BRUXELLES : Avancer dans les négociations sur les investissements et le commerce malgré des tensions croissantes : c'est tout l'enjeu de la visioconférence qui réunit lundi les chefs de l'UE, la chancelière allemande et le président chinois.
Cette rencontre devait être l'un des grands moments des six mois de la présidence allemande de l'UE, un sommet à Leipzig (est) avec les dirigeants des 27 pays de l'UE et leur homologue chinois.
Mais la pandémie de coronavirus est passée par là et la rencontre, désormais virtuelle, se tient en format réduit : le chef du Conseil européen (qui représente les 27 de l'UE), Charles Michel, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président chinois, Xi Jinping.
Au menu des discussions, l'épineux accord sino-européen sur les investissements, dont la conclusion d'ici la fin de l'année est jugée « possible » par Pékin.
Les Européens souhaitent que leurs entreprises bénéficient en Chine des mêmes conditions que celles offertes aux firmes chinoises dans l'UE. « Nous voulons des règles de concurrence équitables, nous exigeons la réciprocité » en termes d'ouverture, souligne un responsable européen sous couvert d'anonymat.
La tâche s'annonce délicate : « On espère s'entendre lundi sur une feuille de route pour aplanir nos différends », mais « même si l'objectif politique est d'accélérer les négociations et de conclure d'ici fin 2020, on n'acceptera un accord seulement s'il vaut le coup », insiste-t-il.
Pékin a déjà quelque peu refroidi l'ambiance en interdisant samedi toute importation de porc allemand en Chine --le plus grand marché de l'Allemagne hors UE-- en raison d'un cas de peste porcine dans le Brandebourg (est). Un coup dur pour Merkel, qui n'a jamais ménagé sa peine pour vanter les produits allemands en Chine.
Equilibrisme
Autre dossier sur la table, le climat : alors que l'UE se donne un objectif de neutralité carbone pour 2050, les Européens veulent pousser Pékin à muscler ses ambitions en visant une neutralité carbone en 2060, un pic d'émissions de CO2 dès 2025 et en cessant la construction de centrales à charbon.
Cette réunion intervient alors que les relations ne cessent de se détériorer entre Chine et Etats-Unis sur fond de guerre commerciale, d'escalade des tensions en mer de Chine méridionale, de fermetures réciproques de consulats, d'accusations d'espionnage ou de violations des droits de l'Homme
Prise entre ces deux feux, « l'UE doit définir ses propres intérêts, doit être forte et indépendante, aussi bien de la Chine que des Etats-Unis », a déclaré le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, dans un entretien au journal allemand dominical Welt am Sonntag.
Bruxelles joue en tous les cas les équilibristes, considérant la Chine à la fois comme un partenaire incontournable et comme un rival stratégique.
« L'UE se montre inflexible sur ses propres intérêts et ses valeurs, mais tient à coopérer avec la Chine. Il est essentiel que l'UE ne devienne pas un champ de bataille de ces tensions, qu'elle soit un élément stabilisateur », martèle le responsable européen qui a requis l'anonymat.
Bruxelles devrait exprimer lundi à Xi ses préoccupations sur Hong Kong, où l'application d'une nouvelle loi sécuritaire constitue selon les Européens une attaque contre les libertés de ce territoire semi-autonome. Les 27 ont déjà décidé de limiter les exportations d'équipements utilisables pour la surveillance et la répression à Hong Kong.
La question de Taïwan --île gouvernée de façon indépendante mais dont Pékin revendique la souveraineté-- devrait également s'imposer : la récente visite du président du Sénat tchèque Milos Vystrcil à Taipei avait été qualifiée de « provocation » par la Chine, qui avait menacé Prague de sanctions. Les Européens avaient affiché leur solidarité.
Autre sujet d'inquiétude : le sort des Ouïghours, minorité musulmane de l'ouest de la Chine, internés massivement dans des camps selon chercheurs, ONG et diplomates, ce qui a déjà entraîné des sanctions américaines ciblées.