PARIS: À l'approche de l'hiver, les prix du gaz et de l'électricité flambent en Europe sous l'effet de plusieurs facteurs, obligeant les gouvernements à réagir.
Pourquoi le gaz est-il si cher ?
Les cours du gaz naturel faisant référence en Europe ont quadruplé en six mois. Pour le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, c'est "le résultat de multiples facteurs".
D'un côté, la reprise économique mondiale après la chute de l'activité durant les confinements crée une forte demande ces derniers mois, renforcée par la météo avec une longue et froide saison de chauffe en Europe, où les stocks ne sont pas remplis.
Parallèlement, une série de problèmes pèse sur l'offre. Certains pays ont vu leur production baisser à cause de retards de maintenance dus à la pandémie ou d'infrastructures vieillissantes.
Les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) ont aussi reculé car l'Asie est également très demandeuse. Des travaux et un incendie en août sur des infrastructures en Russie ont limité les flux par gazoduc.
L'effet se fait sentir sur les particuliers mais aussi les entreprises : Fitch Ratings cite notamment le secteur des engrais et de l'agroalimentaire. Le groupe CF Fertilisers avait ainsi arrêté il y a quelques jours deux usines d'engrais au Royaume-Uni.
Et l'électricité ?
Le marché de l'électricité bat également des records : sur le marché à terme, le mégawattheure pour livraison en 2022 a dépassé les 109 euros en France, 112 euros en Grande-Bretagne ou 105 euros en Allemagne.
Ces prix "ont presque doublé sur la plupart des principaux marchés de l'électricité et sont actuellement à leur plus haut historique", notent les analystes de Barclays, évoquant "deux raisons clefs".
"D'abord, les prix du carbone (permis de polluer NDLR) ont augmenté de près de 80% cette année", notent-ils. Ils ont été renchéris dans le cadre des efforts de l'UE pour atteindre son objectif de réduire ses émissions de CO2 de 55% d'ici 2030 (par rapport à 1990).
S'y ajoute une répercussion de la forte hausse des prix du gaz et du charbon, qui alimentent certaines centrales électriques.
La situation va-t-elle s'améliorer ?
"Les prix du gaz pourraient rester élevés jusqu'à la fin de la saison d'hiver, compte tenu des faibles niveaux de gaz naturel dans les installations de stockage européennes", estime Fitch Ratings.
L'AIE met pour sa part en garde sur l'effet "de baisses de production non planifiées et de grosses vagues de froid, surtout si elles interviennent tard dans l'hiver".
De multiples facteurs jouent mais l'AIE semble compter sur la Russie, soupçonnée d'utiliser ses ressources naturelles pour servir ses intérêts géopolitiques, pour ouvrir le robinet de gaz et donner de l'air au marché. Le premier fournisseur de l'UE "pourrait faire plus pour augmenter la disponibilité du gaz en Europe", a déclaré l'agence mardi.
La ministre américaine de l'Énergie Jennifer Granholm a aussi tenté de faire pression sur la Russie, sans la citer. "Nous et nos partenaires devons être prêts à continuer à nous interposer lorsqu'il y a des acteurs qui peut-être manipulent l'offre afin d'en bénéficier", a-t-elle dit.
Que font les gouvernements ?
Plusieurs pays tentent d'atténuer l'effet de la hausse des prix pour les consommateurs.
L'Espagne a notamment décidé une baisse temporaire de l'impôt spécial sur l'électricité payé par les entreprises et les particuliers.
La France a annoncé un chèque énergie exceptionnel de 100 euros pour près de 6 millions de ménages modestes.
Le Portugal a pris des mesures pour les tarifs de l'électricité, l'Italie y réfléchit.
Aucune mesure coordonnée n'a pour l'instant été prise mais la Commission européenne a dit discuter avec les États membres pour trouver des "outils" destinés à enrayer la hausse des cours.
Côté entreprises, le Royaume-Uni a dépensé quelques millions de livres pour aider CF Fertilisers à redémarrer sa production.
Et ailleurs ?
Les prix de l'énergie montent aussi aux États-Unis. Le pays, producteur de gaz de schiste, est un peu plus protégé que l'Europe. Certains secteurs s'inquiètent toutefois : une association d'entreprises, Industrial Energy Consumers of America, a ainsi demandé au gouvernement de limiter les exportations de GNL américain pour assurer un remplissage des stocks du pays.
En Asie, la situation est également moins tendue mais "la demande pour le GNL devrait rester forte avant les jeux olympiques d'hiver de Pékin" en février 2022, prévoit Barclays. Une demande qui devrait par ricochet continuer à soutenir les prix payés en Europe.