PARIS: Que des énergies renouvelables et pas de nucléaire, à condition de s'attaquer au gaspillage : l'association négaWatt présente sa vision de l'avenir énergétique de la France, qui s'annonce comme un sujet central de la campagne présidentielle.
Le réseau d'experts, pionnier dans la réalisation de ce genre d'exercice prospectif, avance son nouveau scénario à horizon 2050 quelques jours avant que le gestionnaire du réseau électrique à haute tension RTE présente les siens, très attendus par les pouvoirs publics.
NégaWatt constate d'abord que l'on pourrait réduire nettement les besoins énergétiques en rénovant efficacement les bâtiments : en passant de 30.000 à 800.000 rénovations thermiques globales par an d'ici 2030, avec des travaux globaux et pas par morceaux.
L'électrification des voitures, complétée par de l'hybride biogaz (pour éviter trop de recours au lithium), le report modal, ainsi qu'une redevance pour les transports routiers permettant de financer le ferroviaire ("l'idée n'étant pas de moins partir en vacances") forment l'autre levier d'action sur la demande pour sortir des fossiles, sources du réchauffement.
In fine, la consommation d’énergie finale se trouve divisée par deux en 2050 par rapport à aujourd'hui.
L'approvisionnement, lui, repose sur les éoliennes dont il faudra doubler le nombre, à 18.500 éoliennes, quand l'Allemagne en compte déjà 30.000. "Ce n'est pas une invasion comme certains veulent le faire croire", commente Marc Jedliczka, un porte-parole.
Mais aussi le photovoltaïque, en doublant la croissance annuelle actuelle. Le scénario table aussi sur une forte hausse du biogaz agricole.
Corollaire : nul besoin de construire de réacteurs nucléaires, ni même de démarrer l'EPR de Flamanville, qualifié d'"échec industriel majeur".
Et "en fermant les anciens réacteurs entre leurs 40e et 50e années, le système électrique peut se passer de l'atome tout en assurant la sécurité d'approvisionnement via le stockage et le pilotage des flexibilités électriques" générées par les renouvelables, a calculé l'association.
"Loin du renoncement ou de l'illusion de solutions faciles", ces propositions s'ancrent dans "un réalisme opérationnel", dit le porte-parole de négaWatt, Yves Marignac.
Selon l'association, la neutralité carbone du pays pourrait même être atteinte dès 2047, avec des puits de carbone permis par l'agroécologie et "zéro artificialisation nette".
«Une feuille de route»
"À rebours des injonctions à produire et consommer toujours davantage, au mépris des limites planétaires", le scénario, qui se veut "une feuille de route pour le quinquennat" à venir, prône aussi une relance industrielle "vertueuse" combinant filières d'avenir (éolien offshore, batteries, électrolyseurs...) et optimisation des ressources (recyclage, matières biosourcées, écoconception...).
Cette publication quinquennale, qui prend aussi en compte les besoins accrus en minerais liés à la transition, intervient en plein débat sur l'avenir énergétique de la France, qui s'est engagée à la neutralité carbone en 2050. Comment y parvenir ?
À la demande du gouvernement, RTE a travaillé plus de deux ans, nourri aussi de contributions d'entreprises, ONG, syndicats, etc. à imaginer la production électrique de demain mais aussi la demande, qui pourrait être soutenue avec l'essor du véhicule électrique ou les besoins en hydrogène.
Plusieurs scénarios devraient ainsi être présentées lundi, pointant tous le nécessaire essor des renouvelables : des hypothèses allant du renouvelable à 100% jusqu'au renouvelable-nucléaire à 50-50.
L'atome produit aujourd'hui plus de 70% du courant en France, pays le plus nucléarisé du monde. Le gouvernement a choisi de le ramener à 50% d'ici 2035, pour diversifier son bouquet, mais la suite fait l'objet de rugueux débats, ravivés dans le contexte électoral.
L'État devait se prononcer sur la poursuite du programme de construction d'EPR au plus tard en 2023, lorsque Flamanville aura normalement démarré.
Dans l'immédiat, le président Emmanuel Macron a déjà acté du soutien à la fabrication de prototypes de "petits réacteurs" SMR, via le plan d'investissement "France 2030".
Mercredi les écologistes, avec Yannick Jadot et Matthieu Orphelin, doivent tenir un point presse, et accuser Emmanuel Macron de sortir "l'artillerie lourde pour tenter de démontrer que le lancement d’un nouveau programme d’EPR s'impose d'urgence".