ROME : Les grands de ce monde, réunis au G20 à Rome pour affronter la pandémie et le réchauffement climatique, n'en ont pas pour autant perdu le sens de l'humour et l'amour de la bonne chère.
A l'occasion de ce sommet entouré de mesures de sécurité paralysant la capitale italienne, les caméras étaient notamment braquées sur le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Joe Biden, qui se sont retrouvés vendredi pour la première fois en tête à tête depuis l'affaire des sous-marins australiens.
M. Macron a aussi eu maille à partir ces dernières semaines avec Boris Johnson sur les droits de pêche post-Brexit. Le Premier ministre britannique, arrivé en retard pour la photo de famille, a fait mine de bousculer le président français, mais ils ne sont pas adressé la parole.
M. Johnson s'est montré plus aimable avec le président américain, auquel il a lancé familièrement "Hey, Joe!" en prenant sa place.
M. Macron a chaleureusement serré des deux mains celle tendue de M. Biden, avant de lui donner une tape familière sur le bras. Selon un responsable de la Maison Blanche, Paris et Washington se sont réconciliés et les discussions à venir entre Paris et Washington s'annoncent "enthousiasmantes".
Sur une photo prise vendredi, on voit M. Biden assis et penché vers M. Macron, serrant négligemment sa main posée sur sa cuisse. A défaut de calumet de la paix, les deux présidents, accompagnés de leurs épouses Jill et Brigitte, ont dîné vendredi dans un petit restaurant près du Tibre.
Pour la première fois, la photo de famille du G20 a été ouverte à des médecins et pompiers, en première ligne lors de la pandémie, une initiative qualifiée d"idée merveilleuse" par la chancelière allemande Angela Merkel.
Du côté latino-américain aussi, l'heure était à l'apaisement. Les présidents argentin et brésilien, Alberto Fernandez et Jair Bolsonaro, ennemis jurés sur le terrain politique, ont échangé quelques piques footballistiques.
"Vous ne m'avez pas encore félicité pour le triomphe de l'Argentine à la coupe des Amériques", a lancé Fernandez à Bolsonaro, qui avait publiquement prédit que le Brésil battrait l'Argentine 5-0 en finale.
- Risotto de citrouille -
Samedi soir, tous les chefs d'État et de gouvernement présents sont invités à dîner par le président de la République italienne Sergio Mattarella dans le cadre somptueux du palais du Quirinal, ancienne résidence des papes et des rois d'Italie dotée d'une vue à couper le souffle sur la Ville éternelle.
Au menu: saumon, risotto de citrouille et artichauts farcis. Avant ce dîner de gala, les épouses et époux des dirigeants devaient avoir le privilège d'une visite privée de la chapelle Sixtine au Vatican pour admirer les fresques de Michel-Ange.
Jusqu'ici, pas d'accroc à la sécurité du gratin mondial, si ce n'est un accident mineur causé vendredi par l'une des 84 voitures transportant la délégation américaine. "Pas de blessés graves", a aussitôt rassuré la Maison Blanche.
Le centre historique de Rome est paralysé par les mesures drastiques de sécurité mises en place pour ce G20, notamment dans le quartier périphérique de l'Eur, où se tiennent les réunions des dirigeants à l'intérieur d'un bâtiment ultra-moderne baptisé "Le nuage" et signé de l'archistar Massimiliano Fuksas.
La zone centrale de ce quartier à l'architecture grandiose, voulu par le dictateur Benito Mussolini pour glorifier le fascisme, est complètement bouclée et ses grandes avenues sont quasiment désertes.
De l'autre côté de la ville, une manifestation animée par un groupe reprenant des chansons du groupe ABBA réclamait aux dirigeants du G20 de l'argent pour aider les pays pauvres à lutter contre le réchauffement climatique. Reste à savoir si leurs chants sont arrivés jusqu'aux oreilles de leurs destinataires.
Au G20, Xi et Poutine demandent une reconnaissance mutuelle des vaccins
Xi Jinping et Vladimir Poutine ont plaidé samedi au sommet du G20 pour une reconnaissance mutuelle des différents vaccins anti-Covid disponibles, en particulier entre pays membres du groupe des 20 grands pays industrialisés dont font partie la Chine et la Russie.
Les présidents chinois et russe sont les deux grands absents du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du G20, réunis ce week-end à Rome. Leurs discours ont été diffusés par visioconférence.
"Malgré les décisions du G20, tous les pays qui en ont besoin ne peuvent pas avoir accès aux vaccins" anti-Covid, a relevé Vladimir Poutine, dont la déclaration a été retransmise par la télévision publique russe.
"Cela est notamment dû à la concurrence déloyale, au protectionnisme" et au fait "que certains Etats, notamment ceux du G20, ne sont pas prêts à une reconnaissance mutuelle des vaccins et des certificats de vaccination", a-t-il fustigé.
La Russie, a-t-il fait valoir, "a été le premier pays du monde à homologuer un vaccin contre le Covid-19, le Spoutnik V", déjà approuvé dans 70 pays, et "il fait preuve d'un haut niveau de sécurité et d'efficacité".
Depuis Pékin, le président Xi a lui aussi demandé "la reconnaissance mutuelle des vaccins", selon ses propos rapportés par la télévision d'Etat CCTV.
Les vaccins chinois Sinopharm et Sinovac sont utilisés respectivement dans 70 et 37 pays et territoires, dont plusieurs pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie, selon un décompte de l'AFP.
- Des disparités abyssales -
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a homologué Sinopharm et Sinovac (le vaccin russe est toujours sous examen), mais ni les Etats-Unis ni l'Agence européenne des médicaments n'ont homologué les vaccins chinois, pas plus que le russe.
Au sein du G20, le dernier pays en date à avoir rejeté le vaccin russe est l'Afrique du Sud, dont l'agence du médicament a invoqué mi-octobre un risque accru pour les hommes vaccinés de contracter le VIH, ce que conteste le centre russe Gamaleya, qui a développé le Spoutnik V.
De leur côté la Russie et la Chine ne reconnaissent aucun vaccin étranger.
MM. Xi et Poutine ont été retenus dans leurs pays en raison de la situation sanitaire qui, bien que très différentes, préoccupent les autorités.
Pays d'Europe le plus endeuillé par le virus avec 8.472.797 cas de coronavirus et 237.380 décès, la Russie a enregistré jeudi 1.159 décès et 40.096 infections, son bilan quotidien le plus lourd depuis le début de la pandémie.
Seuls 32,5% des quelques 144 millions de Russes sont totalement vaccinés, d'après les chiffres officiels.
Quant à la Chine, à moins de 100 jours des Jeux olympiques d'hiver de Pékin, elle a déployé les grands moyens pour éradiquer une flambée épidémique très limitée ces derniers jours dans le nord du pays.
Mardi, la grande ville de Lanzhou, située à 1.700 km à l'ouest de Pékin, a placé en quarantaine ses 4 millions d'habitants, invités à rester chez eux sauf nécessité impérieuse, à la suite de la découverte de quelques dizaines de cas.
A l'ouverture du sommet du G20, le chef du gouvernement italien Mario Draghi a indiqué que l'objectif de l'OMS de vacciner 40% de la population mondiale en 2021 était "très proche".
"Maintenant nous devons faire ce que nous pouvons pour atteindre les 70% d'ici la mi-2022", a-t-il dit.
Les disparités de vaccination restent abyssales, selon lui: 70% des populations des pays développés sont vaccinées, contre 3% dans les plus pauvres. "Ces différences sont moralement inacceptables et nuisent à la relance économique", a-t-il déploré.