WASHINGTON: Le grand moment semble arrivé pour la banque centrale américaine: elle devrait annoncer la réduction du soutien qu'elle apporte aux marchés depuis le début de la crise, signe d'une reprise solide, et alors que l'inflation s'annonce plus tenace que prévu.
Tous les signaux sont au vert, pour que le comité monétaire de la Réserve fédérale (Fed), qui se réunit mardi et mercredi, décide de commencer à réduire ses achats d'actifs. Objectif: les ramener de 120 milliards de dollars par mois actuellement, à zéro d'ici le milieu de 2022.
La question "n'est pas si, mais à quelle vitesse, la Fed va (les) réduire", a ainsi commenté Kathy Bostjancic, économiste pour Oxford Economics.
Depuis mars 2020, la Fed inonde le marché de liquidités, en achetant chaque mois 80 milliards de bons du Trésor et 40 milliards de MBS (mortgage-backed securities), des produits financiers adossés à des prêts immobiliers.
Cela a permis d'éviter qu'une crise financière ne vienne se superposer à la crise économique, en fluidifiant le crédit et poussant les taux longs à la baisse. In fine, cela permet aux ménages de continuer à consommer, et aux entreprises de continuer à fonctionner et investir.
Mais, maintenant que la reprise économique est sur les rails, la Fed veut réduire progressivement ce soutien.
Inflation
D'autant qu'un autre risque guette désormais: celui d'une inflation plus forte et plus durable que prévu, à cause des perturbations sur la chaîne mondiale d'approvisionnement couplée à une forte demande des consommateurs.
La hausse des prix sur un an a accéléré à 4,4% en septembre, au plus haut depuis 1991. Mais, comparée au mois précédent, elle est stable, à 0,3%.
Jusqu'à présent, le président de la Fed, Jerome Powell, a estimé que cette inflation était temporaire, mais resterait à un niveau élevé pendant encore plusieurs mois.
"Bien que la Fed ait été disposée à tolérer" l'inflation, les risques "nécessiteront une réponse plus tôt que la Fed ne l'anticipait", a relevé Tim Duy, professeur d'économie à l'Université de l'Oregon, dans un entretien à l'AFP.
Autrement dit, la Fed devra sans doute, selon lui, commencer plus tôt que prévu à relever ses taux directeurs.
Or, ses responsables veulent attendre d'avoir ramené à zéro les achats d'actifs, avant d'envisager de relever les taux, qui sont depuis mars 2020 dans une fourchette de 0 à 0,25%.
Certaines banques centrales ont déjà franchi le pas - en Norvège, Nouvelle-Zélande, au Brésil, ... La Banque centrale européenne (BCE), en revanche, a maintenu ses mesures de soutien, sa présidente Christine Lagarde demandant même à d'"être patients".
A quel rythme ?
En temps normal, une inflation forte et durable aurait déclenché une hausse des taux de la part de la Fed. Mais la reprise économique post-pandémie n'a rien d'habituel, et l'institution rechigne, craignant que cela pèse sur le marché de l'emploi qui lui n'est pas encore remis de la crise.
Ce dilemme devrait être au coeur de sa réunion: "il va y avoir un débat en interne", quant au rythme de la réduction des achats d'actifs, avertit Steve Englander, responsable de la macro-économie américaine pour Standard Chartered, et ancien économiste à la Fed.
D'un côté, explique-t-il, les "faucons monétaires", partisans d'une politique plus stricte, qui "veulent une marge pour accélérer, si l'inflation ne diminue pas". Autrement dit, ils veulent terminer la réduction des achats d'actifs le plus vite possible, pour pouvoir rapidement commencer à relever les taux directeurs.
En face, les "colombes" qui "disent +nous pouvons nous permettre d'attendre et voir comment les choses s'arrangent+", pour ne pas compromettre la reprise économique.
Le président américain Joe Biden compte sur quelque 3 000 milliards de dollars d'investissements en dépenses sociales et environnementales, et pour les infrastructures, pour assurer une croissance à long terme.
Ces plans font craindre une nouvelle poussée d'inflation. L'administration Biden assure au contraire qu'ils vont contribuer à faire ralentir les prix en accroissant le potentiel de croissance de l'économie américaine.
La Maison Blanche n'a par ailleurs toujours pas annoncé si elle maintenait Jerome Powell à la tête de la Fed pour un second mandat de quatre ans à partir de février, ou si elle décidait de le remplacer.