LA FOA: "Une frange de la population refuse de se rendre dans les vaccinodromes. On en a conclu qu'il fallait aller vers eux": Kouma, la plus petite tribu de Nouvelle-Calédonie, a reçu lundi une équipe de pompiers venus vacciner les volontaires dans la maison commune.
"On n'est pas là pour vacciner coûte que coûte mais d'abord pour répondre aux questions ou aux préjugés véhiculés par les réseaux sociaux", témoigne Bernadette Worms, médecin conseil du ministère de la Santé, qui a été le moteur de l'initiative.
Resté exempt de Covid pendant 18 mois grâce à une stricte protection de ses frontières, l'archipel français du Pacifique sud a été frappé par le variant Delta qui s'est répandu comme une traînée de poudre depuis le 6 septembre, causant la mort de plus de 200 personnes en un mois.
Une course contre la montre a donc été lancée pour vacciner la population, avec des équipes sanitaires jusqu'aux tribus les plus reculées.
Dont la petite communauté constituée d'une quarantaine d'habitants, vivant pour la plupart en autosuffisance grâce à l'agriculture et la pêche, quelques-uns travaillant au village de La Foa, distant de 15 kilomètres sur une route sinueuse.
Au déclenchement de l'épidémie, plus personne n'est sorti de la tribu et les étrangers n'y étaient pas bienvenus. Rapidement, Kouma a fait le choix de la vaccination.
"On n'est déjà pas nombreux et en plus on vit en collectivité. Il faut le faire pour se protéger les uns les autres", lance Linda Paouro, présidente du conseil des chefs de clans.
Cette jeune femme au franc-parler accueille lundi dans la maison commune de la tribu une unité sanitaire dans le cadre d'une opération de grande proximité, organisée par le SIVM (Syndicat intercommunal à vocations multiples) de la région.
Refus d'aller dans les vaccinodromes
Mises sur pied en quelques jours la semaine dernière, ces unités sanitaires volantes comptent trois pompiers, un médecin et un représentant de l'intercommunalité.
"On a constaté qu'une frange de la population refuse de se rendre dans les vaccinodromes où il y a du monde et où les gens ont peur d'attraper le virus. On en a conclu qu'il fallait aller vers eux", explique Régis Roustan, président du SIVM, soulignant que certains chefs de tribus n'ont toutefois pas donné leur feu vert pour recevoir des équipes.
A Kouma, le chef Albert Paouro a lui plaidé pour la vaccination.
"Au début, je ne voulais pas, mais un soir le chef, qui est mon oncle, nous a réuni et vu la gravité de la situation, il nous a demandé de faire le vaccin", raconte Samantha, quelques minutes après avoir reçu sa deuxième dose.
Pour montrer l'exemple, Marianne, l'épouse d'Albert, avait été la première à aller se faire vacciner au dispensaire il y a trois semaines avant de compléter lundi son schéma vaccinal.
"Quand elle est revenue de sa première dose, on a vu qu'elle allait bien, qu'elle était normale. Alors ça nous a rassuré", poursuit Samantha, qui s'est surtout fait vacciner "pour protéger sa grand-mère de 73 ans".
Tisanes et prière
"Ce n'est pas toujours facile, j'ai eu des agressions verbales virulentes", souligne Bernadette Worms.
"Des gens m'ont aussi dit qu'entre la prière et les tisanes de la médecine traditionnelle, ils étaient protégés", ajoute Mme Worms, se félicitant d'être souvent parvenue à convaincre les récalcitrants grâce à "cette pédagogie au plus près des habitants".
Actuellement, près de 47% de la population totale de Nouvelle-Calédonie (280.000 habitants) dispose d'un schéma vaccinal complet et les autorités espèrent parvenir à l'immunité collective d'ici mi-novembre.
Lundi, le confinement strict, en vigueur depuis le 7 septembre, a été légèrement assoupli avec la mise en place d'un pass sanitaire, la réouverture des commerces non essentiels et des restaurants et la reprise progressive des cours.
Compte tenu du risque de rebond, l'armée va néanmoins prêter main forte à l'hôpital pour augmenter le nombre de lits de réanimation, tandis qu'un pont aérien pour transporter des malades vers la métropole est en cours de préparation.