LIMA: L'incinération vendredi du chef historique de la guérilla maoïste du Sentier lumineux, Abimael Guzman, décédé le 11 septembre à 86 ans, clôt un sombre chapitre du terrorisme au Pérou entamé au début des années 80 et qui a fait des dizaines de milliers de morts.
Qu'est-ce que le Sentier lumineux ?
Le Sentier lumineux, issu d'une scission au sein du Parti communiste péruvien, est une guérilla d'extrême gauche qui a mené des actions violentes entre 1980 et 2000.
En mai 1980, l'organisation, qui trouve ses racines idéologiques dans la révolution chinoise de Mao Tsé-toung , entre en conflit avec l'Etat péruvien et tente d'obtenir le pouvoir par la force.
Le mouvement se développe sur le terreau de la révolte indigène, des oubliés de la réforme agraire de 1969 et des étudiants sortant de l'université avec des diplômes inutilisables en raison de la ségrégation raciale et linguistique.
L'organisation a compté jusqu'à 5 000 combattants.
En 2003, la Commission vérité et réconciliation (CVR), mise en place à l'issue du conflit, estime que cette guérilla a commis "des crimes d'une extrême gravité qui constituent des crimes contre l'humanité".
Qui était Abimael Guzman ?
Abimael Guzman, né en 1934 dans une famille de la classe moyenne, s'est lancé dans la lutte révolutionnaire au début des années 1960.
Il abandonne sa chaire de philosophie et lance le Parti communiste du Pérou-Sentier lumineux, faction dissidente du PC péruvien.
Au milieu des années 1960, il se rend à plusieurs reprises en Chine où il assiste aux débuts de la Révolution culturelle.
En 1979, il passe à la lutte armée clandestine avec le projet de porter la révolution depuis les campagnes vers les villes en s'inspirant du maoïsme.
Sa capture et celle de son état-major en 1992 avait démantelé en grande partie l'organisation.
Réputé impitoyable, le guérillero, qui se faisait appeler "Puka Inti" ("soleil rouge" en langue quechua), entretenait un culte de la personnalité parmi les partisans de son mouvement.
Quels crimes ont été commis ?
Au départ, les guérilleros sont bien reçus par la population à laquelle ils distribuent des terres. Mais la situation dégénère avec les assassinats de paysans, de responsables communautaires et l'enrôlement d'enfants dans des milices ou les champs de coca.
Parmi ses actions les plus sanglantes : l'assassinat en 1984 de 117 paysans qui refusaient de soutenir la rébellion et l'attentat à la voiture piégée à Lima en 1992 qui fait 25 morts et 150 blessés.
La CVR a chiffré à près de 70 000 les morts ou disparus durant les 20 ans de conflit entre l'armée et les guérillas du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA, guévariste). Le Sentier lumineux est responsable de 54% de ces victimes.
Que reste-t-il aujourd'hui du Sentier lumineux ?
La quasi-totalité des dirigeants sont désormais sous les verrous, mais il reste environ 200 combattants dirigés par Victor Quispe Palomino.
Ils opèrent dans la région montagneuse et reculée de la Vallée des fleuves Apurimac, Ene et Antaro (centre-sud), principal secteur de production de la coca au Pérou, où ils sont accusés d'être alliés avec les narcotrafiquants.
Les dirigeants historiques ont toujours assuré que cette faction n'est pas sous leur commandement.
Repentance, réconciliation ?
Si les dirigeants ont reconnu leur défaite et ne proclament plus la lutte armée, ils n'ont pas exprimé de regrets.
Osman Morote, ex-numéro 2 de la guérilla, déclarait en 2017 depuis sa cellule : "la prison, c'est difficile, mais elle ne nous soumettra jamais, et elle ne réussira encore moins à entamer notre profonde conviction qui est que l'avenir appartient au prolétariat et au peuple".
Pour la CVR, la réconciliation a eu lieu entre l'Etat et les victimes qui ont souffert de violations des droits humains de la part de l'armée péruvienne qui a demandé pardon il y a plusieurs années.
Mais elle n'a pas eu lieu avec le Sentier lumineux. Selon les experts, l'organisation pourrait participer à la vie politique, mais devrait d'abord donner des signes de repentance.