ZURICH : Le nouveau président de Credit Suisse, le Portugais Antonio Horta-Osorio, affrontera les investisseurs jeudi qui vont pour la première fois pouvoir demander des comptes sur les scandales à répétition qui ont coûté des milliards à la banque.
Dans un court communiqué, la banque a annoncé lundi la tenue d'une journée pour les investisseurs à Londres durant laquelle elle compte fournir une "mise au point sur sa revue stratégique du groupe".
Ce point avec les investisseurs, qui sera retransmis en téléconférence, interviendra dans les heures suivants la publication de ses résultats du troisième trimestre, d'ores et déjà grevés par 230 millions de dollars (198 millions d'euros) de charges découlant des récentes amendes et pénalités liées au Mozambique.
Dès son arrivée à la tête du Credit Suisse fin avril, Antonio Horta-Osorio, qui s'est bâti une solide réputation pour avoir redressé la banque britannique Lloyds, avait promis de remettre la gestion des risques au coeur de la culture de la banque et avait amorcé une revue stratégique du numéro du secteur bancaire helvétique.
«évalués, gérés et contrôlés»
Arrivé en pleine tourmente, alors que la banque a été éclaboussé en mars par la faillite de Greensill puis par l'implosion du fonds américain Archgos, Antonio Horta-Osorio s'était donné jusqu'à la fin de l'année pour finaliser et dévoiler sa vision stratégique afin de prendre le temps d'examiner "minutieusement" la façon dont les risques sont "évalués, gérés et contrôlés", avait-il expliqué début octobre.
Parmi les premières initiatives concrètes prises depuis son arrivée, le conseil d'administration a été renforcé avec l'élection de deux grands spécialistes de la gestion des risques, le Suisse Axel Lehmann, un ancien cadre dirigeant de la banque concurrente UBS, et l'Espagnol Juan Colombas, qui avait déjà travaillé à ses côté chez la banque Lloyds.
Mais avec les amendes de 475 millions de dollars qui lui ont été infligées en octobre par les autorités américaines et britanniques en lien avec ses activités au Mozambique, la pression est encore montée d'un cran.
Dans les jours suivant, l'agence de notation Fitch avait estimé que "les sérieuses lacunes dans la gouvernance d'entreprise" qui avait conduit à ces amendes mettaient en lumière "le besoin urgent pour le groupe de finaliser son programme destiné à renforcer le contrôle des risques".
La banque a commencé à remédier à "ses faiblesses", avait-elle concédé dans un commentaire de marchés, mais si Credit Suisse ne parvient pas à résoudre pleinement ces questions, sa notation à long terme pourrait se trouver sous pression, avait-elle prévenu.
Changement de culture
"Le montant de l'amende montre à quel point le manque de responsabilité a été grave jusqu'à présent", avait estimé l'organisation actionnariale Actares, exigeant désormais des "signes clairs" des changements promis.
"Les dirigeants ont promis un changement culturel. Il est temps d'entendre un signe clair de ce que Credit Suisse entend par responsabilité pour l'économie, la société et la place financière suisse", a déclaré à l'AFP cette organisation actionnariale.
Credit Suisse, numéro deux du secteur bancaire helvétique, a été secouée tour à tour en mars par la faillite de la société britannique Greensill dans laquelle quelque 10 milliards de dollars avaient été engagés par le biais de quatre fonds, puis par l'implosion du fonds américain Archegos qui a coûté quelque 5,5 milliards de dollars à la banque.
Puis s'y sont ajoutés les 475 millions de dollars de pénalités au terme d'un accord avec les autorités américaines et britanniques pour mettre fin aux poursuites liées aux crédits accordés à des entreprises d'État du Mozambique, au coeur d'un scandale de corruption.
Les pénalités n'ont pas été uniquement financières. Selon les termes de l'accord, la banque devra pendant trois ans venir faire le point avec le département américain de la justice au moins une fois par trimestre et lui soumettre chaque année un rapport sur ses efforts pour améliorer les questions de conformité.
La Finma, l'autorité de surveillance des marchés en Suisse, a de son côté imposé des restrictions temporaires quant aux opérations de crédit avec des pays financièrement faibles ou présentant un fort risque de corruption.