A la COP, l'épineux dossier des «pertes et dommages» des pays pauvres

"Vous êtes les premiers à souffrir et les derniers à recevoir de l'aide", a reconnu le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors d'une réunion à la COP des pays du Climate Vulnerable Forum (CVF). (Photo, AFP)
"Vous êtes les premiers à souffrir et les derniers à recevoir de l'aide", a reconnu le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors d'une réunion à la COP des pays du Climate Vulnerable Forum (CVF). (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 08 novembre 2021

A la COP, l'épineux dossier des «pertes et dommages» des pays pauvres

  • Les pays vulnérables les plus affectés par les conséquences du réchauffement climatique pourraient voir leur PIB par habitant s'effondrer de plus de 80%
  • Sur 65 pays étudiés, la chute médiane serait de 19,6% en 2050 sur la trajectoire actuelle de réchauffement et de 63,9% à la fin du siècle

GLASGOW : La promesse non tenue des pays riches de milliards d'aide pour le climat empoisonne la COP26, mais les pays pauvres veulent faire avancer à Glasgow (Royaume-Uni) un autre dossier lié: celui des dommages qu'ils subissent déjà.


Les pays vulnérables les plus affectés par les conséquences du réchauffement climatique pourraient voir leur PIB (Produit intérieur brut) par habitant s'effondrer de plus de 80%, selon une étude publiée lundi par l'ONG Christian Aid.


Sur 65 pays étudiés, la chute médiane serait de 19,6% en 2050 sur la trajectoire actuelle de réchauffement et de 63,9% à la fin du siècle - une chute qui serait limitée à 13,1% et 33,1% respectivement si l'objectif de l'accord de Paris de maintenir le réchauffement à +1,5°C était atteint.


Mais pour six des 10 pays les plus affectés, situés notamment en Afrique, cette baisse dépasserait 80% à la fin du siècle dans le pire des scénarios.


En 2009, les pays riches avaient promis aux plus pauvres et exposés de porter leur aide pour la lutte contre le changement climatique à 100 milliards de dollars par an en 2020. Constatant leur échec, ils ont présenté juste avant la COP26 un "plan de livraison" prévoyant de remplir cet engagement... en 2023.


La pilule passe mal chez les plus menacés. D'autant qu'ils sont pour la plupart des contributeurs insignifiants au réchauffement, et que la majeure partie des fonds qui leur sont alloués va à des mesures de réduction des émissions. Résultat, ils ont l'impression de payer deux fois, au portefeuille et en nature.


"Vous êtes les premiers à souffrir et les derniers à recevoir de l'aide", a reconnu le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors d'une réunion à la COP des pays du Climate Vulnerable Forum (CVF).

Paranoïa
Et d'exhorter à "faire plus pour protéger les peuples vulnérables des dangers clairs et actuels du changement climatique".


Et ce sont justement ces dangers "actuels" que les plus menacés veulent voir pris spécifiquement en compte.


La lutte contre le réchauffement et ses effets repose sur "l'atténuation" (lutte contre les émissions par exemple) et "l'adaptation" (préparation à faire face aux conséquences prévisibles). Les pays vulnérables veulent y ajouter les "pertes et préjudices" qu'ils subissent déjà.


Ce thème est bien mentionné dans l'accord de Paris et un "mécanisme international" existe même sur la question, mais les pays riches rechignent à ce qu'il soit sur la table en tant que tel.


"C'est principalement la crainte voire la paranoïa sur les questions de responsabilité et de compensations" possibles, explique à l'AFP Yamine Dagnet, du groupe de réflexion World Resources Institute. "Mais il ne s'agit pas de ça, il s'agit de ce qui va se passer quand ces petites îles vont disparaître".


Le thème a bien été mentionné dans une déclaration pré-COP de la "coalition de la haute ambition", qui réunit "petits" et "grands" pays.


Mais les riches veulent en faire une partie du volet "adaptation" du financement. Volet qui n'atteint pour l'instant que le quart des sommes débloquées, contre 75% pour l'atténuation, alors que l'ONU comme les pays pauvres réclament au moins la parité.


D'autant que les besoins estimés d'aide aux plus vulnérables sont de "300 milliards (de dollars) par an à horizon 2030", selon M. Guterres.


Et que c'est précisément "l'échec à financer l'adaptation qui s'est transformé en pertes et préjudices", souligne Abul Kalam Azad, émissaire de la présidence bangladaise du CVF.

«Payer la mafia»

"Il faut un financement additionnel et séparé de l'objectif annuel" de 100 milliards pour les pertes et préjudices, insiste de son côté Aiyaz Sayed-Khaiyum, ministre de l'Economie et du Changement climatique des îles Fidji.


Et un financement qui n'ajoute pas à la charge de la dette des pays concernés, insiste-t-il: "Nous faire payer des intérêts sur de l'argent destiné à augmenter notre résilience serait cruel. Comme nous faire payer la mafia des énergies fossiles responsable de la terreur que nous inflige cette crise".


Un allègement de dettes contre des investissements d'adaptation est d'ailleurs une des solutions évoquées.


L'Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS) insiste elle aussi en tirant le bilan de la première semaine de la COP pour que les "pertes et préjudices" figurent dans le "bilan mondial (des financements), dès à présent et avec des objectifs quantifiés".


De nombreuses ONG militent dans ce sens, à l'image de la coalition Climate action network qui réclame "un plan qui réponde véritablement aux besoins des personnes sur la ligne de front de la crise climatique".


Enveloppe séparée, échéancier précis ou nouveaux engagements, les plus pauvres ne veulent plus attendre sur la question, qui pourrait se transformer en point de blocage. Car "la tension est montée" dans les négociations, souligne Yamine Dagnet.


Comme en témoigne le révérend James Bhagwan, de la Conférence des églises du Pacifique, pour qui tout ce débat souligne "les inégalités grossières en matière de changement climatique".


"Dans le Pacifique, pertes et dommages signifie vie ou mort", souligne-t-il. La prise en compte de ce volet du financement "doit se faire dans les prochains jours. S'ils (les pays riches) n'acceptent pas, la judiciarisation sera la seule option".

Climat: l'effondrement économique menace les pays les plus pauvres

GLASGOW : Les pays vulnérables les plus affectés par les conséquences du réchauffement climatique pourraient voir leur PIB par habitant s'effondrer de plus de 80%, selon un rapport publié lundi à l'occasion de la COP26.


Sur 65 pays étudiés (membres des groupes représentant à la COP les pays pauvres et les petites îles menacées) par l'ONG Christian Aid, la chute médiane du PIB par tête serait de 19,6% en 2050 sur la trajectoire actuelle de réchauffement, et de 63,9% à la fin du siècle.


Si l'objectif idéal de l'accord de Paris de maintenir le réchauffement à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle était atteint, ces chiffres passeraient à 13,1% de chute du PIB en 2050 et 33,1% en 2100.


Mais pour 6 des 10 pays les plus affectés cette baisse dépasserait 80% à la fin du siècle dans le pire des scénarios. Et 20% en 2050 dans le meilleur cas.


Huit des ces dix pays sont situés en Afrique et deux en Amérique du Sud. Dans l'ordre décroissant d'impact et selon les deux scénarios (limitation du réchauffement à +1,5°C, tendance actuelle) voici les pertes qu'ils pourraient subir:

Soudan       : 2050 -22,4%/-32,4%   2100 -51,6%/-83,9%


Mauritanie   : 2050 -22,2%/-32,2%   2100 -51,5%/-83,8%


Mali         : 2050 -22,1%/-32%     2100 -51,1%/-83,6%


Niger        : 2050 -22%/-31,9%     2100 -50,7%/-83,1%


Burkina Faso : 2050 -21%/-30,6%     2100 -49,2%/-81,8%


Tchad        : 2050 -20,6%/-30%     2100 -48,4%/-81,1%


Djibouti     : 2050 -19%/-27,8%     2100 -45,6%/-78,3%


Suriname     : 2050 -18,6%/-27,2%   2100 -44,6%/-77,4%


Guyana       : 2050 -16,4%/-24,2%   2100 -40,2%/-72,4%


Guinée       : 2050 -15,9%/-23,5%   2100 -39,7%/-72,1%

"Ces pertes économiques pharamineuses soulignent le besoin urgent d'un mécanisme pour répondre aux questions de pertes et préjudices (...) Les dirigeants des pays riches ne peuvent plus traîner des pieds sur cette question à la COP26", écrit Christian Aid en introduction à ce rapport.


L'évaluation a été réalisée sur la base d'un modèle économétrique mettant en relation croissance et augmentation des températures, utilisé dans de précédentes études publiées par la prestigieuse revue Nature.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »