PARIS : Comme sur tout chantier, les ouvriers pataugent pour l'instant dans la boue. Mais en 2025, en contre-bas du plateau de La Défense, le quartier d'affaires près de Paris, s'élèvera une double tour ultra-moderne, vitrée et végétalisée, qui deviendra le plus haut immeuble de bureaux de France.
Baptisé "The Link" ("le Lien"), il accueillera le nouveau siège du géant français du pétrole TotalEnergies et culminera à 242 mètres.
Un projet à un milliard d'euros imaginé par l'architecte Philippe Chiambaretta, du cabinet PCA-Stream, habitué de l'immobilier professionnel, et connu entre autres pour son projet de réaménagement des Champs-Elysées.
"J'ai hésité à me lancer, car j'étais persuadé que le modèle de la tour de bureaux à La Défense était tout ce qu'il ne fallait pas faire", expliquait à l'AFP l'architecte, sourire aux lèvres, sur le chantier jeudi.
Ce modèle de la tour reste difficile à dépasser. "Cela permet de concentrer sur la même unité beaucoup de personnes", concède Roland Cubin, directeur opérationnel chez Groupama Immobilier, financeur du projet.
Pas de table rase, donc, mais une "tour nouvelle génération", argue M. Cubin.
Car pour son premier projet de ce type, l'architecte n'ambitionne rien de moins qu'un aggiornamento. "Le défi architectural a été de mettre de l'horizontalité dans cette forme de tour, par essence verticale", poursuit M. Chiambaretta.
Pour étirer la tour en largeur, "The Link" est en fait deux tours, de 228 et 165 mètres de hauteur, qui seront reliées entre elles par pas moins de 30 larges passerelles, en grande partie végétalisées.
Les liens entre les deux bâtiments permettront de créer des "plateaux" de 3.000 mètres carrés. Voire de 6.000 mètres carrés, car les étages de chaque tour seront reliés par paire par des escaliers ouverts: le but est de permettre aux salariés de rejoindre le plus possible de collègues sans jamais prendre l'ascenseur.
"Une surface inédite pour une tour de La Défense", se félicite Roland Cubin. Au total, The Link accueillera jusqu'à 12.000 occupants sur 130.000 mètres carrés.
Le travail post-Covid
"The Link est le fruit de dix ans de réflexion autour des évolutions du monde du travail", explique M. Chiambaretta, dont la revue qu'il dirige publiait en 2012 un numéro intitulé "After Office" (après le bureau).
Le secteur tertiaire est marqué par de profonds changements, explique-t-il. "Nous ne sommes plus dans l'administration de l'industrie, mais dans un capitalisme de la connaissance. L'intelligence collective est le moteur de la réussite", affirme l'architecte.
Une émulation favorisée selon lui par les rencontres et les échanges impromptus entre salariés: "Il faut que les espaces intérieurs fabriquent ces liens."
Les passerelles et jardins de "The Link" seront autant d'espaces pensés pour favoriser ces rencontres. "L'agora" au pied de l'immeuble et le "club panoramique" au milieu des tours sont pensés comme des "places de villages".
Des aménagements que l'architecte a déjà expérimentés ailleurs, notamment au #Cloud sur les Grands Boulevards qui abrite les bureaux de Facebook, Instagram et BlaBlaCar, ou dans les nouveaux bureaux de la banque d'affaire Lazard.
Si le projet a été conçu avant le Covid, il n'épouse pas moins les contours du monde du travail post-pandémie, selon Philippe Chiambaretta: "La crise du Covid a accéléré des tendances de fond comme le besoin d'extérieur et d'horizontalité."
10.000 mètres carrés d'espaces extérieurs sont ainsi prévus.
Après des mois de télétravail, "venir au bureau doit être désirable" explique-t-il, "pour attirer les talents".
"On cherche à donner du sens au siège", complète Roland Cubin.
Dans cette optique, le bien-être des salariés devient crucial. Pour l'assurer, l'architecte a par exemple aménagé des espaces végétalisés (2.800 m2 au total) accessibles à moins de 30 secondes de n'importe quel poste de travail.
Les bureaux sont alors pensés comme des outils de productivité pour les salariés, et non plus seulement comme un simple toit.
"Ce sujet est à présent pris en charge par les ressources humaines. Ce n'est plus seulement un mal nécessaire, appréhendé au prisme financier du coût par poste", dit M. Chiambaretta.