Washington: L'ambitieux plan de Joe Biden en faveur des familles et de l'environnement restait bloqué vendredi au Congrès, privant le président américain du succès qu'il espérait avant le début de la COP26.
Le vaste plan, baptisé "Build Back Better" ("Reconstruire en mieux"), est une promesse de campagne qui prévoit de transformer en une décennie les secteurs de l'éducation, la santé et la lutte contre le changement climatique.
"Je sais que nous avons le cadre d'un plan économique historique", a affirmé jeudi le président, après avoir rencontré les élus de son parti à la Chambre des représentants qui lui ont offert un soutien de principe.
Les démocrates, qui contrôlent la chambre basse, vont désormais étudier les détails des 2.500 pages du plan dans les prochains jours.
Mais ce sera trop tard pour Joe Biden, qui souhaitait arriver lundi au sommet international sur le climat à Glasgow (Ecosse) avec en poche la ratification du "plus grand investissement jamais réalisé pour faire face à la crise climatique", selon lui.
Mike Vandenbergh, spécialiste du droit environnemental à l'Université Vanderbilt à Nashville, estime toutefois que la victoire de M. Biden face à Donald Trump l'année dernière était en soi "un message important au monde que les États-Unis se soucient du changement climatique".
- «Enorme pas en avant» -
Le plan prévoit, entre autres, d'investir 550 milliards de dollars pour réduire à l'horizon 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52% par rapport aux niveaux de 2005. Par cet engagement et le retour des États-Unis dans l'Accord de Paris après la parenthèse Trump, M. Biden veut redonner à l'Amérique un rôle de pointe dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.
Le plan promet aussi des cadeaux fiscaux aux particuliers pour passer aux énergies propres (panneaux solaires, éoliennes, voiture électrique) et aux entreprises pour accroître leur compétitivité dans les technologies vertes.
C'est "un énorme pas en avant pour réaliser les objectifs du président Biden sur le climat", s'est félicité Sheldon Kimber, patron de la société spécialisée Intersect Power, espérant que le Congrès "trouve la volonté de voter" le texte.
D'autant que son adoption est censée déclencher celle d'un autre plan de 1.200 milliards de dollars d'investissements dans les infrastructures (routes, ponts, transports...), également une promesse de campagne du président démocrate.
La loi "Build Back Better" fait l'objet de difficiles négociations internes depuis plusieurs mois, les modérés et progressistes se déchirant sur le montant total de la facture et les dimensions de la réforme.
Deux sénateurs centristes, Kyrsten Sinema et Joe Manchin, s'opposaient à une première version du plan.
Leurs votes sont indispensables car la majorité démocrate au Sénat est si ténue qu'une seule voix dissonante équivaut à un veto.
Pour les convaincre, le texte a été expurgé et son montant a été ramené à 1.750 milliards de dollars sur une décennie, soit moitié moins qu'annoncé initialement.
Les deux élus n'ont toutefois pas dit explicitement s'ils soutiendraient le texte proposé.
- Réalité -
Ces concessions sont aussi dénoncées par l'aile gauche du parti, qui réclamait de plus amples réformes.
Les élus progressistes de la Chambre bloquent l'adoption finale de la loi sur les infrastructures, approuvée par le Sénat en août, assurant vouloir voter les deux textes ensemble car "ils font partie du même programme".
"Nous allons nous mettre au travail immédiatement pour finaliser et voter les deux textes de loi en même temps à la Chambre", a affirmé jeudi le groupe des progressistes.
Un de ses dirigeants, Ro Khanna, a toutefois indiqué jeudi soir sur CNN être "tout à fait assuré" que les progressistes voteraient le texte, pourquoi pas dès la semaine prochaine.
"Nous voulions un paquet de 3.500 milliards de dollars mais nous comprenons la réalité de la situation," a aussi admis la patronne du groupe, Pramila Jayapal, à des journalistes.
Pour Joe Biden, ces deux textes détermineront le succès de son mandat, et notamment le résultat des élections parlementaires partielles de 2022.
Et Mike Vandenbergh a estimé que la loi - même expurgée - devrait être suffisante pour permettre à Washington d'atteindre ses objectifs en matière d'émissions, surtout si le président a le soutien du secteur privé.
Fumigènes, inondations et Covid, Glasgow s'apprête à accueillir la COP26
GLASGOW, Royaume-Uni : Sous la bruine, un groupe de militants américains pour le climat lancent des fumigènes: théâtre d'une COP26 cruciale pour l'avenir de la planète, la ville écossaise de Glasgow s'apprête à accueillir dirigeants et manifestants du monde entier.
Le nuage de fumée qui s'élève s'adresse aux chefs d'Etats et de gouvernements attendu au sommet de l'ONU qui commence dimanche.
Les manifestations vont crescendo à mesure que les délégués qui participent à la COP arrivent à Glasgow, toujours à la recherche d'un retour à la normale après les confinements infligés par la pandémie de coronavirus.
"Je suis très fière que la COP se tienne à Glasgow", explique Isabelle Barkley, une habitante qui se dirige d'un pas tranquille vers les manifestants installés à George Square, en plein centre.
Sur la place, elle a vu parler au fil des ans Nelson Mandela, ainsi que d'innombrables rassemblements pour l'indépendance écossaise ou encore des manifestations du mouvement Black lives matter.
Dans les deux prochaines semaines, la place sera le point de ralliement de militants pour le climat. Ils seront jusqu'à 100.000 à s'y retrouver lors d'une grande manifestation prévue le 5 novembre, estiment les organisateurs.
"On a besoin d'être positifs, se rappeler qu'on peut tous faire quelque chose. Manger moins de viande, acheter moins de plastique", souligne Isabelle Barkley.
De fortes pluies ont rincé la ville, où plus de 100 dirigeants sont attendus, parmi lesquels le président américain Joe Biden.
Comme un rappel que la menace est déjà bel et bien là, nombre de rues du centre sont inondées. Par mesure de sécurité, la police a bloqué un large périmètre autour du Scottish Campus Event qui accueillera l'événement, près des bords de la rivière Clyde, perturbant le quotidien des habitants.
Beaucoup d'entre eux s'inquiètent que l'événement ne donne lieu à une poussée des cas de Covid-19, alors que le Royaume-Uni connaît déjà actuellement l'un des plus forts taux de contamination au monde.
Selon Devi Sridhar, professeure de santé publique à l'université d'Edimbourg, membre du groupe chargé de conseiller le gouvernement écossais au sujet du coronavirus, le sommet, qui doit accueillir 25.000 délégués de 200 pays, intervient au pire moment.
Il risque selon elle d'être à l'origine d'un nouveau pic et du retour de restrictions cet hiver.
- «Un échec et du bidon» -
"Je peux me tromper (et je l'espère)", mais "un événement de masse (avec des allées et venues de gens) avec un virus contagieux entraînera une augmentation des cas", a-t-elle tweeté.
Une poussée de l'épidémie "pèsera sur le service de santé" et "nécessitera de nouvelles restrictions", souligne-t-elle.
Shaun Clerkin, un habitant de Glasgow de 60 ans observant les manifestants américains jeter leur fumigènes, s'attend au pire.
"Pour être franc, je pense que la COP26 sera un échec et du bidon", pense-t-il.
Selon lui, les organisateurs empiètent sur la vie de tous les jours des habitants, isolant les visiteurs des problèmes sociaux bien réels de la ville.
"On a des sans-abri dans nos rues", souligne-t-il, "on a plein de gens qui vivent dans des hébergements provisoires, des hôtels et des bed and breakfast. Ils vivent dans des installations bien en dessous des normes".
"Mais en fin de compte, la municipalité veut cacher les sans-domicile et les pauvres des délégués de la conférence", fait-il valoir.
Mais pour les militants sur George Square, il n'y a qu'un seul combat qui compte.
"L'issue de la COP26 ici à Glasgow n'est pas moins que la vie ou la mort de gens partout dans le monde", explique Andrew Nazdin, l'organisateur de la manifestation.
"Il faut que les dirigeants du monde entier se mobilisent", poursuit le jeune homme de 33 ans.
Selon lui, chefs d'États et de gouvernement ont une chance en or pour agir, et les manifestants seront là, pour le lui rappeler "haut et fort".
COP26: à quoi s'engage la Chine?
PÉKIN : In extremis, la Chine a dévoilé ses nouveaux engagements climatiques juste avant l'ouverture de la conférence de l'ONU à Glasgow (COP26). Voici un aperçu des promesses du premier pollueur mondial:
Que promet Pékin?
Dans sa nouvelle "contribution nationale" dévoilée jeudi, la Chine a promis d'atteindre son pic d'émissions "avant 2030" et la neutralité carbone "avant 2060".
Ces engagements avaient déjà été pris publiquement par le président Xi Jinping.
Son pays s'engage aussi à réduire son intensité carbone (émissions de CO2 rapportées au PIB) de plus de 65% par rapport à 2005.
Mais Pékin n'a pas précisé à combien s’élèverait son pic d'émissions en valeur absolue et peut continuer à les accroître sans limite jusqu'en 2030.
La Chine s'engage également à augmenter d'ici là la part des combustibles non-fossiles à 25% de sa consommation.
Le géant asiatique promet d'accroître ses capacités dans l'énergie solaire et éolienne mais ne précise guère comment il atteindra ses objectifs climatiques.
Est-ce suffisant?
De l'avis des écologistes, ces promesses ne suffiront pas à limiter le réchauffement planétaire sous la barre des 2 degrés, comme le monde s'y est engagé à Paris en 2015.
Certains espéraient que le pays le plus peuplé de la planète abandonnerait le charbon et atteindrait son pic d'émissions bien avant 2030, et réduirait la pollution des industries lourdes (ciment, acier, aluminium) dans les cinq prochaines années.
"Au sein du système, il y a eu beaucoup de résistance envers des objectifs plus ambitieux qui auraient été conformes aux aspirations internationales", observe Li Shuo, de Greenpeace Asie.
"Si nous attendons jusqu'en 2030 (pour commencer à réduire les émissions), la courbe qui devra être suivie entre 2030 et 2060 est si raide que certains y voient de la science fiction".
Quelle est l'importance de la Chine?
Avec plus d'un quart des émissions de gaz à effet de serre, les engagements de la Chine sont plus importants que ceux de n'importe quel autre pays.
L'empire du milieu compte plus d'un millier de centrales électriques à charbon, soit plus de la moitié du parc mondial. D'autres sont en construction.
Pour l'émissaire américain sur le climat, John Kerry, ces projets de centrales pourraient à eux seuls réduire à néant les efforts du reste du monde pour atteindre les objectifs climatiques.
Quid de la production électrique?
En dépit de ses engagements, la Chine, qui produit 60% de son électricité à partir du charbon, a accru ces derniers mois son extraction de houille afin de faire face à des pannes de courant.
Même si elle a promis que 80% de son électricité serait renouvelable en 2060, les investissements dans ce secteur ont baissé.
Quant au nucléaire, il ne représente pour l'heure que 5% du bilan électrique chinois.
Si Pékin a tardé à remettre ses derniers engagements climatiques, c'est à cause de son redémarrage de la production de charbon, selon des experts.
"Ils ont attendu jusqu'à la dernière minute pour pouvoir tenir compte des priorités du pays sans trop abimer son image internationale", estime Li Shuo.
Pékin a promis de cesser de financer des projets de centrales à charbon à l'étranger et de commencer à réduire sa production nationale en 2026.
Le salut dans les arbres?
La Chine doit augmenter son stock de forêts de 6 milliards de m3 par rapport à 2005 afin d'absorber du CO2, selon ses derniers engagements.
Mais la plantation de forêts à la va-vite menace la biodiversité, avertit l'écologiste Zhou Jinfeng. Or cette dernière est cruciale pour l'adaptation de la planète au réchauffement.
Et la politique dans tout ça?
Le régime communiste supporte mal les pressions internationales et n'hésite pas parfois à marquer des points à des fins politiques.
Son émissaire pour le climat, Xie Zhenhua, a expliqué fin octobre que Pékin attendait de voir les promesses des autres grands pays avant de publier ses propres engagements.
Dans un contexte de forte dégradation de ses relations avec l'Occident, le pouvoir chinois a averti Washington que la coopération en matière climatique pourrait en pâtir.
Pékin accuse volontiers les pays riches de ne pas aider suffisamment les pays pauvres à s'adapter au réchauffement.
De toute évidence, le président Xi, qui n'a pas quitté la Chine depuis le début de l'épidémie de Covid-19, participera au travaux de Glasgow par visioconférence.