ROME : Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est plaint samedi auprès de la cheffe de l'exécutif européen Ursula von der Leyen des menaces "complètement injustifiées" de Paris à propos des licences de pêche, Londres envisageant "activement" pour la première fois une procédure.
Cette nouvelle montée des tensions intervient à la veille d'une rencontre prévue dimanche entre Boris Johnson et le président français Emmanuel Macron et au lendemain de la convocation par Londres de l'ambassadrice de France Catherine Colonna.
Lors d'une rencontre avec Ursula von der Leyen samedi au sommet du G20 à Rome, Boris Johnson a fait part selon Downing Street de ses "préoccupations à propos de la rhétorique du gouvernement français" sur ce sujet inflammable entre la France et le Royaume-Uni.
De son côté, Ursula von der Leyen a tweeté que la Commission était "intensément engagée pour trouver des solutions".
La France reproche au Royaume-Uni d'accorder trop peu de licences post-Brexit à ses pêcheurs. Elle a promis faute d'amélioration d'interdire dès mardi aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français et de renforcer les contrôles douaniers de camions.
Loin de s'apaiser avant le G20, la tension est encore montée vendredi avec la menace de Londres de mettre en œuvre des "contrôles rigoureux" sur les bateaux européens frayant dans ses eaux, si Paris met effectivement ses menaces à exécution.
Pour la photo de famille du G20, Boris Johnson est arrivé en saluant Emmanuel Macron d'une manière exagérément combative, mais les deux hommes n'ont pas semblé se parler. Ils doivent le faire dimanche en tête-à-tête.
Le président français a estimé dans une interview au Financial Times que la "crédibilité" du Royaume-Uni est en jeu.
«Accessoire»
L'accord post-Brexit, conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à certaines conditions.
Londres affirme avoir accordé 98% des demandes de licences de navires de l'UE pour pêcher dans ses eaux, un chiffre contesté par la France, qui parle de 90%.
Boris Johnson a indiqué samedi qu'il était prêt à activer pour la première fois un outil de règlement des conflits prévu dans les accords post-Brexit avec l'UE.
"Non, bien sûr que non, je ne l'exclus pas", a déclaré M. Johnson à la chaîne Sky News en marge du G20. "S'il y a une violation du traité ou si nous pensons qu'il y a une violation du traité, alors nous ferons ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts britanniques".
"Mais je crois que ce que tout le monde veut, c'est la coopération entre les alliés européens et Emmanuel Macron", a-t-il ajouté.
Dans une série de tweets, le secrétaire d'Etat britannique chargé du Brexit, David Frost, a renchéri en précisant que Londres envisage "activement" de lancer la procédure de résolution des différends.
Il a appelé l'Union européenne et la France à renoncer à la "rhétorique et aux actions qui rendent la situation plus difficile", faisant part de l'"inquiétude" et la "surprise" de Londres face aux termes employés par le Premier ministre français Jean Castex dans une lettre à Ursula von der Leyen, qui a fait vivement réagir à Londres.
Dans ce courrier révélé par Politico, le chef du gouvernement français estime qu'il est "indispensable de montrer clairement aux opinions publiques européennes que le respect des engagements souscrits n'est pas négociable et qu'il y a davantage de dommages à quitter l'Union européenne qu'à y demeurer".
Dans ce contexte, un bateau britannique soupçonné de pêche illégale dans les eaux françaises était toujours à quai au Havre samedi dans l'attente du versement de 150.000 euros de caution. Son capitaine doit être jugé en août prochain.
Avant l'ouverture de la COP26 sur le climat dimanche à Glasgow, Boris Johnson a estimé que le conflit sur la pêche "est franchement du pipi de chat, accessoire, en comparaison avec la menace contre l'humanité à laquelle nous sommes confrontés".