PARIS : Le prix Goncourt, décerné mercredi au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, est aussi une consécration pour son éditeur Philippe Rey, passionné de littérature africaine.
"Je suis né à l'île Maurice, j'ai grandi dans cet univers créole. Ça me prédisposait à me tourner vers ces littératures-là, de la francophonie", explique-t-il à l'AFP.
Cet homme longiligne s'est lancé dans l'aventure de l'édition indépendante, terriblement prenante et risquée, en 2002. Il venait des éditions Stock, où il avait passé dix ans, après des débuts chez un éditeur de livres d'art, Adam Biro.
Son premier coup : partir avec les droits en France de la prolifique romancière américaine Joyce Carol Oates, qui appartenaient à son ancien employeur. Il a publié plus d'une trentaine de titres d'elle.
Lors de son démarrage, il expliquait devoir faire preuve d'ingéniosité pour convaincre des écrivains qui préfèrent souvent la sécurité d'une grosse maison.
"On ne peut pas non plus donner des avances très importantes. Alors cela demande encore plus d'amitié de la part des auteurs ! Et cela nous pousse à être attractifs, à proposer des sujets auxquels ils n'ont pas pensé", disait-il au Monde.
Peu à peu, son exigence comme directeur littéraire, sa tenacité de coureur de marathon à faire sortir les livres les plus aboutis possibles, se sont fait connaître.
"J'ai démarré petit et je le suis resté, puisque nous ne sommes que trois. Je tiens à cette structure légère, qui permet de garder chez nous l'éditorial, la partie créative. Pour moi, c'est de l'artisanat dans le bon sens du terme", estime Philippe Rey.
Mohamed Mbougar Sarr lui a été présenté par un autre écrivain sénégalais qu'il publie, Felwine Sarr, coéditeur avec la maison Jimsaan.
"J'ai compris que j'avais affaire avec Mbougar à quelqu'un d'exceptionnel, avant même de lire le premier roman qu'il m'a apporté. En parlant avec lui, j'ai vu que c'était quelqu'un de très profond, un authentique écrivain, et que ce serait un bonheur de travailler ensemble", se souvient l'éditeur.
"La plus secrète mémoire des hommes", le roman couronné par le Goncourt, est arrivé dans une première version de 700 pages qu'il a fallu couper. Le roman en fait 450.
"On a beaucoup travaillé. C'était pour moi un très beau moment de ma carrière d'éditeur", commente-t-il. "Maintenant ce prix Goncourt va me conforter dans mon indépendance (...) C'est fabuleux. Mohamed Mbougar Sarr a encore une oeuvre importante devant lui, et je serai là pour l'accompagner".