PARIS: Des hôpitaux, des routes, des stations d'épuration: les besoins en infrastructures sont colossaux dans le monde, et le défi est d'orienter les investissements vers les réalisations les plus durables, afin de respecter les engagements écologiques des Etats.
Les chiffres donnent le tournis: en 2017, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estimait que plus de 6.300 milliards de dollars d'investissement dans les infrastructures étaient nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs de développement économique d'ici 2030. Près des deux tiers de ces investissements doivent avoir lieu dans les pays en voie de développement, notamment en Asie.
Mais pour que les nouvelles infrastructures soient alignées avec les objectifs des accords de Paris sur le climat, il faudrait investir près de 10% supplémentaires par an soit 6.900 milliards de dollars.
En 2018, les infrastructures pour l'énergie, le transport et l'eau étaient responsables de plus de 60% des émissions de CO2 mondiales, selon l'institution internationale.
"Sur ces questions-là, il y a encore une nette différence de prisme entre l'Europe et le reste du monde", des Etats-Unis à la Chine en passant par les pays en voie de développement, "même si cela change", expliquent à l'AFP Gwenola Chambon et Mounir Corm, associés-fondateurs du fonds Vauban, spécialisé dans les infrastructures.
Le terme générique "infrastructure" englobe des constructions variées mais reliées à l'urbanisation: il peut s'agir de routes, chemins de fer, écoles, hôpitaux, du traitement des déchets ou de grands projets comme des barrages et des télécommunications.
"Les infrastructures durables, ce n'est pas que les énergies renouvelables. Il ne s'agit pas de construire que des éoliennes, il faut avoir un impact sur l'ensemble des infrastructures", par exemple pour qu'elles consomment moins d'énergie, poursuivent Gwenola Chambon et Mounir Corm.
Si les besoins sont énormes, les financements manquent: selon l'OCDE, le "déficit d'investissement" annuel mondial dans les infrastructures s'élevait entre 2.500 et 3.000 milliards de dollars en 2018. C'est donc jusqu'à près de 50% des besoins qui ne sont pas couverts.
De nombreux obstacles freinent les investisseurs qui veulent se lancer dans des projets, notamment dans les pays émergents: "instabilités politique et concernant les cours des monnaies locales, instabilité réglementaire et manque de transparence" dans les projets, explique à l'AFP Christian Déséglise, responsable de la finance et des investissements durables chez HSBC.
Nouveau label
Le fossé du financement est désormais reconnu par les institutions internationales. Mardi, un label dédié à l'identification des projets dans les infrastructures durables, appelé Sustainable Infrastructure Label (SI Label), a été lancé par Fast-Infra, un groupe de réflexion entre des institutions internationales, dont l'OCDE, la Banque mondiale.
"La démarche est double: transformer les infrastructures en une classe d'actifs", en les rendant plus accessibles aux investisseurs, et "mobiliser les investisseurs institutionnels pour financer des infrastructures dans les pays émergents", explique M. Déséglise, qui a aussi participé aux discussions.
Le SI Label s'inspire du label de la dette verte, qui certifie qu'une émission peut être qualifiée de verte si elle finance intégralement un projet qui entre dans les critères de l'Association internationale des marchés de capitaux.
Pour être éligibles, les projets doivent notamment démontrer qu'ils atteignent un niveau minimum pour chacun des quatorze critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et de résilience fixés. Ils pourront alors être plus facilement identifiés par les investisseurs.
Si aucun contrôle n'est fait a priori, "toutes les données sont accessibles à tous, ce qui devrait permettre de limiter le risque de +greenwashing+", assure M. Déséglise.
L'espoir est que le label soit adopté rapidement à la fois par les investisseurs et les collectivités, notamment les villes, pour qu'il devienne une référence alors que les projets d'infrastructure vont continuer de bénéficier dans les prochaines années des plans de relance des Etats, depuis le plan Biden aux Etats-Unis jusqu'aux nouveaux quartiers des villes asiatiques.