Le succès saoudien dans les technologies de la santé inspire une application dédiée aux femmes

Des Saoudiennes participent à une course de vélo pour marquer la Journée mondiale contre l'obésité à l'Université Princess Nura à Riyadh. (AFP/File Photo)
Des Saoudiennes participent à une course de vélo pour marquer la Journée mondiale contre l'obésité à l'Université Princess Nura à Riyadh. (AFP/File Photo)
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Publié le Samedi 23 octobre 2021

Le succès saoudien dans les technologies de la santé inspire une application dédiée aux femmes

  • La technologie destinée à la santé des femmes, ou Femtech, un secteur en plein essor dans le Royaume
  • Outre le suivi des performances physiques, l'application IMC Women's Health permet de surveiller les paramètres corporels, la fécondité et le bien-être des utilisatrices

DUBAÏ : En Arabie saoudite, le secteur des technologies de la santé, qui connaît une forte croissance, sera bientôt doté d'une nouvelle application pour smartphone permettant de suivre de près le bien-être des femmes.

IMC est une application consacrée à la santé des femmes. Elle sera lancée le 1er novembre et permettra, selon ses créateurs, de suivre les indicateurs corporels de ses utilisatrices et de leur procurer un meilleur contrôle sur leur santé et leur bien-être au sens large.

Cette nouvelle application est bien plus qu'un simple instrument de suivi alimentaire et physique. Elle fournit en effet des informations concernant la santé gynécologique, les ovaires polykystiques, la fertilité, la fatigue ou encore les hormones. Elle propose un calendrier et une calculatrice permettant de surveiller les cycles menstruels, l'ovulation et la fertilité, mais aussi de gérer au mieux la grossesse et le bien-être.

« Le bien-être et la santé sont au cœur de nos préoccupations », confie Farhaa Abdelhaq, responsable de la conception et de l'analyse de l'application, à Arab News. « IMC répond à notre vision qui consiste à guérir l'esprit, le corps et l'âme grâce à une approche holistique. Sur le plan biologique, nous sommes conscients que la durée de vie des femmes est plus élevée, mais cette longévité ne signifie pas pour autant que les femmes jouissent d'une meilleure santé ».

Les différentes fonctionnalités proposées par l'application permettent aux femmes de pronostiquer la fécondité, d'enregistrer et de suivre les symptômes rencontrés, ainsi que de surveiller la contraception, la tension artérielle, la glycémie et les médicaments consommés. Selon Mme Abdelhaq, pour obtenir de tels renseignements, un service spécialement conçu pour les femmes s'impose, de manière à permettre à chacune de mieux contrôler son état de santé.

Une présentation de l'application IMC Women's Health. (Fourni)
Une présentation de l'application IMC Women's Health. (Fourni)

« Notre objectif est de leur consacrer une application adaptée à leurs besoins et aux maladies qui les touchent, et de mettre à leur disposition une plus grande panoplie d'informations et d'opportunités, ce qui leur épargnera les visites répétées chez le médecin », explique-t-elle.

Disponible sur Apple App Store et Google Play, cette appli sera proposée dans un premier temps aux patientes de l'International Medical Center Hospital (Centre médical international) de Djeddah, où elle a été conçue dans les deux langues : l’arabe et l’anglais. Elle sera par la suite accessible à toutes les femmes vivant dans le Royaume, voire partout dans le monde - dans un deuxième temps ».

« Nous partirons des commentaires de nos patientes pour savoir si certaines fonctionnalités doivent être améliorées », précise Mme Abdelhaq. « À ce jour, aucune application dédiée aux femmes n'existe en Arabie saoudite. Il était donc impératif de concevoir ce projet ».

Femtech est le nom donné à l’ensemble des technologies mises au point pour répondre aux besoins du secteur de la santé des femmes, et ce secteur ne cesse de progresser. Dans son rapport intitulé « FemTech Market - Global Outlook and Forecast 2021-2026 », le cabinet Research and Markets prévoit que ce secteur affichera un taux de croissance annuel cumulé supérieur à 13 % au cours de cette période de cinq ans.

Dans un contexte où le secteur médical intègre des outils numériques, 80% des femmes investissent dans des produits médicaux et prennent 90% des décisions relatives à la santé depuis leur domicile. Au total, on estime à plus de 19 milliards de dollars le volume du marché mondial des technologies féminines consacrées à la grossesse et à la maternité d'ici à 2026.

Des étudiantes en médecines saoudiennes équipées de lunettes 3D eécoutent le docteur Fawzy Deghedy, d'origine égyptienne, expliquer sa nouvelle technique de cyberanatomie, qui fait appel à une machine permettant de réaliser une anatomie virtuelle en 3D, au Saudi German Hospital de Djeddah. (AFP/File Photo)
Des étudiantes en médecines saoudiennes équipées de lunettes 3D eécoutent le docteur Fawzy Deghedy, d'origine égyptienne, expliquer sa nouvelle technique de cyberanatomie, qui fait appel à une machine permettant de réaliser une anatomie virtuelle en 3D, au Saudi German Hospital de Djeddah. (AFP/File Photo)

« Il s'agit d'une immense industrie technologique tournée vers la santé des femmes », précise Mme Abdelhaq. « Elle porte sur des aspects spécifiques aux femmes »

« Les femmes traversent de nombreuses étapes : les cycles menstruels, la pré-ménopause et la post-ménopause, la grossesse, le post-partum et la contraception. Notre objectif est d'améliorer le bien-être des femmes. Les outils numériques nous permettent d'y parvenir ».

« Dans le domaine de la santé, ce sont les femmes qui prennent les principales décisions. Malheureusement, elles sont peu informées ou on ne les comprend pas ».
 

Ce type d'outils numériques revêt une importance particulière pour les femmes d’Arabie saoudite, dans la mesure où il prend en compte les préparatifs de voyage et les obligations religieuses, telles que la Omra.

« Les applications numériques leur fournissent les données, les informations et les conseils nécessaires pour répertorier les symptômes à signaler lors des visites médicales », ajoute Mme Abdelhaq. « Cela favorise les diagnostics précoces».

En effet, Mme Abdelhaq met l'accent sur le rôle de l'application dans le contrôle du syndrome des ovaires polykystiques, qui affecte la fertilité, le poids et les hormones, et qui peut être difficile à dépister.

EN CHIFFRES

*13 % - Taux de croissance annuel cumulé prévu pour les Femtech pour la période allant de 2020 à 2026. (Plus haut dans le texte, l’intervalle est de 2021 à 2026) IL FAUT QUE AN REVOIE CE DETAIL

 

*19 milliards de dollars - Estimation du volume du marché mondial des Femtech consacrées à la grossesse et à la maternité d'ici à 2026.

Cette application s'inscrit dans le cadre des solutions numériques que l'hôpital IMC souhaite offrir aux femmes à travers l'Arabie saoudite.

« Étant donné que les soins de santé deviennent peu à peu plus personnalisés et centrés sur le patient, il est impératif de tenir compte des besoins des femmes saoudiennes et de se servir de la technologie pour leur assurer des solutions à la fois abordables et accessibles », explique Omer Sayyid, responsable du projet de cette application, à Arab News.

 « Cela fait des décennies que les produits relatifs aux soins de santé sont développés, conçus et fournis sans prendre en considération les problèmes et les besoins spécifiques aux femmes qui sont distincts de ceux des hommes. L'apprentissage automatique, l'internet des objets et l'intelligence artificielle recèlent tous un potentiel extraordinaire permettant de concevoir des solutions interactives aux problèmes liés à la santé des femmes ».

Selon M. Sayyid, la technologie et la science peuvent accomplir de beaux résultats et à un rythme plus rapide si elles adaptent leurs solutions aux besoins et aux points de vue des femmes. On pourra ainsi dépister, avec une plus grande efficacité, le cancer et les maladies qui touchent principalement les femmes, améliorer la gestion personnelle des soins personnels, de la grossesse et des cycles menstruels, ou traiter des maladies comme l'arthrite, l'ostéoporose, la dépression et la maladie d'Alzheimer.

 « Dans le marché des Femtech, la plus grande partie des logiciels, wearables (NDRL : technologies portables ou un vêtement ou un accessoire comportant des éléments informatiques et électroniques avancés, NDRL) et applications se concentrent sur la fertilité ou la grossesse. Il faut pourtant aller plus loin encore », a-t-il déclaré. « Il est indispensable de répondre aux besoins de toutes les femmes quel que soit leur âge, et non pas seulement de celles qui sont en âge de procréer- la ménopause et les soins aux personnes âgées sont aussi importants, de même que la prise en charge des conditions chroniques et des troubles hormonaux ».

Mme Abdelhaq avoue que les incitations financières entrent en jeu dans ces initiatives. À l'échelle mondiale, les entreprises de logiciels et de technologies qui abordent les besoins biologiques des femmes ont généré 820 millions de dollars en 2019. « Mais c'est avant tout une nécessité, et non un choix, que nous intégrions les femmes dans les technologies. Cela permet de préserver la santé des générations présentes et futures », ajoute-t-elle.

Cette nouvelle appli trouvera certes un marché favorable. Selon une étude du Philips's Future Health Index (l’Indice de santé pour le futur), plus de 34 % des patients qui se servent de la technologie numérique pour surveiller leur santé sentent qu'ils ont un meilleur contrôle.

Une présentation de l'application IMC Women's Health App. (Fourni)
Une présentation de l'application IMC Women's Health App. (Fourni)

« Cette application est un prolongement de la ‘porte d'entrée numérique’ (Digital front door), une stratégie numérique intégrée destinée à engager les patients dans le suivi médical », explique à Arab News Mohammad Siddiqui, directeur informatique à l'IMC de Djeddah.

« La ‘porte d'entrée numérique’ donne du pouvoir aux patients et leur procure un plus grand sentiment d'autonomie. Ainsi, ils peuvent engager plus facilement et de manière moins stressante une conversation approfondie au sujet de leur situation.  Une transparence et une communication accrues permettent d'améliorer la relation patient-soignant ».

Cette initiative s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la Vision 2030 de l'Arabie saoudite, à savoir le programme de réforme et de diversification économique du Royaume. En début d'année, l'Arabie saoudite a lancé le programme de réforme du secteur de la santé dans le but de renforcer le système médical dans l'ensemble du pays.

Ce programme se donne pour objectif la restructuration du secteur de la santé au Royaume et d'améliorer ses compétences et ce, en plaçant la santé de chaque individu au cœur de ses priorités.

« L'objectif de l’application IMC consiste à adapter ses établissements à la Vision 2030 », explique Mme Abdelhaq. « Du point de vue sanitaire, nous souhaitons mettre la technologie au service de la bonne cause, plutôt que d'innover dans ce domaine pour le plaisir ».

« Nous souhaitons responsabiliser les gens; la technologie ne serait qu'un outil si elle ne s'accompagne pas de cette dynamique d'amélioration. Les technologies dans le domaine de la santé sont à la traîne si on les compare à celles utilisées dans le secteur bancaire et financier. Mais le moment est propice pour faire ce grand pas ».

 

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Twitter: @CalineMalek

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 

 


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com