ROME: Un G20 aux ambitions modérées se réunit ce week-end à Rome pour un sommet centré sur le climat, la lutte contre le Covid et la relance économique, à la veille du rendez-vous crucial de la COP26.
La grand-messe annuelle des vingt pays les plus industrialisés de la planète - souvent critiquée pour être un club fermé de puissances économiques dont n'émerge aucune décision concrète - se tient à la veille de la conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26) à partir de dimanche à Glasgow en Ecosse (Royaume-Uni).
Le chef du gouvernement italien Mario Draghi avait plaidé début octobre pour "un engagement du G20 sur la nécessité de limiter la hausse des températures à 1,5 degré", l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris. Mais les pays du G20, qui représentent 80% des émissions mondiales, sont extrêmement disparates en termes de développement socio-économique, de mix énergétique et d'ambition climatique. Certains visent la neutralité carbone en 2050, d'autres en 2060.
Pour Antony Froggatt, chercheur à l'institut Chatham House, si le G20 ne s'engage pas sur ces deux points (1,5 degré et neutralité en 2050), "nous n'avons aucun espoir d'atteindre les objectifs" de l'accord de Paris.
Les leaders du G20 au coeur du quartier romain voulu par Mussolini
Les chefs d'Etat et de gouvernement du G20 vont se réunir samedi et dimanche dans le quartier romain de l'Eur, né de toutes pièces par la volonté de Mussolini qui voulait y accueillir l'exposition universelle de 1942.
Destinée à fêter les 20 ans de la Marche sur Rome de 1922, qui marqua l'arrivée au pouvoir du fascisme, l'Exposition Universelle de Rome, dont l'acronyme donna son nom à ce quartier situé entre le centre historique et la ville littorale d'Ostie, n'eut jamais lieu à cause de la Seconde Guerre mondiale.
Voulu par Benito Mussolini pour célébrer la gloire de son régime, l'Eur est typique de l'architecture de l'époque fasciste, avec ses espaces monumentaux rythmés par des perspectives emblématiques de l'architecture rationaliste. Le marbre blanc et le travertin, une roche sédimentaire calcaire extraite à Tivoli près de Rome, y règnent en maître.
Ce projet urbanistique était censé faire écho à la gloire de l'Empire romain, dont le fascisme se voulait l'héritier en se présentant comme "la troisième Rome", après la Rome antique et celle des papes.
"La troisième Rome s'étendra sur d'autres collines le long des rives du fleuve sacré (le Tibre, NDLR) jusqu'aux plages de la mer Tyrrhénienne", avait ainsi prophétisé Mussolini lors d'un discours au Capitole en 1925.
Le G20 dans le « Nuage »
Parmi ses édifices les plus emblématiques figure le Palais de la Civilisation italienne, surnommé affectueusement par les Romains "le Colisée carré" en raison de ses ouvertures semblables à celles du célèbre amphithéâtre. Cet édifice est aujourd'hui le siège de la maison romaine de couture Fendi.
La propagande fasciste s'affiche aussi au Palazzo Uffici dont l'entrée exhibe un bas-relief monumental sur l'Histoire de Rome commençant par Romulus et Remus et finissant avec Mussolini à cheval, le bras droit levé dans le salut fasciste.
L'Eur abrite de nombreux musées, des institutions publiques comme la Sécurité sociale italienne, ainsi que les sièges sociaux de grandes banques comme Unicredit ou de grandes sociétés comme le géant de l'énergie Eni.
Depuis sa création, le quartier a subi de nombreuses transformations et c'est d'ailleurs dans un bâtiment récent imaginé par le couple d'architectes italiens Massimiliano et Doriana Fuksas, un énorme cube de verre et d'acier emprisonnant une vaste structure fluide, que se réuniront les chefs d'Etat et de gouvernement.
Surnommé "le nuage", ce bâtiment spectaculaire construit sur trois niveaux, qui peut accueillir jusqu'à 8.000 congressistes, est né pour combler un vide dans les infrastructures susceptibles d'accueillir congrès ou conventions dans la capitale italienne, mais son histoire tourmentée illustre les aléas bureaucratiques et financiers souvent reprochés à l'Italie.
Alors que le couple Fuksas avait remporté en 2000 l'appel d'offres, la construction n'a débuté qu'en 2007 et a été régulièrement interrompue à cause d'une combinaison de soucis administratifs et financiers. Elle n'a finalement pu être achevée que grâce à la vente de quatre bâtiments publics du quartier datant de l'ère Mussolini. Le Nuage a pu finalement être inauguré en 2016.
Côté vaccins, pas d'annonce fracassante à attendre: la communauté internationale s'est engagée lors d'un sommet en mai à Rome à fournir plusieurs milliards de doses aux pays les plus pauvres en 2021 et 2022. L'enjeu est désormais de les distribuer et de vacciner les populations concernées dont les structures de santé sont souvent défaillantes ou inexistantes.
Si le G20 devrait néanmoins trouver un motif de satisfaction en entérinant la taxation minimale mondiale de 15% des multinationales après l'accord de 136 pays de l'OCDE, le plus dur reste à faire, chaque pays devant désormais traduire cet accord mondial dans sa propre législation.
Retour du multilatéralisme
Mario Draghi veut le croire: le sommet "marque le retour du multilatéralisme, après les années sombres d'isolationnisme et d'isolement liées à la crise sanitaire". "Nous discuterons des enjeux les plus complexes de notre temps, avec l'objectif de trouver des solutions ambitieuses et partagées", a-t-il dit mercredi.
Le président Joe Biden s'efforcera de tourner la page de l'ère Trump et du repli américain dans la capitale italienne où il rencontrera dès vendredi le pape, puis M. Draghi, et enfin son homologue français, Emmanuel Macron, premier tête-à-tête entre les deux hommes après une grave crise à la mi-septembre avec la France autour d'un contrat de sous-marins.
Ce sera par ailleurs le dernier G20 de la chancelière allemande Angela Merkel, flanquée de son probable successeur, le social-démocrate Olaf Scholz, ministre des Finances du gouvernement sortant.