À la frontière pakistanaise, les talibans bloquent l'exode des Afghans

Des talibans arrêtent des migrants afghans alors qu'ils se précipitaient pour passer au Pakistan depuis la frontière afghane à Spin Boldak, le 25 septembre 2021. (Photo, AFP)
Des talibans arrêtent des migrants afghans alors qu'ils se précipitaient pour passer au Pakistan depuis la frontière afghane à Spin Boldak, le 25 septembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 30 septembre 2021

À la frontière pakistanaise, les talibans bloquent l'exode des Afghans

  • Depuis quelques semaines, les gardes-frontières talibans refusent de laisser passer les Afghans qui veulent fuir au Pakistan et n'ont pas de visa pour
  • «Chaque jour, 8 000 à 9 000 personnes essaient de traverser la frontière sans avoir les papiers pour, donc ils sont éconduits», explique l'un des officiers talibans

SPIN BOLDAK: Dans le sud afghan, des milliers de démunis tentent chaque jour de fuir la misère et la crise humanitaire en s'exilant au Pakistan. Mais le nouveau régime des talibans leur refuse le passage, les exhortant à rester pour rebâtir leur pays.  

Aujourd'hui, Zakariullah, 25 ans, n'a pas trop envie de "se faire taper par les talibans", donc il ne retentera pas de repasser la frontière.

Il erre avec d'autres sur la longue avenue commerçante et poussiéreuse qui traverse Spin Boldak. La première bourgade pakistanaise, Chaman, n'est qu'à quelques centaines de mètres, de l'autre côté du poste frontière, le plus important du sud afghan.

Ces dernières semaines, Zakariullah a tenté d'y passer "cinq ou six fois". À chacune, les gardes-frontières talibans l'en ont empêché, plus ou moins brutalement.

"Ils nous ont dit qu'ils ne laissaient passer que les gens de la région ou qui font l'aller-retour" comme les commerçants, dit-il, assis sur le trottoir d'une rue en terre.

Depuis quelques semaines, les gardes-frontières talibans refusent de laisser passer les Afghans qui veulent fuir au Pakistan et n'ont pas de visa pour. 

"Chaque jour, 8 000 à 9 000 personnes essaient de traverser la frontière sans avoir les papiers pour, donc ils sont éconduits", explique l'un des officiers talibans à la frontière, le mollah Haqyar.

Les talibans tentent aussi d'asseoir leur légitimité et d'éviter la fuite redoutée des forces vives du pays. "Ils leur disent: 'C'est votre pays, vous ne devez pas le quitter'", raconte Rahmadin Wardak, un 25 ans, qui vend ses fruits à proximité.

«Plus aucun boulot»

"L'émirat islamique demande aux familles de ne pas quitter le pays, parce qu’en faisant cela elles ne respectent pas la culture afghane", confirme le mollah Noor Mohammad Saeed, l'un des responsables talibans de la province, celle de Kandahar.

L’économie afghane est en partie paralysée depuis le retour au pouvoir des islamistes à la mi-août. Beaucoup d'Afghans ont perdu leur travail, et un tiers de la population est menacée par la famine selon l'ONU.

"Ici il n'y a plus aucun boulot", explique Zakariullah, qui était paysan dans sa province de Kaboul, à 600 km de . Une fois installé au Pakistan, dit-il, il fera venir sa famille, restée à Kaboul.

Il a déjà englouti ses maigres économies dans le voyage, et se serre les coudes avec d'autres comme Mohammed Arif, 45 ans, venu d'encore plus loin, du Nangarhar (est), où il ne "pouvait plus nourrir" ses huit enfants.

Au bout de l'avenue, une agitation permanente baigne le poste-frontière, un ensemble de cubes de béton reliés par des couloirs grillagés surmontés de barbelés.

Des centaines d'Afghans en tenues multicolores, seuls ou en famille, y sont agglutinés au premier point de contrôle, implorant les talibans de leur ouvrir la voie. Les hommes en chemises longues traditionnelles, les femmes en burqas. Mais bien peu passeront.

Dans un couloir du poste-frontière, les talibans laissent passer les travailleurs journaliers, des hommes plutôt jeunes, suant sous leurs chapeaux plats en portant des caisses de marchandises diverses, le visage crispé par l'effort. De quoi, pour certains, éloigner la faim pendant quelques heures ou jours.

L'autre couloir, celui des familles, est quasiment vide, sauf locaux et familles de malades et vieillards, parfois chargés sur des brouettes, autorisés à aller se faire soigner au Pakistan.

Plus de 2 000 structures de santé fermées à cause de la crise économique

 KABOUL: Le système sanitaire est au bord de l'effondrement en Afghanistan, où au moins 2 000 structures de soins ont déjà fermé en raison du manque de liquidités auquel est confronté le pays, a averti jeudi un haut responsable de la Croix-Rouge.  

"Les gens vont accepter de travailler sans salaires pendant encore quelques semaines", a averti Alexander Matheou, directeur Asie-Pacifique de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), lors d'une conférence de presse à Kaboul.

"Mais quand il n'y aura plus de médicaments, plus d'électricité, et plus rien à offrir aux patients, ils mettront la clef sous la porte", a-t-il ajouté.

Sans les financements internationaux, de nombreuses ONG, sur lesquelles reposaient largement le système de santé jusque-là, sont à cours d'argent ou ont dû cesser leurs opérations.

"C'est cela qui paralyse le système de santé", a expliqué M. Matheou, à l'issue d'une visite de quatre jours en Afghanistan. "Le défi est de trouver des moyens de financements alternatifs".

"Plus de 2 000 structures de santé ont fermé" et quelque 23 000 travailleurs de santé, dont 7 000 femmes, ne reçoivent plus de salaire ou ont dû s'arrêter de travailler, a-t-il précisé.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prévenu la semaine dernière que moins d'un cinquième des centres de soin en Afghanistan fonctionnaient encore pleinement, les deux-tiers manquant de médicaments de base.   

Scénario critique

Avant la crise de la Covid et le basculement du régime en Afghanistan, la frontière était largement ouverte pour les quelque 20 000 Afghans qui la traversaient chaque jour.

Fermée après la prise de Spin Boldak par les talibans à la mi-juillet, elle a rouvert en août grâce à des négociations entre les islamistes et le Pakistan, leur allié de longue date.

Lorsque les talibans renversèrent le gouvernement le 15 août, des foules d'Afghans paniqués à l'idée de retomber dans leur régime moyenâgeux des années 1990 assiégèrent la frontière.

"Au début les talibans les ont laissé passer", raconte Sami Ul Haq, qui surveille le passage pour le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), dont il porte la blouse blanche.

Pendant les deux dernières semaines d'août, près de 20 000 Afghans ont ainsi pu entrer au Pakistan, selon des estimations locales. Mais début septembre, talibans et Pakistanais ont de nouveau imposé des restrictions.

Jeudi, les talibans ont annoncé avoir complètement fermé la frontière en signe de protestation contre les Pakistanais.

Ils accusent ces derniers, qui répètent ne plus vouloir accueillir d'autres Afghans, d'empêcher même le passage de ceux qui ont leurs papiers en règle.

Aujourd'hui, le HCR n'observe "pas de déplacement massif ou important" vers le Pakistan, selon un de ses responsables, à Islamabad, Bertrand Blanc. 

L'agence onusienne dit se préparer à toutes les éventualités, y compris l'afflux soudain de 500 000 Afghans dans les pays voisins d'ici la fin de l'année en cas d'aggravation de la crise humanitaire.   


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.