PARIS: Blob terrestre versus blob spatial: des milliers d'élèves à travers la France se sont glissés dans la peau d'un chercheur pour lancer, de concert avec Thomas Pesquet, une expérience inédite avec ces ovnis scientifiques formés d'une unique cellule mais aux capacités stupéfiantes.
A l'école publique élémentaire Mac Donald, dans le nord-est de Paris, les créatures dormaient depuis un mois dans des petits sachets, dans un état desséché de « sclérote », attendant patiemment qu'on les réveille.
« Aujourd'hui démarre une semaine spéciale ! », lance la maîtresse, Emmanuelle Bohbot, à ses élèves de CM1-CM2, survoltés. L'expérience « Elève ton blob », suivie par plus de 4 500 établissements du CE2 à la Terminale sous la houlette du Centre national d'études spatiales (CNES), consiste à comparer le comportement des blobs sur Terre avec celui de leurs congénères spatiaux, en apesanteur.
De son nom scientifique « physarum polycephalum », le blob est un être à part dans l'arbre du vivant. Apparu sur Terre bien avant les dinosaures, il n'est formé que d'une seule cellule et de plusieurs noyaux pouvant se multiplier à volonté. Sa capacité à se mettre en dormance le rend quasiment immortel.
Cet été, quatre blobs ont été propulsés (sous forme desséchée) vers la Station spatiale internationale (ISS), où Thomas Pesquet était chargé de les réhydrater, les prendre en photo jour après jour, lui aussi durant une semaine. Deux créatures étaient nourries, d'autres privées de pitance.
Même protocole au sol, en gravité. Pendant sept jours, les élèves recevront les images prises par l'astronaute, pour voir si le « blob ISS » et le « blob terrestre » évoluent différemment. Les résultats seront interprétés au laboratoire toulousain d'Audrey Dussutour, directrice de recherche CNRS, qui pilote l'expérience.
« Que va-t-il se passer à votre avis ? Quelle est votre hypothèse ? », demande l'institutrice. « Celui qui n'a rien à manger va se remettre en dormance », prédit Rayan, 9 ans.
Après cette séance de questions-réponses, tout le monde se précipite dans le fond de la salle de classe, transformée en mini-laboratoire, pour démarrer le protocole.
Les uns sont chargés d'humidifier, avec une pipette, les petites boîtes de Petri où pousseront les blobs, les autres d'y déposer très délicatement, à l'aide d'une pince, les minuscules sclérotes.
« Il a mal au ventre ? »
Puis de les installer dans le noir, dans une « blob box » où ils seront pris en photo toutes les dix minutes, en mode accéléré.
Bien que dépourvu de pattes, de bouche, d'estomac, le blob se déplace (lentement) et mange (beaucoup). Et malgré son absence de cerveau, il sait résoudre des problèmes complexes et élaborer des stratégies pour s'alimenter.
Fascinée par ce « génie sans cerveau », Emmanuelle Bohbot a voulu aller plus loin que l'expérience « blob ISS ». Dès réception de son « blob kit » à la rentrée, l'enseignante a démarré un élevage en parallèle, confié à ses élèves.
Un peu craintifs au départ face à ces masses visqueuses jaunâtres, ils les ont peu à peu apprivoisées. Certains ont même ramené chez eux le week-end les cinq boîtes contenant « bloup », « bloby », « Alpha »....
« C'est mon être vivant préféré ! », explique fièrement Riad. « Il est bizarre, mais maintenant ça me rend triste de devoir en mettre des bouts à la poubelle quand ça déborde des boîtes », confie Léa.
« Ils y sont très attachés », remarque Emmanuelle Bohbot. Face à ce succès, elle a décidé de faire du blob le « projet de l'année »: une fois le protocole ISS terminé, l'élevage parallèle sera conservé pour de multiples recherches.
Comme ce »test de la caféteria » fait durant le week-end, avec des aliments variés (fruits, légumes, café...). En observant les images, les élèves ont découvert un blob devenu tout blanc près d'un morceau de banane.
« Peut-être qu'il a eu mal au ventre ? », propose Samya. « Où t'as vu un ventre, toi? », lui rétorque sa voisine de classe. »Il est possible qu'il soit mort », suggère l'institutrice.
Prochaine expérience, suggérée par les élèves: savoir si le blob a des sentiments. Un blob sera couvert de méchancetés et l'autre de compliments, et les deux organismes seront comparés.