Une initiative dirigée par l'Arabie saoudite étudie l'impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire

Un berger éthiopien s'occupe de son troupeau. (Photo fournie/ILRI)
Un berger éthiopien s'occupe de son troupeau. (Photo fournie/ILRI)
Short Url
Publié le Dimanche 31 octobre 2021

Une initiative dirigée par l'Arabie saoudite étudie l'impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire

  • Pendant que les leaders mondiaux se préparent pour leur réunion à Glasgow pour la COP26, les données et la technologie sont utilisées pour se préparer aux chocs climatiques
  • En septembre, la Community Jameel a annoncé la création de l'Observatoire Jameel pour l'action précoce en matière de sécurité alimentaire

DUBAÏ : Une organisation basée en Arabie saoudite s'est associée à des chercheurs et à des agences humanitaires de premier plan pour exploiter la puissance des données et de la technologie dans l'espoir d'empêcher les chocs climatiques de provoquer la faim parmi les communautés d'éleveurs vulnérables. 

La Community Jameel a annoncé en septembre la création de l'Observatoire Jameel pour prendre des mesures précoces en matière de sécurité alimentaire de manière à lutter contre la menace croissante qui pèse sur ces communautés à cause des catastrophes climatiques qui sont de plus en plus graves et fréquentes.

Son lancement a coïncidé avec les préparatifs de la COP26, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui débute dimanche à Glasgow. Les leaders mondiaux se réuniront dans la ville écossaise pour discuter d'une action collective sur les émissions de carbone, les combustibles fossiles et d'autres initiatives visant à empêcher les températures mondiales d'augmenter de 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, un objectif fixé par l'Accord de Paris en 2015. 

Le nouveau projet combine l'expertise de cinq partenaires, dont l'Université d'Édimbourg, l'Institut international de recherche sur l'élevage, Save the Children, Abdel Latif Jameel Poverty Action Lab et Community Jameel.

La hausse des températures signifie que les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, privant le bétail de sources d'eau bonnes et transformant des pâturages autrefois fertiles en désert. En enregistrant les changements au niveau local, l'observatoire vise à aider les communautés à s'adapter et à se préparer avant que la catastrophe ne frappe.

«Community Jameel s’est longtemps concentré sur la question de la sécurité alimentaire et, en particulier, sur la façon dont le changement climatique exerce une pression sur l’accès à une nourriture saine et abondante», a déclaré à Arab News George Richards, directeur de Community Jameel. «Mais nous avons progressivement constaté une augmentation des besoins et de la pression sur l'accès à la nourriture, à cause des pressions croissantes du changement climatique».

Community Jameel, une organisation non gouvernementale internationale, a été lancée pour s'attaquer à plusieurs problèmes les plus urgents au monde en utilisant une approche fondée sur les preuves, la science, les données et la technologie. En 2014, elle a créé un établissement au Massachusetts Institute of Technology, appelée Jameel Water and Food Systems Lab, qui se concentre sur le développement de nouvelles technologies et solutions pour l'eau potable et la sécurité alimentaire.

«Nous sommes revenus à nos racines et avons réfléchi à la manière dont nous pouvons soutenir les chercheurs et les scientifiques qui utilisent efficacement les données et la science pour surveiller, prévoir et donner des alertes précoces sur les épidémies de faim, de famine et d'autres facteurs de malnutrition, en particulier lorsque ceux-ci sont le résultat du changement climatique», a expliqué Richards.

img
Des bergers éthiopiens s'occupent de leur troupeau. (Photo fournie/ILRI)

Le partenariat de l'observatoire combine une technologie de pointe et une surveillance des données dans le but de détecter les signes précis d'événements météorologiques violents et de changement climatique systémique avec des applications et des interventions communautaires. 

L'Observatoire Jameel collabore avec des agences qui travaillent avec les agriculteurs afin de développer et appliquer des outils numériques et analytiques qui peuvent aider les agriculteurs à façonner leur propre sécurité alimentaire, leur nutrition et leurs moyens de subsistance.

Les chercheurs prévoient l’utilisation des données au niveau communautaire ainsi que des satellites, des drones, des données météorologiques et la télédétection pour comprendre, se préparer et atténuer les effets probables des chocs climatiques.

Le premier projet de l'observatoire vise à combler les lacunes en matière de preuves qui empêchent actuellement une action efficace basée sur des prévisions de manière à protéger les moyens de subsistance et la nutrition dans certaines parties de l'Afrique de l'Est.

Alors que le changement climatique occupe le devant de la scène à la COP26, l'accent a été mis sur la nécessité d'être tout à fait préparé aux vulnérabilités, aux chocs et aux stress provoqués par le changement climatique. 

Les terres arides représentant environ 40% de la masse terrestre mondiale, de nombreuses communautés sont menacées par la fluctuation des précipitations, la sécheresse, la hausse des températures et la dégradation des terres.

«Dans un monde de plus en plus touché par le changement climatique, il est urgent de prévoir l'impact des sécheresses et des phénomènes météorologiques violents sur la faim et la malnutrition, et d'agir tôt pour prévenir la perte de vies», a déclaré Joanne Grace, responsable de la faim et des moyens de subsistance à l'organisation humanitaire Save the Children, à Arab News.

«Bien faire les choses serait monumental pour la santé des enfants pour les décennies à venir. L'Observatoire Jameel vise à faire en sorte qu'agir tôt pour prévenir les crises alimentaires devienne la norme plutôt que l'exception».

Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, les écosystèmes des zones arides abritent environ 25% de la population mondiale, contiennent la moitié du bétail du monde et 27% de ses forêts, tout en stockant 30% du carbone organique du sol et fournissent environ 60% de la production alimentaire.

Cependant, le changement climatique entraîne des périodes de sécheresse plus longues et une désertification accélérée dans les zones arides. Cela affecte la biodiversité et la couverture végétale, ce qui à son tour réduit la fertilité des sols et nuit à l'alimentation, à la nutrition et à la sécurité humaine.

«Le changement climatique peut donc pousser des écosystèmes déjà fragiles et des communautés locales au-delà de leur capacité d'adaptation, entraînant des déplacements forcés, une augmentation des migrations et des tensions liées à l'accès et à l'utilisation des ressources naturelles», a déclaré la FAO dans un document publié lors du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires à New York en septembre.

img 4
Un agriculteur récolte des légumes à feuilles dans un champ de la chaîne de montagnes de Jebel Jais, à Ras Al Khaimah, le 24 janvier 2021. (Photo, AFP/Archives)

L'Observatoire Jameel examine la relation entre le changement climatique et la santé pour tenter d'atténuer la menace de la hausse des températures en tant que élément moteur de la faim et de la famine. L'organisation s'est associée à Aeon, un groupe de réflexion basé à Riyad, pour coordonner leurs efforts et réunir des chercheurs en Arabie saoudite et à l'étranger afin d’examiner cette relation.

«Il y a beaucoup de recherches externes sur les risques que l'accélération du changement climatique imposera, en particulier dans les endroits qui ont des climats naturellement chauds et humides, notamment les pays du Golfe», a souligné Richards. 

«Ce qu'ils appellent l'augmentation de la «température humide», qui est la mesure combinée de la chaleur et de l'humidité, pourrait rendre certaines parties du golfe inhabitables dans quelques années. Mais il y a très peu de recherches qui sont réellement effectuées par ou avec des chercheurs dans les pays du Conseil de coopération du Golfe».

C'est pourquoi l'initiative a en outre réuni des chercheurs de l'Université des sciences et technologies Roi Abdallah, le Centre d'études et de recherche sur le pétrole du Roi Abdallah, le Massachusetts Institute of Technology (MIT), Abdel Latif Jameel Poverty Action Lab, Jameel Water and Food Systems Lab et l'Imperial College de Londres pour éclaircir la relation entre la santé et le changement climatique dans la région du CCG. Leurs conclusions sont attendues en avril 2022.

En parallèle, Community Jameel co-organisera un événement dans le pavillon saoudien de la COP26 en partenariat avec Aeon, au cours duquel les chercheurs présenteront certaines de leurs conclusions intermédiaires. Outre l'Observatoire Jameel, il accueillera ainsi des représentants d'organisations de Nairobi, du Royaume-Uni et des États-Unis, en collaboration avec Cooking Sections, un duo artistique basé à Londres qui a été nominé pour le Turner Prize 2021.

«Leur pratique artistique est axée sur la question de l'alimentation et de la durabilité », a indiqué Richards. «Donc, la communauté Jameel, Cooking Sections et les chefs de Michelin Star se réunissent pour co-organiser une expérience gastronomique culinaire afin de souligner l'importance des systèmes alimentaires durables, qui est au cœur de ce que l'Observatoire Jameel essaie de faire en termes d'exploitation des données afin de rendre les systèmes alimentaires plus efficaces et atténuer les risques de recrudescence de famine et de faim.

img 6
La hausse des températures signifie que les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, privant le bétail de sources d'eau bonnes et transformant des pâturages autrefois fertiles en désert. (AFP/Fichier Photo)

Richards a de plus souligné la saison d'ouverture de Hayy Jameel, la nouvelle plateforme d'Art Jameel à Djeddah qui doit ouvrir ses portes le 6 décembre, et qui mettra fortement l'accent sur les questions liées à la nourriture. 

«Il y a quelque chose de si fondamental dans la façon dont la société humaine a tendance à se construire autour de la nourriture, que même l'acte communautaire le plus élémentaire est centré sur la rupture du pain ou le repas ensemble », a soutenu Richards.

«Au moment où nous sommes confrontés à de plus grands défis, que ce soit à cause de la pandémie de la Covid-19 ou du changement climatique, il est de plus en plus nécessaire que l'humanité se serre les mains et travaille ensemble pour relever ces défis.

«Pour nous, c'est vraiment à notre nom. Nous sommes tous axés sur la communauté et nous pensons que la nourriture est au cœur de cette communauté. Donc, nous assurer que les gens partout dans le monde ont accès à une nourriture saine et abondante est vraiment au centre de nos démarches».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Short Url
  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

Short Url
  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

--
Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

--
Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com