la lutte contre l'immigration clandestine.
Pas dupes du climat dans lequel est publié leur note, ses auteurs rappellent que leur travail a débuté il y a plus d'un an.
Philippe Martin, président délégué du CAE, organe de recherche chargé de conseiller le gouvernement, a d'ailleurs tenu à préciser au début d'une présentation à la presse que ce travail n'avait pas été commandé par le gouvernement, comme cela peut parfois être le cas, et que le CAE "est un conseil fait d'universitaires qui sont indépendants".
Cette étude parait aussi deux semaines après une vaste étude de l'OCDE sur l"impact budgétaire" des immigrés. Elle concluait qu'entre contributions versées et dépenses publiques, l'impact était légèrement positif pour la France.
Cette note est "utile parce qu'elle remet certaines pendules à l'heure", a toutefois défendu Emmanuelle Auriol.
D'abord, "une somme considérable d'études économiques démontre les bienfaits d’une immigration de travail qualifiée et diversifiée", en matière d'innovation, d'entrepreneuriat et donc de croissance et de productivité, rappelle la note.
Citant des observations faites sur les Etats-Unis, pays en pointe dans l'attraction des talents étrangers, ses auteurs montrent que les immigrés, qui y représentent 13% de la population, sont à l'origine de 24% des brevets déposés entre 1940 et 2000, et qu'ils représentent 26% des entrepreneurs.
En France, seulement 8% des brevets sont déposés par des immigrés, qui représentent environ 10% de la population.
Par ailleurs, des études attestent que la diversité des lieux de naissance des salariés d'une entreprise est source de plus grande productivité, et que les effets de réseaux des diasporas créent "des ponts" avec d'autres pays qui stimulent le commerce extérieur et l'investissement étranger.
Avec 37,8% des immigrés en âge de travailler qui ont un niveau scolaire égal ou inférieur au brevet et 70% des immigrés (hors mobilité européenne) venant du continent africain, "notre pays n'exploite pas ces possibilités", résume Emmanuelle Auriol.
"La France est dans un cercle vicieux où, comme l’immigration est peu diversifiée et peu qualifiée, les opinions publiques y sont assez défavorables. Et ça pousse à des politiques très restrictives" en matière d'immigration économique, abonde Hillel Rapoport.
La note préconise donc de "repenser la politique migratoire" nationale, en développant des canaux d'immigration "variés" en terme d'origine géographique.
Pour cela, ses auteurs prônent notamment la création d'un système de visas à points, sur le modèle de ceux existants au Canada ou en Australie, qui a le mérite d'être "transparent, équitable et efficace", mais aussi "souple" sur les critères privilégiés dans le profil des candidats à l'immigration.
Ils souhaiteraient aussi renforcer le dispositif "passeport talents", créé en 2016 pour favoriser l'accueil des jeunes qualifiés. En 2019, seuls 13.500 passeports ont été délivrés via ce dispositif, ce qui "ne permet pas d'inverser la tendance d'une immigration peu qualifiée, peu diversifiée et faible en volume".
D'autres recommandations visent à améliorer la qualité de l'enseignement pour attirer davantage d'étudiants et à faciliter l'octroi de titres de séjour aux étudiants à l'issue de leur cursus, en assouplissant les critères d'éligibilité, car seulement 21% des étudiants étrangers sont toujours présents en France cinq ans après leur arrivée sur le territoire.