WASHINGTON: Les États-Unis ont évité in extremis la paralysie des services fédéraux. Mais dans les psychodrames qui se jouent au Congrès autour des projets de réformes de Joe Biden, la question du relèvement du plafond de la dette devrait être le prochain épisode de sourdes batailles parlementaires.
Avec le risque d'une récession et d'une panique des marchés à l'horizon du 18 octobre, date à laquelle les États-Unis auront de nouveau absolument besoin d'emprunter. D'un sujet parlementaire technique au spectre d'une crise majeure, voici ce qu'il faut savoir sur le plafond de la dette américaine.
Le «plafond de la dette», qu'est-ce que c'est?
C'est le seuil maximum légal accordé par le Congrès américain au gouvernement en matière d'emprunt.
Le plafond de la dette est actuellement fixé un peu au-dessus de 28.000 milliards de dollars et le Trésor estime qu'il sera atteint le 18 octobre.
Les législateurs l'ont relevé ou suspendu 78 fois depuis 1960.
L'argent obtenu grâce à ces emprunts sert à payer toutes les factures du gouvernement: des pensions des anciens combattants en passant par les aides sociales et les créances du pays vis-à-vis de l'étranger, dont la Chine et le Japon.
Quelles mesures le gouvernement devra-t-il prendre si le plafond est atteint?
"L'arithmétique macroéconomique est assez simple", a expliqué à l'AFP Gregory Daco, chef économiste d'Oxford Economics. "Si le gouvernement ne peut plus émettre de nouvelle dette, il doit équilibrer son budget", explique-t-il.
En d'autres termes, il doit réduire drastiquement ses dépenses, de l'ordre de 50%, pour que celles-ci n'excèdent pas le montant des revenus qui entrent dans les caisses de l’État.
Ces réductions représentent "au moins 7% du PIB", soit la taille de l'actuel déficit budgétaire, précise M. Daco.
Quelles conséquences pour l'économie américaine et mondiale ?
Réduire les dépenses à une telle échelle, du jour au lendemain, plongerait l'économie américaine dans une récession puisque la croissance est actuellement de l'ordre de 4% à 5%.
La secrétaire au Trésor Janet Yellen a prévenu que l'économie pourrait perdre des millions d'emplois, les économistes évoquant, eux, plus de 5 millions. Le taux de chômage pourrait grimper jusqu'à 8% contre 5,2% en août.
Quelles conséquences pour les ménages américains?
"Ce serait catastrophique non seulement pour l'économie, mais encore pour les familles individuellement", a martelé Janet Yellen lors d'une audition devant la Chambre des représentants jeudi.
Selon elle, "près de 50 millions de personnes âgées pourraient cesser de recevoir leurs paiements de sécurité sociale ou les recevoir en retard".
Le paiement des salaires des militaires pourrait être aussi retardé à une date indéterminée.
Elle a également évoqué les 30 millions de familles dépendant des crédits d'impôt mensuels pour frais de garde d'enfants qui devraient faire sans.
Quel impact sur les marchés financiers?
C'est difficile à prédire dans la mesure où tous les acteurs s'attendent à ce qu'un accord soit trouvé à la dernière minute.
Mais un effet de panique n'est pas exclu.
Pour l'éviter, le Trésor donnera la priorité aux paiements de ses obligations pour éviter un défaut de paiement pur et simple.
Pour autant, cela "n'empêcherait pas une forte chute de confiance des consommateurs, des entreprises et de graves turbulences sur les marchés financiers, accentuant alors le ralentissement de l'activité économique", poursuit Gregory Daco.
Qu'est-ce qui se joue au Congrès ?
Les démocrates contrôlent les deux chambres du Congrès, mais à une courte majorité.
Ils ont besoin de dix voix républicaines pour surmonter une obstruction au Sénat, et l'opposition a clairement signalé son opposition au relèvement du plafond de la dette.
La bataille survient dans le contexte des négociations sur deux projets de loi de dépenses totalisant des milliers de milliards de dollars que Biden souhaite voir promulgués par le Congrès.
Les républicains refusent pour l'heure d'augmenter le plafond d'endettement, arguant qu'ils serviront à financer ces plans.
Mais le seuil doit être de toute façon relevée pour payer les dépenses autorisées sous les précédentes administrations républicaine et démocrate.
Les républicains arguent que les démocrates peuvent approuver unilatéralement une augmentation en ayant recours au dispositif dit de "réconciliation" qui permet d'approuver un texte avec les seules voix démocrates, mais cela prendrait des semaines.
Les dirigeants démocrates essaient donc d'obtenir l'aval des républicains en agitant l'épouvantail du défaut de paiement.