PARIS: Emmanuel Macron a reçu mardi à Paris le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken dans une ambiance studieuse mais sans effusions, pour préparer les "décisions concrètes" que le président français et Joe Biden annonceront fin octobre afin de sceller la réconciliation après une crise inédite.
Le "long tête-à-tête", qui n'était initialement pas à l'agenda, doit "contribuer à restaurer la confiance entre la France et les Etats-Unis" après la crise des sous-marins qui a éclaté mi-septembre, a déclaré l'Elysée.
Les deux pays alliés "poursuivent leur travail de coordination sur les enjeux d'intérêt commun, qu'il s'agisse de la coopération UE-OTAN, du Sahel, ou de l'espace indo-pacifique".
Selon un haut responsable américain, qui a salué un entretien "positif" et "productif", il y a un "commun accord que nous avons une opportunité à présent d'approfondir et renforcer la coordination" franco-américaine.
"Mais beaucoup de travail difficile reste à faire pour identifier les décisions concrètes" qui seront soumises aux deux présidents en vue de leur propre rencontre prévue fin octobre en Europe, a-t-il expliqué.
Le coup de froid a éclaté le 15 septembre, quand le président des Etats-Unis a annoncé une nouvelle alliance avec l'Australie et le Royaume-Uni dans la région Indo-Pacifique, dans le cadre de sa grande priorité internationale: contrer la Chine.
Ce partenariat baptisé AUKUS a suscité une rare colère de la France car il a torpillé un mégacontrat de sous-marins français passé avec les Australiens.
Il aura fallu un coup de fil Joe Biden et Emmanuel Macron, après une semaine de vives tensions, pour amorcer un certain apaisement. Le locataire de la Maison-Blanche a reconnu que les Etats-Unis auraient pu mieux communiquer avec leur allié de longue date. Et les deux chefs d'Etat ont lancé un "processus de consultations approfondies".
Selon le haut responsable américain, l'ambiance mardi était "sérieuse", et les conversations n'ont plus porté sur les récriminations françaises au sujet d'AUKUS, comme lors d'un précédent entretien entre Antony Blinken et son homologue Jean-Yves Le Drian fin septembre à New York.
«Baisser d'un ton»
Les retrouvailles parisiennes ont néanmoins été marquées par un accueil moins chaleureux que par le passé.
Jean-Yves Le Drian a certes reçu longuement son homologue en tête-à-tête au Quai d'Orsay avant la rencontre formelle, mais il ne s'est affiché qu'à minima avec lui. Aucune conférence de presse commune n'a été programmée.
En juin, le ministre français avait chaleureusement lancé "bienvenue chez toi" à Antony Blinken, parfait francophone qui a vécu dans la capitale française toute son adolescence et considère la France comme sa "deuxième patrie".
Depuis mi-septembre, changement de ton: Jean-Yves Le Drian a dénoncé un "coup dans le dos" digne de la méthode tant honnie de l'ère Trump.
Pour montrer que la France n'est pas isolée, le ministre a eu lundi des échanges avec ses homologues allemand, espagnol, polonais et avec le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et devait s'entretenir mardi avec l'Italien et le Néerlandais.
"Cette crise met en jeu les intérêts de tous les Européens concernant le fonctionnement de nos alliances et l'engagement des Européens dans l'Indo-Pacifique", insiste-t-on de source diplomatique française.
Une source européenne espérait récemment que la crise se révèle être in fine un mal pour un bien, en permettant une "clarification" entre les deux rives de l'Atlantique au sujet des ambitions d'une défense européenne complémentaire de l'Otan, un projet poussé notamment par Emmanuel Macron.
Ce dernier veut aussi que le statut de "puissance indo-pacifique" de la France soit reconnue, dans un cadre qui reste à définir.
"Il semble utile de baisser d'un ton notre rhétorique sur les agissements de nos partenaires", estiment le chercheur Bruno Tertrais et l'ex-ambassadeur Michel Duclos dans une note du cercle de réflexion Institut Montaigne.
Ils recommandent aux autorités françaises de miser désormais davantage sur l'Inde, mais aussi sur le Japon, dans leur stratégie indo-pacifique.
Antony Blinken devait également participer mardi et mercredi à deux jours de réunions à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).