WASHINGTON : Un djihadiste canadien présenté comme un acteur-clé de la propagande du groupe Etat islamique (EI), et qui prêtait sa voix à ses vidéos, a été inculpé aux Etats-Unis, où il a été discrètement transféré après sa capture en Syrie.
Mohammed Khalifa, 38 ans, a été capturé en janvier 2019, en plein combat, par les Forces démocratiques syriennes, une coalition dominée par les Kurdes et soutenue par Washington dans sa lutte contre le groupe djihadiste.
Il a été "récemment" confié au FBI et inculpé par la justice fédérale américaine dans l'Etat de Virginie pour association de malfaiteurs terroriste ayant provoqué la mort, a annoncé samedi le ministère américain de la Justice dans un communiqué.
Il est passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
D'après des médias canadiens, la justice de son pays souhaite aussi l'inculper.
Selon l'acte d'accusation américain rendu public samedi, le combattant a quitté le Canada en 2013 pour rejoindre l'EI en Syrie. Et a rapidement pris du galon au sein du "califat" autoproclamé instauré par le groupe entre 2014 et 2019, à cheval entre l'Irak et la Syrie.
Dès 2014, il est ainsi devenu un "membre-clé" de la cellule de propagande de l'organisation djihadiste, en raison notamment de sa maîtrise de l'anglais et de l'arabe.
Cette cellule est notamment à l'origine de vidéos d'exécutions d'otages étrangers dont les journalistes américains James Foley et Steven Sotloff, décapités en 2014.
Dans des échanges d'e-mails cités par l'acte d'accusation, Mohammed Khalifa justifie ces meurtres.
«Excessivement violentes»
Le djihadiste canadien, né en Arabie saoudite, a personnellement été la "voix off" en anglais de plusieurs vidéos "de propagande de l'EI excessivement violentes", dont deux intitulées "Flammes de la guerre", la première datant de 2014 et la deuxième de 2017, peut-on lire sur ce document.
Il s'agit de "deux des vidéos terroristes les plus importantes" du groupe djihadiste, selon l'accusation.
Il est aussi le narrateur présumé de "vidéos de recrutement" illustrées par des images des attentats de l'organisation en France et en Belgique, pour inciter d'autres candidats au jihad à passer à l'acte.
"Mohammed Khalifa n'a pas seulement combattu dans les rangs de l'EI sur le champ de bataille en Syrie, il était aussi la voix derrière la violence", a déclaré un procureur fédéral de Virginie, Raj Parekh, cité dans le communiqué du ministère.
"Khalifa a fait la promotion du groupe terroriste, fait progresser ses efforts mondiaux de recrutement et élargi l'audience de vidéos glorifiant les meurtres horribles de l'EI et sa cruauté aveugle", a-t-il ajouté.
Selon l'acte d'accusation, son "premier objectif" était "d'inciter les sympathisants de l'EI à se rendre dans les zones contrôlées par l'EI pour rejoindre l'EI et/ou à perpétrer des attentats en Occident, y compris aux Etats-Unis, au nom de l'EI".
Dans un entretien avec la chaîne canadienne CBC réalisé en 2019 depuis sa prison syrienne, Mohammed Khalifa, alias Abou Ridouane al-Kanadi, ne manifestait aucun regret pour ses actes. Il disait vouloir retourner au Canada avec sa femme et leurs trois enfants, mais à condition de ne pas y être jugé.
Le groupe djihadiste, classé comme organisation terroriste par les autorités américaines, a été responsable d'une vague d'attentats très meurtriers dans des pays occidentaux, notamment en France en 2015 et 2016.
Son émergence a provoqué l'intervention d'une coalition militaire internationale menée par Washington, qui a réussi à vaincre l'autoproclamé "califat" même si l'EI, désormais présent dans de nombreux pays notamment en Afrique et en Asie, continue de représenter une menace aux yeux des services de renseignement américain et européens.
Il s'agit de la première inculpation connue d'un combattant étranger de l'EI aux Etats-Unis depuis l'arrivée du président Joe Biden à la Maison Blanche.
Deux membres de la bande de ravisseurs du groupe djihadiste baptisée les "Beatles", Alexanda Kotey et El Shafee el-Sheikh, sont actuellement dans les mains de la justice américaine après avoir été transférés aux Etats-Unis depuis l'Irak il y a près d'un an.
Alexanda Kotey, ancien ressortissant britannique déchu de sa nationalité, a plaidé coupable début septembre de complicité dans les enlèvements et les meurtres d'otages occidentaux, dont James Foley et Steven Sotloff mais aussi les travailleurs humanitaires américains Peter Kassig et Kayla Mueller.