Najla, la fille d'Edward Saïd: «J'étais une fille à papa, et lui mon meilleur ami»

Najla Saïd, fille du célèbre auteur (Photo fournie).
Najla Saïd, fille du célèbre auteur (Photo fournie).
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Publié le Lundi 01 novembre 2021

Najla, la fille d'Edward Saïd: «J'étais une fille à papa, et lui mon meilleur ami»

  • C'est dans l'Upper West Side de Manhattan que Najla Saïd a passé son enfance; elle a alors traversé une crise d'identité en tant qu'Arabo-Américaine
  • Né dans les années 1930 de parents palestiniens dans la ville de Jérusalem, alors dominée par les Britanniques, Edward Saïd a acquis une renommée internationale

DUBAÏ: Le nom d'Edward Saïd restera gravé dans notre mémoire comme celui d'un écrivain dont les centres intérêt furent très diversifiés.

Né dans les années 1930 de parents palestiniens dans la ville de Jérusalem, alors dominée par les Britanniques, il a acquis une renommée internationale en tant qu'auteur, critique, professeur, homme de pensée, pianiste de talent, figure emblématique des études postcoloniales et fervent défenseur de la cause palestinienne.

Mais, pour sa fille unique, l'actrice, dramaturge et auteur de Looking for PalestineÀ la recherche de la Palestine»), Najla Saïd, il était simplement «papa».

Le premier souvenir que Najla garde de son père révèle combien elle était attachée à lui depuis son enfance.

«Je me souviens du jour où je saignais du nez; j'avais deux ou trois ans. Ma mère m'a demandé de m'allonger et de presser mon nez. Quand mon père est rentré du travail, j'ai sauté en criant “Papa!” et je me suis précipitée vers lui, avec le sang qui me coulait du nez», raconte-t-elle à Arab News lors d’une interview filmée. «Je n’ai pas pu retenir ma joie de le voir à la maison. Je l'aimais beaucoup, infiniment.»

C'est dans l'Upper West Side de Manhattan que Najla Saïd a passé son enfance; elle a alors traversé une crise d'identité en tant qu'Arabo-Américaine. Elle explique qu’elle avait l'impression d'être une étrangère dans cette école de filles huppée et peu cosmopolite.

«Personne ne me ressemblait et c'était très déroutant. Toutes mes amies étaient blondes et petites; elles se connaissaient toutes, parce qu'elles passaient les vacances dans la même région. C'est au Liban que j'ai vécu la plus grande partie de mon enfance. Je faisais des allers-retours avant d'avoir l'âge d'aller à l'école. Je suis née dans une famille nombreuse et chaleureuse, que j'adorais. À l'école, j'ai compris que j'étais différente», confie-t-elle.

Comme elle grandissait, la notoriété de son père s’est accrue. Pour la jeune fille, c'était quelque chose de gênant.

«On me disait souvent: “Comment as-tu grandi avec cet homme tout en ayant honte d'être Palestinienne?” C'était justement là le problème. Les gens ne se rendent pas compte que ce n’est que ces vingt dernières années que les Américains d'origine étrangère révèlent ouvertement leur ethnie. Auparavant, pour être américain, on devait se fondre dans la société.»

Devenue adulte, elle perçoit alors son père sous un jour différent.

Le chef-d’œuvre de Saïd, son ouvrage intitulé L'Orientalisme, révèle le regard dévalorisant que l'Occident portait jadis, à bien des égards, sur l'Orient, que ce soit à travers la littérature ou dans les représentations populaires.

Publié en 1978, ce livre reste d'actualité et compte parmi les œuvres lues par les étudiants de nombreuses universités dans le monde.

Les discours de M. Saïd étaient si captivants que, «lorsqu'il parlait, toute la salle était sous le charme et personne n'osait dire un seul mot», comme le rapporte l’un de ses amis proches.

«Après le 11-Septembre, dans les deux dernières années de sa vie, j'étais fière d'être sa fille. J’étais assez grande pour comprendre», confie Najla Saïd à Arab News.

À mesure que sa notoriété grandissait, ses détracteurs se montraient de plus en plus agressifs, se souvient-elle. Il était en danger. Il recevait des menaces de mort et un incendie a ravagé son bureau de l'université de Columbia, où il a enseigné pendant quarante ans.

Aux yeux de Najla, son père était un «avant-gardiste». «Les gens n'étaient pas prêts à entendre ce qu'il disait», affirme-t-elle.

Elle pense que son père a préparé le terrain pour que les gens affichent ouvertement leur identité plurielle. «Lors de mes premières années d'université, au début des années 1990, le politiquement correct [NDRL: discours ou comportement qui vise à bannir tout ce qui pourrait blesser les membres de catégories ou de groupes minoritaires en leur faisant sentir leur différence comme une infériorité ou un motif d'exclusion] a fait son apparition. On disait: “Je suis afro-américain, je suis asiatique-américain.” C'est mon père qui est à l'origine du terme “asiatique-américain”, notamment parce que qu'il avait jugé le terme “oriental” inapproprié.»

Najla et Edward se ressemblent à bien des égards: tout comme lui, elle est passionnée et se montre fantasque et expressive dans ses écrits. Elle garde jalousement en mémoire quelques-uns des moments fort qu'elle a vécus avec son père, par exemple en compagnie de géants de la littérature.

En 1993, le père et sa fille ont participé à la réunion d'un comité de l'Unesco à Paris. Ils ont rencontré l’écrivain italien Umberto Eco et le romancier colombien Gabriel Garcia Marquez.

Najla, jeune fille, en compagnie de son père, qui est aussi son «meilleur ami». (Photo fournie)

«Mon père me faisait visiter les lieux, quand Gabriel Garcia Marquez s'est approché de moi et m'a demandé, en français, lequel de ses livres j'avais lu. “Aucun”, ai-je répondu.  Marquez dit alors: “Je n'arrive pas à croire ce que cette fille m'a dit.” Il m’a pris par le bras et m’a lancé: “Je l'aime bien.” Mon père était si fier de moi!»

Aux yeux de Najla, son père était un gentleman, quelqu’un qui aimait tirer sur sa pipe en écoutant du Wagner. Il collectionnait les stylos et les cravates. Ses costumes en tweed étaient taillés sur mesure chez Savile Row, à Londres. Sociable et fidèle, il ne mâchait jamais ses mots.

Ami du poète palestinien Mahmoud Darwich, Edward Saïd désapprouvait le discours de Yasser Arafat. À l'antenne, il a débattu du conflit israélo-palestinien avec des chroniqueurs comme Charlie Rose et Tim Sebastian. La musique pop lui déplaisait, tout comme la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum. Pour lui, cette dernière donnait l'impression de se lamenter.

Passionné de musique classique, il a collaboré avec son ami Daniel Barenboim, le célèbre chef d'orchestre israélo-argentin. Ensemble, ils ont créé en 1999 le West-Eastern Divan Orchestra, composé principalement de musiciens arabes et israéliens. «À la fin de sa vie, il a dit que cet orchestre constituait son plus grand accomplissement», nous révèle Najla.

Elle raconte que son père l'a encouragée à poursuivre sa carrière dans les arts et qu'il l'a soutenue dans sa lutte contre l'anorexie, ses chagrins d'amour et son manque de confiance en soi. «Quand j'étais à l'université, je lui ai montré le brouillon de ma thèse de fin d'études. “Je suis vraiment stupide”, lui ai-je dit. Il m'a répondu dans une note écrite à la main: “Tu es beaucoup de choses, Naj. La stupidité n'en fait pas partie.”»

Le souvenir que Najla Saïd garde de son père est celui d'un homme tendre et aimant, qui consacrait du temps à sa famille. «Je ne me sentais en sécurité que lorsque j'étais avec ma mère [Mariam], mon père et mon frère [Wadie]. Comme si nous défiions le monde entier. Pour moi, la maison était ma famille», affirme-t-elle.

À ce jour, la notoriété de son père lui paraît surréaliste. «Le nombre de personnes qui le connaissent me surprend encore», déclare-t-elle. «Je suis retourné un jour à l'université de Princeton, une école huppée a majorité blanche, pour assister à une réunion d'anciens élèves. Un jeune Américain typique, qui voulait procéder à mon inscription, m'a demandé quel était mon nom de famille. “Saïd”, lui ai-je répondu. Il a répondu: “Oh, comme Edward!”»

Edward Saïd a révolutionné la façon dont le monde représentait les groupes ethniques. En 2015, une exposition consacrée à la mode, intitulée China : Through the Looking GlassChine: à travers le miroir») a été présentée au Metropolitan Museum. Son nom a été projeté sur le mur de l'entrée. «Les responsables du musée ont dit: “Nous devons faire attention à la manière dont nous le présenterons”», se souvient-elle. «Je n'aurais jamais imaginé que le nom de mon père apparaîtrait un jour sur le mur d'une exposition de mode.»

Mme Saïd trouve un réconfort dans le fait que son père reste vivant dans le cœur de beaucoup de gens. «Je sens que je ne suis pas seule. Quand je me trouve dans un endroit où je ne connais personne et que quelqu'un me dit qu'il le connaît, je me sens en sécurité; quelqu'un sait qui je suis et m'accepte.»

Najla n'avait que 17 ans lorsqu’on a diagnostiqué à M. Saïd une leucémie. C'était au début des années 1990. Il s'est courageusement battu jusqu'à sa mort, en 2003, six mois après l'invasion américaine de l'Irak.

«Il plaisantait en disant qu'il avait “décollé” au moment où les États-Unis ont envahi l'Irak», se souvient-elle. «C’était comme s'il disait: “C'est fini pour moi. Personne ne m'écoute plus. Il faut que je m'en aille.”»

Lorsque la maladie a ravagé le corps de Saïd, il a perdu du poids et sa voix est devenue rauque, se rappelle sa fille. Le feu qui l'animait ne l’a cependant pas quitté.

Vingt ans se sont écoulés depuis la mort d'Edward Saïd, et il continue à inspirer les peuples marginalisés aux quatre coins du monde. «Ses propos étaient universels et fondamentaux. Il parlait d'humanité avant tout», affirme-t-elle.

Saïd aurait eu 86 ans ce 1er novembre. Il aimait les anniversaires et appréciait qu'on lui offre des vêtements à cette occasion.

En ce jour si chargé d'émotions pour sa famille, Najla Saïd aimerait pouvoir parler encore à son père. «Perdre un parent est une épreuve douloureuse», confie-t-elle. «Il m’est difficile d’expliquer à quel point il me manque. J'étais une fille à papa, et lui mon meilleur ami. Qu'est-ce que je peux lui dire? “S'il te plaît, reviens.” Mais c'est absurde.»

Twitter: @aRTprojectdxb

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Quatre morts et 13 blessés dans un glissement de terrain en Algérie

Quatre personnes sont mortes et 13 autres ont été blessées dans un glissement de terrain à Oran, ville côtière de l'ouest de l'Algérie, ont annoncé les autorités dimanche. (AFP)
Quatre personnes sont mortes et 13 autres ont été blessées dans un glissement de terrain à Oran, ville côtière de l'ouest de l'Algérie, ont annoncé les autorités dimanche. (AFP)
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  • Quatre personnes sont mortes et 13 autres ont été blessées dans un glissement de terrain survenu à Oran, une ville côtière de l'ouest de l'Algérie, ont annoncé les autorités dimanche.
  • Les autorités n'ont pas commenté les raisons du glissement de terrain.

ALGER : Quatre personnes sont mortes et 13 autres ont été blessées dans un glissement de terrain survenu samedi soir à Oran, une ville côtière de l'ouest de l'Algérie.

Le glissement de terrain s'est produit samedi en fin de journée dans le quartier Hai Essanouber de la ville, a indiqué la protection civile.

Les quatre personnes décédées étaient âgées de 5 à 43 ans et les 13 autres victimes, âgées de 12 à 75 ans, ont subi des blessures diverses.

Les autorités n'ont pas commenté les raisons du glissement de terrain, qui, selon le ministère de l'Intérieur, « a provoqué l'effondrement de cinq maisons en tôle ».

Le ministère a déclaré que le bilan était « définitif » car personne n'est encore porté disparu à la suite du glissement de terrain.
 


Trêve à Gaza : « Un peu de progrès » lors d'une réunion jeudi à Doha, selon le Premier ministre qatari

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  • Le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, a affirmé dimanche avoir constaté « un peu de progrès » lors d'une réunion jeudi à Doha,
  • « Nous devons toutefois encore trouver une réponse à la question essentielle : comment mettre fin à ce conflit. C'est, à mon sens, le point clé de l'ensemble des négociations », a-t-il ajouté.

DOHA : Le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, a affirmé dimanche avoir constaté « un peu de progrès » lors d'une réunion jeudi à Doha, dans le cadre des efforts du médiateur qatari pour obtenir une trêve dans la bande de Gaza.

Interrogé lors d'une conférence de presse pour savoir s'il avait rencontré à cette occasion le chef du Mossad, David Barnea, comme l'ont rapporté des médias israéliens, M. Thani n'a pas confirmé l'avoir rencontré, mais a répondu : « Nous avons pu observer un peu de progrès jeudi. »

« Nous devons toutefois encore trouver une réponse à la question essentielle : comment mettre fin à ce conflit. C'est, à mon sens, le point clé de l'ensemble des négociations », a-t-il ajouté.

« La réunion de jeudi s’inscrit dans le cadre de ces efforts où nous essayons de trouver une percée », a déclaré le Premier ministre qatari, sans donner plus de détails. 

Le Hamas est « prêt à un échange de prisonniers (otages israéliens contre prisonniers palestiniens) en une seule opération et une trêve de cinq ans », a déclaré samedi l'un de ses responsables à l'AFP sous couvert d'anonymat.

Le mouvement avait rejeté une proposition israélienne le 17 avril, prévoyant notamment une trêve de 45 jours en échange du retour de dix otages vivants, captifs depuis le 7 octobre. Il réclame un accord « global » pour mettre fin au conflit.

Le Premier ministre qatari a indiqué dimanche que les efforts en cours portaient sur « le meilleur accord global possible qui mette fin à la guerre, permette la libération des otages et évite de diviser l'accord en plusieurs phases, car nous sommes déjà passés par ces phases ».  


Gaza : le ministère de la Santé du Hamas relève son bilan des morts depuis le début de la guerre

Un Palestinien se tient au-dessus de corps couverts, tués lors d'une frappe israélienne sur une école transformée en abri, à la morgue de l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza, le 23 avril 2025. (Photo Omar AL-QATTAA / AFP)
Un Palestinien se tient au-dessus de corps couverts, tués lors d'une frappe israélienne sur une école transformée en abri, à la morgue de l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza, le 23 avril 2025. (Photo Omar AL-QATTAA / AFP)
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  • e ministère de la Santé du Hamas a revu dimanche à la hausse son bilan de la guerre à Gaza après confirmation de la mort de plusieurs centaines de disparus, faisant désormais état de 52 243 personnes tuées dans le territoire palestinien.
  • « Un total de 697 martyrs ont été ajoutés aux statistiques cumulées, après finalisation et vérification de leurs données par le comité de suivi des personnes disparues », a indiqué le ministère dans un communiqué.

GAZA, TERRITOIRES PALESTINIENS : Le ministère de la Santé du Hamas a revu dimanche à la hausse son bilan de la guerre à Gaza après confirmation de la mort de plusieurs centaines de disparus, faisant désormais état de 52 243 personnes tuées dans le territoire palestinien depuis le 7 octobre 2023.

« Un total de 697 martyrs ont été ajoutés aux statistiques cumulées, après finalisation et vérification de leurs données par le comité de suivi des personnes disparues », a indiqué le ministère dans un communiqué.

« Le bilan total de l'agression israélienne s'élève à 52 243 martyrs et 117 639 blessés depuis le 7 octobre 2023 », a-t-il ajouté.

Jusqu'à présent, ces centaines de personnes étaient considérées comme portées disparues, a expliqué à l'AFP Khalil Al-Daqran, porte-parole de l'hôpital Al-Aqsa.

« Leurs familles les avaient signalés comme disparus, mais leurs corps ont ensuite été retrouvés sous les décombres ou dans des zones inaccessibles aux équipes médicales en raison de la présence de l'armée israélienne », a-t-il dit. 

« Pourquoi cela n'est-il pas annoncé au fil du temps ? Parce que le comité judiciaire publie son rapport à intervalles réguliers, et non quotidiennement. Ils suivent leur propre protocole de travail, et une fois leur rapport remis, il est officiellement adopté », a renchéri Ismail Al-Thawabta, un porte-parole des autorités du Hamas.

Israël a régulièrement mis en doute la crédibilité des statistiques du ministère de la Santé à Gaza, mais celles-ci sont jugées fiables par l'ONU.