PARIS: C’est une élimination qui arrive à point nommé.
Le chef du groupe djihadiste islamique au Grand Sahara (EIGS), Adnan Abou Walid al-Sahraoui, a été «neutralisé par les forces françaises», a annoncé le président Emmanuel Macron sur Twitter dans la nuit de mercredi à jeudi. Cette élimination est de nature à dissiper quelque peu la grande anxiété qui a succédé à la débâcle américaine en Afghanistan.
Adnan Abou Walid al Sahraoui, chef du groupe terroriste État islamique au Grand Sahara a été neutralisé par les forces françaises. Il s’agit d’un nouveau succès majeur dans le combat que nous menons contre les groupes terroristes au Sahel.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) September 15, 2021
«C’est un coup décisif» porté au commandement de l’EIGS et à sa cohésion, a soutenu la ministre des Armées françaises, Florence Parly. «L’organisation aura des difficultés à le remplacer», ajoute-t-elle. Ainsi, la France prouve qu’au lieu de baisser les bras au Sahel – après son retrait du Mali notamment –, elle se réadapte rapidement et efficacement.
S’exprimant lors d’une conférence de presse conjointe avec le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Émié, et le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, Florence Parly a précisé que le terroriste a «succombé à ses blessures provoquées par une frappe de la force Barkhane en août 2021», grâce à «une manœuvre de renseignement de longue haleine» et d’une série de captures visant des proches du numéro un djihadiste.
Adnan Abou Walid al-Sahraoui est considéré comme le commanditaire de la plupart des attaques menées dans la zone frontalière située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Cette zone dite des «trois frontières» est la cible constante d’attaques de l’EIGS et du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans affilié d’Al-Qaïda.
L’hydre est donc décapitée, mais la menace demeure, assure la ministre, puisque l’organisation terroriste «reste structurée», ce qui garantit sa capacité opérationnelle.
D’où la nécessité de poursuivre «notre stratégie au Sahel qui repose sur deux piliers», qui consistent à poursuivre les opérations de neutralisations, et continuer à accompagner la montée en puissance des armées sahéliennes.
«Nous ne quittons pas le Sahel, nous adaptons nos capacités», a assuré Florence Parly en allusion à la décision annoncée par Emmanuel Macron en juin dernier de réduire la présence militaire française au Sahel au profit d’un dispositif plus resserré, à la suite de huit ans d’engagement militaire dans la région.
Prenant la parole durant la conférence de presse, Bernard Émié a détaillé les caractéristiques personnelles d’Al-Sahraoui, «émir autoritaire et brutal» et créateur de l’EIGS en 2015. «Il était le chef absolu de l’État islamique dans le Grand Sahara.»
«Il contraignait et rançonnait la population locale dans une folie sanglante et destructrice», ajoute-t-il.
Al-Sahraoui, «se caractérisait par sa cruauté et la violence de ses méthodes pour s’imposer par la force», poursuit-il, et son groupe «est responsable de l’assassinat d’une dizaine de militaires» maliens, nigériens et burkinabais ainsi que des «attaques sanglantes et des massacres de la population civile» dans la région des trois frontières.
L’EIGS, affirme Bernard Émié, est responsable de la mort d’environ deux à trois mille personnes depuis 2015; il est également responsable de plusieurs attentats visant des militaires et des civils français dont les six travailleurs humanitaires de l’organisation Acted, et d’une série de prises d’otages, dont les otages français détenus à Arlit et à Tindouf.
Il s’agit maintenant de poursuivre le travail de désorganisation des troupes djihadistes en éliminant leurs cadres, qui ont du mal à être remplacés.
La mort d’Al-Sahraoui identifié comme l’un des deux passagers visés par une frappe de drone s’inscrit donc «dans une suite de succès dans la lutte contre le terrorisme», notamment après l’élimination du numéro trois de l’organisation, Abdelrahmane al-Sahraoui en juillet dernier.
Mais en dépit de ces neutralisations qui visent les chefs, les idéologues et les logisticiens, le groupe reste menaçant d’où la nécessité «de ne pas baisser la garde», assure M. Émié, d’autant plus que la branche sahélienne d’Al-Qaïda reste animée et agressive.
De son côté, le chef de l’état-major des armées françaises a détaillé les phases de l’opération, en précisant qu’elle s’est déroulée en deux temps.
Une phase de préparation et de collecte de renseignements et une phase «d’engagement à terre dans une zone boisée et difficile d’accès» entamée par un commando d’une vingtaine de soldats.
Les deux phases se sont déroulées, selon le général Burkhard, entre le 17 et le 22 août, l’annonce de l’élimination d’Al-Sahraoui survenant à la suite des identifications nécessaires dans ce genre d’opération.
Après le démantèlement de Daech en Syrie et en Irak, c’est celui de l’EIGS qui est à l’œuvre, assurent les trois responsables français.
Sans vouloir mettre en doute l’importance de cette neutralisation, il est évident qu’elle intervient à un moment de grandes interrogations sur le devenir du Grand Sahel à la suite du retrait français annoncé. Le retour en force des talibans et d’Al-Qaïda après le retrait des troupes américaines d’Afghanistan n’aidant pas à calmer les esprits.
L’affaiblissement de l’EIGS vise à rassurer, mais ne fournit aucun gage concernant les dangers de déstabilisations qui guettent la région.
Ce constat est aggravé par l’absence de progrès notables au niveau du développement économique et social des pays concernés.