PARIS : C'est un peu comme un hologramme musical: connecté à une tablette, le piano Spirio peut jouer des enregistrements tout seul, avec une acoustique haute définition telle qu'on se croirait à un concert en direct de Rubinstein ou d'Adele.
Dans le salon d'exposition parisien de Steinway & Sons -le fabricant de pianos qui a mis au point cette technologie- trônent deux modèles du piano dernière génération.
On sélectionne "La Lettre à Elise" de Beethoven, interprétée par le pianiste star Lang Lang. Dès les premières notes, les touches du piano, connecté à la tablette, s'activent pour répliquer le morceau, en respectant à la lettre le jeu de l'artiste.
"Il y a quelques années, je pensais qu'il était impossible de parvenir à une reproduction du son à 100%", confie Lang Lang, présent pour l'expérience. "Au début du processus de fabrication, j'avais essayé de tendre des pièges au piano en essayant de petites nuances, et ça les reproduisait", s'enthousiasme-t-il.
Un système d’électro-aimants activent des pistons sous le clavier, mettant en mouvement les touches pour reproduire l'interprétation du pianiste.
Un piano qui joue tout seul, ce n'est pas nouveau: le premier piano mécanique automatique date du XIXe siècle et on en trouve dans les westerns spaghetti ou dans les aéroports.
Mais ici, le but recherché est "d'aller technologiquement plus loin que le disque" en reproduisant exactement les phrasés, les fortissimos ou encore le jeu de pédales, explique Enzo Ungauer, directeur marketing de Steinway.
Sur le marché, le système le plus courant dispose de 127 nuances par touche. La technologie Spirio, elle, en a 1.020.
Avec la pandémie, la maison Steinway, fondée en 1853 et siégeant à New York, a constaté un intérêt accru pour le modèle Spirio qui représente déjà un tiers des pianos fabriqués.
Des mélomanes, pianistes amateurs et beaucoup de professionnels figurent parmi la clientèle de ce piano intelligent, qui coûte entre 130.000 et 230.000 euros.
Ce n'est pas la musique classique mais la pop qui vient en tête des plus de 4.000 morceaux du catalogue Spirio, où on retrouve aussi bien des enregistrements de Horowitz que de Billie Eilish.
En plus de cette reproduction haute définition, un modèle spécial permet aux pianistes et compositeurs de s'enregistrer grâce à des capteurs laser intégrés, puis de se réécouter et d'éditer leur interprétation.
Autre valeur ajoutée: ressusciter le patrimoine de grands pianistes aujourd’hui décédés, grâce à un logiciel qui permet d’échantillonner les enregistrements vidéos ou audios.
"L'intérêt pour moi, c'est de pouvoir étudier comment Horowitz ou Glenn Gould interprétaient tel morceau, rien qu'en regardant les touches et les pédales", explique Lang Lang.
Si le but est "l'immersion totale", "comme si Lang Lang jouait chez nous", Steinway balaie rapidement l'idée qu'une telle performance puisse se substituer à un concert en direct.
"La magie d'un concert dans une salle, ça, c'est impossible à reproduire", souligne M. Ungauer.