Ethiopie: loin du front, les Tigréens visés par des arrestations arbitraires

Alula (nom d'emprunt) dans la ville d'Addis-Abeba, en Éthiopie, le 21 octobre 2021. EDUARDO SOTERAS / AFP
Alula (nom d'emprunt) dans la ville d'Addis-Abeba, en Éthiopie, le 21 octobre 2021. EDUARDO SOTERAS / AFP
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Publié le Vendredi 29 octobre 2021

Ethiopie: loin du front, les Tigréens visés par des arrestations arbitraires

  • Depuis douze mois, loin des combats, les Tigréens sont visées par une campagne d'arrestations arbitraires dans la capitale Addis Abeba et un peu partout dans le pays
  • Les arrestations ont commencé peu après le début, en novembre 2020, du conflit au Tigré, région la plus septentrionale d'Ethiopie

ADDIS ABEBA : Le jour n'était pas encore levé lorsqu'en ce jour de juillet, des policiers éthiopiens ont pénétré dans la cathédrale, à Addis Abeba. En pleine prière, ils ont emmené une douzaine de prêtres et moines d'ethnie tigréenne.

Les policiers n'ont donné aucune explication, mais les religieux ont immédiatement compris qu'ils allaient rejoindre les milliers de Tigréens accusés de soutenir le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qui combat depuis un an l'armée fédérale dans le nord du pays.

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Des gens marchent devant des magasins incendiés dans la ville d'Addis-Abeba, en Éthiopie, le 21 octobre 2021. EDUARDO SOTERAS / AFP

Depuis douze mois, loin des combats, les Tigréens sont visées par une campagne d'arrestations arbitraires dans la capitale Addis Abeba et un peu partout dans le pays, ce que beaucoup d'observateurs décrivent comme l'une des faces cachées de ce conflit dévastateur.

Les responsables des forces de l'ordre affirment que ces arrestations sont légitimes et s'inscrivent dans la lutte contre le TPLF, classé organisation "terroriste" en mai.

Mais des entretiens menés par l'AFP avec des dizaines de détenus, avocats, responsables judiciaires et militants des droits humains révèlent plutôt des arrestations systématiques ciblant toute personne d'ethnie tigréenne. 

Les victimes interrogées affirment que leurs expériences s'apparentent à du profilage ethnique, avec des dossiers construits sur des motifs douteux.

Les religieux arrêtés ont été détenus plus de deux semaines par la police qui les accusait de collecter des fonds pour le TPLF, de brûler des drapeaux éthiopiens et même de préparer des attentats.

L'un des moines se souvient n'avoir pu s'empêcher de rire lorsqu'un enquêteur lui a demandé où ils cachaient leurs pistolets.

"Nous leur avons dit que nous étions des hommes de foi, pas des hommes politiques", raconte-t-il, sous couvert d'anonymat: "Je ne sais pas d'où ils tiennent leurs informations. Mais ils utilisent cela pour nous réprimer, nous les Tigréens, pour nous faire vivre dans la peur."

Complot

Les arrestations ont commencé peu après le début, en novembre 2020, du conflit au Tigré, région la plus septentrionale d'Ethiopie. Cette confrontation armée a marqué le point culminant de mois de tensions entre le Premier ministre Abiy Ahmed et le TPLF, parti ayant dirigé de fait l'Ethiopie avant l'arrivée d'Abiy en 2018.

Au départ, elles ciblaient essentiellement le personnel militaire. 

Deux semaines après le début des combats, des dizaines d'officiers tigréens ont été convoqués pour une réunion à Addis Abeba. Les médias d'Etat ont diffusé les images, présentées comme une preuve de leur soutien au gouvernement. 

Mais un peu plus tard, au moins trois de ces officiers ont été arrêtés et leurs domiciles fouillés. Ils ont été emprisonnés pour avoir prétendument comploté pour renverser Abiy Ahmed, ont affirmé à l'AFP des membres de leurs familles.

Michael, fils de l'un d'eux, était stupéfait. "Il n'aimait pas parler de politique", explique-t-il en évoquant son père, officier de niveau intermédiaire avec 30 ans de service: "Il nous grondait quand nous parlions de politique."

Depuis que des médias d'Etat ont annoncé en août qu'un tribunal militaire avait prononcé des condamnations à mort contre des officiers "traîtres", l'inquiétude de Michael grandit.

Son père, toujours détenu dans un camp militaire à l'ouest d'Addis Abeba, peut recevoir des visites trois fois par semaine.

Il fait partie des mieux lotis. Des milliers d'autres ont été ou sont toujours détenus au secret.

Un porte-parole militaire n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Commerces fermés

Alors que la guerre se prolongeait, les détentions ont continué. Elles se sont multipliées fin juin après que le TPLF a reconquis la majeure partie du Tigré.

Trois nuits après la reprise de la capitale régionale Mekele, des policiers ont frappé à la porte d'Alula, un militant tigréen qui dénonçait les massacres et viols collectifs sur internet.

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Alula (nom d'emprunt) dans la ville d'Addis-Abeba, en Éthiopie, le 21 octobre 2021. EDUARDO SOTERAS / AFP

Détenu pendant une nuit dans un commissariat d'Addis Abeba, il a ensuite été conduit dans un camp militaire à 200 kilomètres à l'est. 

Pendant les sept semaines suivantes, Alula a vécu d'un morceau de pain et de deux tasses d'eau par jour, comme les plus de 1.000 prisonniers du camp.

Parmi eux se trouvaient des journalistes et des hommes politiques ayant évoqué les horreurs du conflit qui a fait des milliers de morts et poussé, selon l'ONU, des centaines de milliers de personnes au bord de la famine. 

Alula a été libéré mais il ne se sent plus en sécurité pour parler de la guerre. "Si je le fais, je serai à nouveau arrêté, peut-être tué", explique-t-il.

Des milliers d'entreprises "soutenant le TPLF" ont également été fermées, comme s'en est félicité un responsable du ministère du Commerce en septembre.

Sur un seul pâté de maisons d'Addis Abeba, sept bars et deux hôtels ont été fermés en juillet, officiellement en raison de la "pollution sonore".

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Un jeune vendeur de rue marche devant des magasins fermés, prétendument en raison de l'origine de leurs propriétaires, dans la ville d'Addis-Abeba, en Éthiopie, le 21 octobre 2021. EDUARDO SOTERAS / AFP

"C'est un mensonge", assure le propriétaire d'un des bars: "En gros, ils imaginent que les Tigréens célébraient l'avancée du TPLF".

Selon lui, ces fermetures prouvent que les autorités ciblent tous les Tigréens, pas seulement les soutiens actifs du TPLF.

Ethiopie: les dates marquantes du conflit au Tigré

Voici les dates marquantes de l'intervention de l'armée éthiopienne, lancée il y a un an, dans la région dissidente du Tigré, un conflit qui s'est propagé à d'autres régions, alimentant les craintes d'une famine de grande ampleur.

Intervention militaire

Le 4 novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, lance une opération militaire contre les autorités du Tigré, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qu'il accuse d'avoir orchestré des attaques sur deux bases de l'armée fédérale.

L'Union africaine et l'ONU appellent à cesser les hostilités.

Le 13, l'ONU demande une enquête sur de possibles "crimes de guerre", puis s'alarme d'une "crise humanitaire à grande échelle" à la frontière avec le Soudan.

Des informations indiquent la présence de troupes venues de l'Erythrée voisine, ennemie jurée du TPLF.

Le 28, M. Abiy annonce que l'armée fédérale contrôle la capitale régionale Mekele et déclare l'opération militaire "terminée".

Exactions, désastre humanitaire

Malgré la victoire proclamée, les combats se poursuivent, entravant l'acheminement de l'aide humanitaire. Les récits d'exactions se multiplient.

Le 26 février 2021, Amnesty International accuse des soldats érythréens d'avoir tué "des centaines de civils" en novembre à Aksoum (nord du Tigré). Un massacre ultérieurement confirmé par la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, organisme indépendant rattaché au gouvernement.

Le 10 mars, Washington dénonce des "actes de nettoyage ethnique" dans le Tigré occidental, contrôlé par les forces de la région voisine de l'Amhara appuyant l'armée éthiopienne.

Pendant des mois, Addis Abeba et Asmara nient toute présence militaire érythréenne au Tigré, finalement reconnue par Abiy Ahmed le 23 mars. Il annonce ensuite le retrait des troupes érythréennes. 

Le 26, les Etats-Unis exhortent l'Ethiopie à réagir face à l'aggravation du "désastre humanitaire" et appellent les troupes érythréennes à se retirer "de manière vérifiable".

En mai, Washington prend des sanctions contre des responsables érythréens et éthiopiens. Le président Joe Biden condamne des violations "inacceptables" des droits humains.

Elections, contre-offensive rebelle

Le 21 juin, l'Ethiopie organise des élections législatives et régionales, qui ne se tiennent pas dans certaines circonscriptions, notamment au Tigré. Le parti d'Abiy Ahmed remporte une majorité écrasante.

Le 28 juin, les rebelles pro-TPLF entrent dans Mekele, dix jours après avoir lancé une contre-offensive. Elles assurent que la lutte va "s'intensifier" jusqu'au départ des "ennemis" de la région, malgré un cessez-le-feu décrété par le gouvernement éthiopien.

Le 3 juillet, un haut responsable de l'ONU déclare que plus de 400.000 personnes ont "franchi le seuil de la famine" au Tigré.

Le conflit se propage aux régions voisines du Tigré, de l'Afar et de l'Amhara. 

Le 5 août, les rebelles prennent le contrôle de la ville amhara de Lalibela, classée par l'Unesco au patrimoine mondial.

Mobilisation générale

Le 10 août, Abiy Ahmed appelle la population à rejoindre les forces armées.

Le 9 septembre, le gouvernement affirme que les rebelles ont été "mis en déroute" dans la région de l'Afar.

Le 30 septembre, le gouvernement annonce l'expulsion de sept responsables d'agences onusiennes accusés d'"ingérence". 

Le 4 octobre, Abiy Ahmed est investi pour un nouveau mandat de cinq ans. 

Le 7, les forces gouvernementales et leurs alliés engagent des offensives aériennes et terrestres contre les rebelles dans la région de l'Amhara.

Le 18, l'aviation éthiopienne mène des frappes sur Mekele, une première depuis novembre, tuant trois enfants et blessant plusieurs autres personnes, selon l'ONU. 

D'autres frappes ont lieu les jours suivants au Tigré, tuant plusieurs civils.

Méfiance

L'ampleur exacte de cette répression est impossible à déterminer, estime Fisseha Tekle, chercheur pour Amnesty International.

Il affirme que l'ONG a "reçu plusieurs témoignages" faisant état d'un millier de personnes détenues dans un seul camp dans des conditions "sordides".

De nombreuses personnes arrêtées sont toujours portées disparues. "Des familles ont parcouru des centaines de kilomètres à la recherche de proches. D'autres ont fait le tour des commissariats d'Addis", souligne-t-il.

Ces arrestations ont été critiquée par certains dirigeants.

Fin septembre, Abraha Desta, haut responsable de l'administration intérimaire installée au Tigré après l'éviction du TPLF, a estimé sur Facebook que les autorités avaient créé un environnement où parler le tigrinya, la langue tigréenne, "est considéré comme un crime".

Le lendemain, il a été arrêté, accusé de violation de la législation sur les armes à feu et de provocation.

D'autres responsables ont exprimé leur mécontentement en privé.

Lors d'un séminaire en septembre, le procureur général Gedion Timothewos a ainsi réprimandé des membres de la direction du recouvrement des avoirs pour leur zèle dans la poursuite d'entrepreneurs tigréens, selon plusieurs participants.

Il les a accusés d'"abus de pouvoir" et les a appelés à arrêter le "profilage ethnique". 

Désormais ministre de la Justice, M. Gedion n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. 

Même si ces arrestations cessaient, leurs victimes pensent qu'elles ont déjà gravement délité le tissu social éthiopien, notamment à Addis Abeba où les Tigréens vivaient autrefois librement.

"Il est évident que tout le monde se méfie (...) Personne ne sait ce qui se passera demain", explique un avocat tigréen, qui représente 90 Tigréens détenus: "Moi-même, je ne suis pas confiant. A tout moment, ils peuvent m'arrêter."


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

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  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.