NEW YORK : Sans son frère Ethan mais avec Denzel Washington et toujours Frances McDormand, le réalisateur américain Joel Coen relève le défi d'adapter Macbeth, dans un film épuré en noir et blanc, tout en ombre et lumière, en restant très fidèle au texte de Shakespeare.
Orson Welles, Akira Kurosawa, Roman Polanski, Justin Kurzel... la pièce légendaire ne manque pas de versions pour l'écran.
« C'est peut-être la pièce de théâtre de Shakespeare qui se prête le mieux au cinéma. Cela tient à la structure, au rythme, à l'action et aux thèmes », explique Dennis Lim, directeur de la programmation du 59e festival du film de New York, où était présenté vendredi soir au public "La Tragédie de Macbeth", en avant-première mondiale.
Mais là où certains ont versé dans la grandiloquence pour raconter cette histoire de pouvoir et d'ambition, Joel Coen « n'a pas essayé de trouver un château médiéval, des paysages brumeux, beaucoup de chevaux et tout ça. C'est un décor très minimal. Et ça marche très bien », ajoute Dennis Lim.
Couronnés de nombreux prix, dont des Oscars pour « Fargo » et « No country for old men », les frères Coen ont embrassé beaucoup de genres, films d'aventure, comédies ou thrillers, l'humour noir souvent en étendard. Pour ce rare film seul, Joel Coen a choisi une œuvre pleine de gravité, qu'il filme à mi-chemin entre théâtre et cinéma, avec beaucoup de noirceur.
- « Cassettes VHS » -
En noir et blanc, les jeux d'ombre et de lumière sont omniprésents, notamment sur le visage de Macbeth, royalement interprété par Denzel Washington. Tout au long du film, la lumière du jour passe à travers des colonnes, des alcôves ou des meurtrières, créant des effets de clair-obscur symétriques.
Quand on lui a demandé quelle version de Macbeth l'avait le plus inspirée, Joel Coen a cité un maître du cinéma des années 1920 et 1930, le Danois Carl Dreyer -qui n'a pas adapté la pièce de Shakespeare -, et il s'est aussi référé à « l'expressionnisme allemand », dont les figures majeures furent Fritz Lang et Murnau.
Les dialogues sont, eux, très fidèles au texte, servis par Denzel Washington et Frances McDormand, déjà oscarisée trois fois, en Lady Macbeth. En marge de la présentation du film à la presse vendredi, l'actrice et épouse de Joel Coen a confié: « La première chose qui m'a donné envie d'être actrice pour le reste de ma vie, c'est la scène du somnambulisme dans la tragédie » de Macbeth. « Et je l'ai jouée quand j'avais 14 ans (...) cela fait 50 ans que je la répète », a-t-elle plaisanté, disant aussi avoir poussé pendant des années en vain son mari à se lancer dans Macbeth.
Présenté aussi au festival du film de Londres en octobre, le film sortira le 25 décembre au cinéma mais pour une durée limitée, avant d'être diffusé dès janvier 2022 sur la plateforme de streaming Apple TV. Interrogé sur cette stratégie, dénoncée par certains comme tuant le grand écran, Joel Coen, figure du cinéma indépendant, a rappelé ses débuts dans la profession.
« Quand j'ai commencé à faire du cinéma - cela fait presque 40 ans - la raison pour laquelle j'ai pu faire des films avec Ethan (...) c'est parce que les studios avaient à ce moment-là un marché annexe qui servait de filet de sécurité pour les films plus risqués, à savoir les cassettes VHS (...) essentiellement la télévision », a-t-il expliqué. « Cela fait vraiment partie de l'histoire de nos films depuis le début ».