METZ: L'écriture manuscrite et le dessin entremêlés, qui se répondent et s'exposent: dans l'exposition "Ecrire, c'est dessiner", le centre Pompidou-Metz met à l'honneur les oeuvres de la poétesse et peintre libanaise Etel Adnan, liant les deux arts pour les faire dialoguer avec des manuscrits anciens.
"Le rêve d'Etel était que l'écriture, qui est du domaine de l'intime, devienne monumentale" et "qu'un musée montre ce rapport entre l'écriture et le dessin qui est très fort chez elle", explique Jean-Marie Gallais, commissaire de l'exposition.
Plusieurs des leporellos de la poétesse, ces livres-accordéon qui se déplient et peuvent faire près de 10 mètres de long, où "l'écriture-dessin est complètement imbriquée", sont exposés. Elle y a recopié des poèmes d'auteurs irakiens contemporains, notamment Abd el-Wahhab al-Bayyati et Badr Shakir al-Sayyab, avec qui elle était amie.
Sur ces leporellos, Etel Adnan explique "dessiner l'arabe" plus que l'écrire: elle a voulu créer "un fleuve de poésie" avec cet alphabet qu'elle trouve "plastique". Pour elle, l'arabe est une langue qu'elle entendait enfant, puis qu'elle a réapprise sur le tard et qu'elle a indiqué n'avoir jamais totalement maîtrisée.
Car elle écrit en français et en anglais et son cosmopolitisme irrigue son oeuvre: elle est née en 1925 au Liban alors sous mandat français, d'un père syrien de Damas, ancien officier de l'empire ottoman, et d'une mère grecque de Smyrne, Izmir en Turquie actuelle. Elle a étudié d'abord à Paris dans les années 1950 avant de partir s'installer aux Etats-Unis, où elle s'est prise de passion pour l'anglais.
D'anciens manuscrits rarement exposés répondent à ses oeuvres, comme un papyrus de l'Egypte ancienne aux couleurs éclatantes représentant un extrait du Livre des morts, prêté par la Bibliothèque nationale de France (BNF).
Autres prêts exceptionnels: des livres d'enluminures des XIVe et XVe siècles, de la bibliothèque de Metz, et un manuscrit mérovingien du VIIIe siècle prêté lui aussi par la BNF.
Jean-Marie Gallais a ainsi souligné "l'enthousiasme" de ces institutions, dont la BNF, à prêter ces manuscrits, exposés à basse lumière du fait de leur "fragilité".
Lettres de Van Gogh
"Il était essentiel d'aller chercher des choses beaucoup plus anciennes qui montrent que cette imbrication écriture et dessin existe depuis l'existence de l'écriture, voire avant", détaille-t-il devant une tablette en argile d'écriture cunéiforme datant de 1.750 avant notre ère.
Etel Adnan a aussi voulu mettre en lumière le rapport physique à l'écriture manuscrite. Deux lettres originales de Vincent Van Gogh et un dessin de Rimbaud venant d'un de ses cahiers d'écolier sont proposés au public. Exposés à leurs côtés, un dessin de Marguerite Yourcenar, un manuscrit du poète palestinien Mahmoud Darwish et un autre de Victor Hugo, pour que le visiteur "s'imagine le trajet de (leurs) mains".
Autre souhait de l'artiste, que ces manuscrits "soient regardés avec la même intensité" qu'un tableau ou une sculpture, précise Jean-Marie Gallais.
L'exposition ne dure que trois mois, du 6 novembre au 21 février 2022, à cause de la "fragilité" et du "caractère exceptionnel des oeuvres présentées", dont la plupart ne sont pas "remplaçables par des équivalents", selon le commissaire de l'exposition.
En parallèle, le Centre Pompidou-Metz expose 22 artistes de la 12e biennale de Taipei qui a eu lieu en 2020 en pleine crise du Covid-19. Cette exposition conçue par Bruno Latour, Martin Guinard et Eva Lin se tient du du 6 novembre au 4 avril 2022.